Chapitre premier.

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    Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles on déménage. Parfois par envie, parfois par nécessité. Dans mon cas, il s'agit de survie. Pour la énième fois, je quitte mon petit nid douillet pour un autre endroit. Le motif de tous ces déménagements ? L'immortalité voyons ! Cette fois-ci, par contre, c'est un peu plus précipité... Un ancien groupe de vampire trouve « intéressante » ma condition, et malgré les années je n'ai vraiment pas envie d'en savoir d'avantage ... En trois-cent ans d'existence, j'en sais plus sur les espèces de ce monde et surtout celle aux yeux rouges. Aucune humanité n'a survécu à leur transformation en non-mort. Pour tuer de sang froid des humains innocents, il ne peut y en avoir. Bien que, je l'admets, très peu d'humains sont totalement immaculés, les filles autant que les garçons. Ce qui me l'a fait comprendre ? Eh bien, c'est mon aventure à Salem !

J'étais donc là, assise confortablement dans ma voiture, les mains tendues sur le volant et les pensées s'envolant au gré du paysage. Ma route me menait là où, une semaine plus tôt, j'avais acheté une maison et y avait envoyé toutes mes affaires. Plus précisément, la petite bourgade de Forks près de Seattle dans l'état de Washington, une petite ville paisible, il me semble. Un choix parfait pour une sorcière qui tente de se cacher. Les vampires auront bien du mal à me retrouver là-bas. J'ai remarqué avec les années que plus une sorcière vieillit, enfin, prend de l'âge, plus son odeur disparaît et j'avais atteint un stade où l'ont ne pouvait plus me dénicher à l'odorat, en tout cas, elles, les sangsues, en étaient désormais incapables. Après trois-cent quarante-cinq années d'existence, en tant que sorcière, j'appréciais ce genre d'avantages. Oui, trois-cent-quarante-cinq ans... Bon, d'accord, j'ai menti, j'ai un peu plus de trois-cent ans, mais je n'étais pas si loin. Ne me vieillissez pas s'il vous plait....

Le dépassement du panneau de bienvenue de la ville me sortit de mes pensées et une dizaine de minutes plus tard, je me garais devant ma nouvelle maison. Elle était entourée d'une forêt qui me protégeait des regards curieux et je ne pensais pas avoir de voisin, après tout, qui habiterait perdu dans une forêt, c'est plutôt sinistre, non ?

Après être sortie de ma voiture, j'attrapais les clés de ma nouvelle demeure au fond de mon sac. Je me stoppais un instant avant de les enfoncer dans la serrure pour reculer et détailler la bâtisse. Une maison sur deux étages de couleur crème dont certaine partie avait été laissée en brique brute, lui conférant un certain caractère, et de jolies volets en bois. Magnifique, exactement ce que j'aime. Satisfaite de mon achat, car, non, je ne l'avais encore jamais vu enfin, seulement sur la brochure de l'agence, je rentrais dans ma nouvelle demeure. L'intérieur était à l'image que je m'en étais faite. En même temps, comme je n'y vivrais sûrement pas assez longtemps pour faire un quelconque travail d'aménagement j'avais demandé à un décorateur de s'en charger. C'est un peu exagéré me direz-vous, je suis d'accord, mais j'ai l'argent pour, alors autant en profiter, après tout, je n'ai qu'une seule vie. Bien qu'elle soit immortelle.

Je visitais une à une les pièces. Mes pas m'emmenèrent dans un premier temps à parcourir le gigantesque salon déjà meublé qui donnait, par le biais d'un bar, sur une merveilleuse cuisine équipée, bijou que envierait, à coup sur, tout chef cuisinier. Je poursuivis mon chemin, trouvant une chambre, une salle de bain exotique et des toilettes sobres. A l'étage, je retrouvais une grande pièce qui avait été transformée en salle cinéma à ma demande, me permettant de visionner quelques films tranquillement comme au cinéma, même si je ne pensais pas être dérangée. Enfin, ma visite se termina par la bibliothèque, place où je pourrais étudier de nouveaux sorts. Il s'agissait d'une pièce moyennement grande située au grenier par lequel on accédait au moyen d'un petit escalier rétractable et qui était donc cachée.
Ma petite inspection fini, je descendis, puis rangeais les deux trois bricoles que j'avais gardé sur moi. J'avais aussi dû préparer ma scolarisation, à vrai dire, j'avais certes trois-cent-quarante-cinq ans passés, mais physiquement, je ne ressemblais à rien d'autre qu'une adolescente à la chevelure de feu et au corps de dix-sept ans, à ma plus grande déception. Ne pas vieillir, c'est dure, être encore mineure après plus de trois-cent années, c'est désespérant, vraiment. Mais il faut faire avec et ne jamais révéler son secret.
J'allais enfin me coucher sans avoir diné, chose pour le moins exceptionnel et dangereuse en mon état de sorcière si jamais elle se réitérait.

