La maison est étrangement calme. Lumière éteinte. Les habitants se cachent-ils ou sont-ils sur les remparts en train de combattre ? Que fait La Berlue ?
Isak cherche ma main et me la serre timidement. Le plancher grince. C'est un peu sinistre. La voilà donc cette petite maison que nous espionnions si souvent ! Sombre, simple, rustique...
Mon ami s'arme d'un grand bâton. Il avance à pas prudents d'espion. Aucun bruit, silence, frisson...
La grande salle du bas vide, nous montons à l'étage. Il n'y a pas de chambres : uniquement des bureaux et des pièces débarras. Tout est sombre, un peu sale. Les hommes qui viennent ici ne doivent pas vivre là mais uniquement y travailler. Le genre de repère du loup.
Par curiosité, je viens fouiller dans les grandes caisses de ces pièces débarras. Dans certaines, il n'y a que des breloques sans grand intérêt. Je me demande d'ailleurs pourquoi La Berlue garde ces pacotilles. Mais dans d'autres caisses, je note un certain nombre de papier d'identité, acte de naissance, de mariage ou de décès. Je m'étonne plus encore et appelle mon ami pour m'aider à chercher.
- Que veux-tu ? Demande-t-il.
- Peut-être que La Berlue a rassemblé ici toutes les informations qu'il pouvait obtenir pour une personne. Et s'il y avait des choses sur nous ? Sur Azel ?
Dans une caisse, nous retrouvons effectivement un amoncellement d'articles de journaux et de papiers d'administration sur la famille royale. Je m'y attendais un peu mais beaucoup de ces documents sont au sujet de maman. Sur moi et May très peu.
Une caisse un peu plus loin, nous fait découvrir un porte-document très mince qui porte le titre d'Azel.
- La Berlue le connaissait donc, murmuré-je.
- Peut-être que ce soir là, lorsqu'on nous a attaqué, j'étais le seul à être en danger de mort.
- Penses-tu que cela veuille dire qu'Azel est... Un traître ?
- Non, mais plutôt : cela confirme son passé mystérieux.
J'ouvre fébrilement le porte-document et il en tombe deux feuilles. Deux seulement : l'annonce du décès de ses parents, il y a tout de même un certain temps, et un récapitulatif des revenus et dépenses de la famille.
Qu'a donc fait Azel entre ce double décès qui l'a laissé seul et pauvre et ce jour où je l'ai rencontré ?
En redescendant, Isak vient fouiller minutieusement chaque recoin pour vérifier qu'il n'y a pas de cachette. Nous finissons par nous rendre à l'évidence : la maison a été abandonnée.
- Regarde, Perle : il n'y a plus rien. Ni papier, ni encre, ni quoi-que-ce-soit. Et mêmes les débarras en haut ne possédaient rien d'autre que des objets inutiles.
- Cela veut dire ?
- Cela veut dire que La Berlue et ses sbires ne comptent plus revenir ici.
- Et donc ?
- Perle, je te propose d'aller voir dans sa maison officielle. Après tout, nous n'y sommes jamais allés.
Il serre les poings et les dents, soudain pris d'une angoisse sourde. Et nous courons jusqu'à la seconde maison, dans le quartier riche.
Mon ami ébranle la porte d'un coup d'épaule. Il n'y a plus personne dans la rue. On ne peut pas nous voir. Seuls.
La maison est également silencieuse. La cave, le grenier vides. Et dépourvus de tout objet personnel. La Berlue a vidé la maison comme il a vidé son repère. Mais alors où est Azel ? Où est La Berlue ? Je ne peux imaginer un seul instant que l'étoile de mer ait envoyé son prisonnier se battre avec elle sur les remparts. Il y a du mystère dans l'air et je ne peux pas le supporter.
- Viens, dit Isak.
- Non. Je réfléchis.
Je m'assieds dans un fauteuil qui traîne par là et je plonge ma tête entre mes mains.
- À quoi réfléchis-tu, Perle ?
- Je ne sais pas.
Je le fixe tout à coup du regard. Il a quand même du courage mon ami.
- Merci, dis-je.
- Perle, il faut y aller. Chaque seconde compte !
- Mais c'est important que je te dise merci ! Parce que je comprends maintenant tout le courage qu'il faut pour aimer et toi tu n'en es pas dépourvu. Merci.
- Tu ne penses pas que le moment est importun pour tes réflexions ?
- Pas du tout. Il faut donc un sacré courage pour aimer. Oui, et cela est loin de nous rendre mou ou faible parce que cela nous permet de nous donner aux autres. Tu vois, Isak, toi tu as carrément sauté de balcon en balcon pour venir m'aider. Et là nous fouillons la ville alors que l'eau menace de l'envahir à tout instant.
- C'est pour cela qu'il faut nous dépêcher.
- Attends... Donc aimer, cela fait bouger la vie, fleurir les sourires, apprécier chaque personne parce que chaque personne est unique. Ah ! Et cela crée un monde meilleur. Waou ! Cela en fait des choses...
- Tant pis je pars sans toi...
- Mais où vas-tu ? Où veux-tu qu'on aille ? Où est Azel ?
- Cela, je ne le sais pas. Mais je ne tiens plus en place. Je vais chercher, je veux le retrouver avant qu'il n'arrive une catastrophe. Azel, c'est mon ami. Perle, Perle ! Mais est-ce que tu comprends ce qui se passe ? Oui ou non ? La Berlue est prêt, il va bientôt partir ! Mais Perle, toutes les intrigues qui se tramaient en ville depuis quelques jours vont éclater maintenant ! Tu comprends ? Maintenant !
- Et toi tu as peur pour ceux que tu aimes et tu es prêt à te sacrifier. Quand on a assez de courage pour aimer, c'est quand même beau.
- Oh écoute, tu me fatigues.
Il tourne alors des talons et quitte la maison rapidement. Je reste quelques instants éberluée. Oui, en effet, j'ai peut-être un peu (beaucoup) forcé la dose de réflexion et là il faut faire jouer les muscles et non le cerveau.
Je cours à sa suite et le rattrape en lui jetant au passage un bref clin d'œil et un petit rire.
Ne faudrait-il pas que je rentre me mettre à l'abri ?
Dehors, quelques personnes se risquent, étonnées de ce troublant silence et de cette attente trop longue. Combien de temps faudra-t-il pour que l'excitation et l'effroi troublent entièrement mon pauvre château de sable ?
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Mon château de sable
FantasyQuand le conte et l'amour s'invitent dans la Fantasy... Redevenez enfant. Unique en amour Aimer Mon château d'un jour Donner Le lien qui nous lie Aimer Devient si joli Donner Et la vie est telle Aimer Et la vie est belle Perle voudrait changer le mo...