Le lendemain, le réveil s'enclencha à sept heure et émit un son strident. Je ne le laissais pas plus le temps de s'exprimer que mon poing s'abattit sur lui pour le faire taire et ma force, que j'avais à ma plus grande joie maîtrisée, n'écrabouilla pas totalement l'objet, lui laissant un autre jour à vivre. Je me levais difficilement et me dirigeais dans la salle de bain. Une petite douche me fit le plus grand bien, l'eau brûlante sur mon corps aux muscles encore endormis, s'éveillait enfin, et après une petite dizaine de minutes, lavée et séchée, je sortis en sous-vêtements laissant libre cours au hasard pour prendre une tenue. Habillée et un sac sur le dos, enfin, sur l'épaule, je sortis pour aller en cours. J'allais au lycée de la Push, apparemment. Ici, à Forks, il y avait deux lycées, mais le choix avait été rapide, la proximité de l'établissement était un avantage à prendre en compte car je ne voulais pas devoir aller et venir avec ma voiture. Il serait douteux pour une fille de mon âge de se promener dans un véhicule qui coûtait à lui seul cinq ans de salaire d'un chef de police local. Oui, j'étais fière de ma voiture, 280 kilomètres au compteur, elle pouvait cependant rouler un peu plus, un réservoir jamais à sec et une couleur pétillante que l'on pourrait comparer à du fushia. C'était une pure merveille et elle aurait pu faire baver Michael Schumacher.

Comme j'arrivais en milieu d'année, je ne me faisais pas trop d'illusion, j'allais être le centre d'attention de tout le monde. Ce n'était pas pour me vanter, d'ailleurs je détestais ça, être la bête de foire de ces lycéens, mais comment voulez vous ne pas l'être quand vous arrivez dans un lycée ne comprenant que cinq-cents élèves au mieux ? J'atteignais la grille de l'établissement scolaire peu rutilant et je commençais à me demander s'il n'aurait pas été plus judicieux d'être transférée dans le deuxième lycée. C'est à ce moment, plongée dans mes pensées, que je dépassais un groupe de jeunes hommes. Leur odeur particulière me fit relever la tête. C'était un groupe de taille moyenne mais cependant étrange, ils étaient tous typés, j'aurais dit des amérindiens avec leur peau cuivrée, la chevelure lisse couleur corbeau et le plus intrigant c'est qu'ils étaient tous tatoué au même endroit le même symbole.
Apparemment, je n'étais pas aussi discrète que je l'aurais souhaité puisqu'ils me détaillèrent à leur tour. Le remarquant, je m'arrêtais immédiatement de les examiner et baissais la tête. Je me mis ensuite à avancer précipitamment vers les portes de l'établissement, pensant me fondre dans la foule. Ce fut alors la stridente sonnerie qui me permit en quelque sorte une échappatoire. Tous les élèves se dépêchèrent d'entrer et je me noyais dans cette marée humaine. A l'intérieur, à l'abri, je traçais en direction de ma salle, mon sixième sens extrêmement développé me dirigea sans faillir. Pendant que je marchais dans le couloir, je me demandais qui pouvait bien être ces personnes. Pourquoi voulais-je tant savoir qui ils étaient ? Leur odeur m'intriguait et j'étais particulièrement curieuse, voici les seules réponses qui me vinrent à l'esprit.
Arrivée devant ma salle de classe je me rendis compte que j'avais oublié de passer à l'accueil avec cette rencontre. Je pestais contre mon étourderie tandis que j'entrais dans la salle et me dirigeais rapidement au fond de cette dernière, pensant passer inaperçu. Mais, décidément, ce n'était pas ma journée.

- Mademoiselle Warren levez-vous je vous prie, dit mon nouveau professeur qui, ayant aperçut cette tête inconnue qui ne lui revenait pas, la mienne, s'était enfin décidé à lire le papier qu'on lui avait tendus plutôt dans la mâtiné, mentionnant l'arrivée d'une nouvelle élève et son nom.

J'obéis à contre cœur et eut le droit à tous les regards braqués sur moi. Merci monsieur. Il vit mon mal-être, certes ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait mais pour autant ce n'était jamais agréable. En tout cas, il n'eut aucun regret de me gêner, au contraire, j'eu l'impression que ça lui plaisait avec ce léger sourire qui se dessina sur ses lèvres alors qu'il allait reprendre la parole.

- Présentez-vous donc m'ordonna t-il d'une voix faussement sympathique.

Il me dégoûtait déjà et je ne pus m'empêcher de commettre la première bévue d'une longue série :

- Vous venez de le faire pour moi, Monsieur.

Il me regarda surprit, ne trouvant aucunement cette pointe d'humour qu'on certain garnement à leur premier jour, ceux qui souhaitent à tout prix se faire remarquer. Non, mon regard était bravard mais pas de la même manière. Je savais pertinemment qu'il s'agissait d'une attitude totalement déplacée, que ne devais pas me faire remarquer, qu'il ne fallait pas que je me mette en avant. Cependant, je n'allais pas non plus me faire marcher dessus.

- Et bien chère demoiselle, vous pouvez recommencer. Et obéir à votre enseignant fait parti de votre statut d'élève dit-il en rigolant, pour autant je ne le sentais plus aussi à l'aise qu'au début.
- Je m'appelle Mary Warren, fis-je en me retournant vers celui qui avait attisé mon exaspération.

J'aurais aimé rajouter quelque chose, une petite réflexion piquante mais ce n'était pas appréciable pour mon futur anonymat.
Je retournais à ma place tranquillement, sans avoir attendu qu'on me le permette. Je n'aimais pas être sur une estrade, à la vue de tous, je n'étais pas fait pour les podiums, je n'aimais pas me démarquer. Et puis, je n'en avais pas le droit. C'est un loisir qu'on les citoyens lambda, pas les fugitifs.
Certains camarades de classes se permirent de me dévisager, apparemment, pour un premier jour j'avais fait mon petit effet, il ne manquait pas qu'à prier pour que ce soit la dernière fois. Cependant, mon professeur ne m'en laissa pas la chance. Il ne se privait pas pour me faire participer à son cours, d'une manière ou d'une autre. Pour être discrète c'était décidément mort.

Quand on sonna ma libération après ces deux heures de mathématiques épuisantes, je me dépêchais de me rendre au secrétariat. J'attendis derrière un professeur qui n'avait plus de feuilles blanches et un élève qui avait perdu son autorisation de sortie. J'écoutais distraitement tout en attendant mon tour. Une fois devant la dame, celle ci eut tout de même la politesse de me saluer en me souhaitant la bienvenue dans l'établissement. C'était la première personne qui me le disait et ça sonnait bizarrement à mes oreilles. Je me forçai à lui sourire et à écouter ce qu'elle avait à me dire, tandis qu'elle m'imprimait plusieurs documents qui semblaient tout si important à l'entendre. Elle ne s'arrêtait pas de parler et j'eu voulus lui demander de finir rapidement pour ne pas arriver en retard à ma prochaine leçon.


Le midi, mon ventre grogna doucement certes mais je l'entendis tout de même et cela me rappela enfin que je n'avais pas mangé depuis une journée maintenant, et ce n'était vraiment pas bon pour moi. Une sorcière n'avait jamais faim, on ne le ressent pas, ou, en tout cas, pas comme les humains, et le pire c'est que si on se laissait aller, on pouvait rapidement être en manque d'énergie et l'énergie c'est ce qui nous maintenait hors du coma. Il me fallait quelque chose de bien calorique comme d'habitude et la cafétéria n'offrait rien du genre. Je sortis du lycée et scrutais les lieux, trouvant une pizzeria non loin. Je m'y dirigeais mais faillis rebrousser chemin quand je vis le même groupe que ce matin me regarder étrangement. Mon corps réclamait de la nourriture alors je m'installais tout de même à la dernière table de libre, c'était à mon plus grand malheur, près de la leur. N'y prêtant pas attention, je commandais deux grosses pizzas ce qu'entendirent mes voisins et ils me le firent remarquer :

- On dirais qu'elle a faim la rousse, dit un homme de la table d'à côté.

Je ne cillais même pas. Après tout, il disait peut-être ça à l'un de ses compagnons. J'attendis patiemment ma commande qui arriva assez vite, je dois l'avouer, et engloutis tout aussi rapidement ma première pizza format familiale. J'allais m'attaquer à la seconde quand l'un des hommes rajouta:

- Elle a vachement la dalle.

Je ne savais pas ce que voulais dire ce mot, mais dans ce contexte il voulait sûrement signifier « faim ». Pour ma défense, ça faisait longtemps que je ne parlais plus le langage « jeune » et je n'étais plus « dans le coup », c'était d'ailleurs l'une des raisons de mon entrée au lycée. En effet, cela me permettait de me remettre au goût du jour et éviterait de me faire prendre, en me fondant dans la masse.

- Hey ho ! Tu m'entends ? dit l'homme qui n'arrêtait pas de me harceler depuis le début de mon déjeuner.
- Ça se trouve, elle est sourde, fit un de ces camarades.

C'est à ce moment là que je sus qu'ils étaient effectivement en train de parler de moi et qu'ils tentaient de m'adresser la parole.

- Non je ne suis pas sourde, dit-je à l'adresse du garçon. Mais si vous pouviez vous la fermez et me foutre la paix ce serait terriblement gentil !

Tous les hommes de la table me regardèrent. L'un deux se leva :

- De quel droit tu nous parles comme ça ?!

J'haussais les épaules, nullement impressionnée par la carrure de l'homme et je voulais lui montrer. Je repris mes couverts pour continuer mon repas, ignorant royalement l'énergumène. Je ne sais pas trop pourquoi il s'en prenait à moi mais je ne me laisserais pas faire, ma fierté en prendrait un coup. Pas très heureux de la manière dont je lui avais, en quelque sorte, répondu, il s'approcha et me menaça :

- Arrête de faire ta maligne, tu pourrais vite le regretter sale rousse.

Qu'est-ce qu'il avait contre les rousses ? Et surtout, qu'est-ce que j'avais pu lui faire ? Je ne comprenais pas pourquoi je le dégoutais. Cependant, ce qui me dépassait c'est comment on pouvait manquer de respect à un inconnu aussi outrageusement. J'allais le remettre à sa place. Je lui demandais alors plus gentiment, sans trop en faire :

- Est-ce que tu la trouves bonne ma pizza ?

Il passa de mon sourire trop parfait à mon repas encore fumant, se méfiant de moi. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi, le reste du groupe fit la même chose.

- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Juste pour savoir, éludais-je.

Il ne se doutait pas de ce dont j'étais capable :

- Parce que tu vas la bouffer ! dis-je enfin.

Puis, avant qu'il ne comprenne ce que cela voulais signifier, je l'empoignais par le col, l'immobilisant, et lui renversait mon plat sur la tête. Encore fumante, la pâte brûla légèrement son magnifique visage.
S'il n'y avait eu que ma réplique, il n'aurait pas bronché, mais à présent qu'il avait l'intégralité de ma pizza sur la figure, je pus vois ses poings se refermer et son corps commença à trembler dangereusement. J'ignorais cette réaction colérique.
Je ne suis pas du genre violente et ce n'était qu'un avant goût de ce que je pouvais faire.

Je dépassais le groupe ahuris de mon action puis partis vers mon prochain cours sans un regard pour ceux gueux. Des abrutis de cette espèce, j'en ai croisé et j'en croiserais encore mais il ne sert à rien de s'attarder avec puisqu'ils ne sont d'aucun intérêt. Qu'est ce que je leur avais fait pour qu'ils me prennent en grippe ? Rien. Ou peut être que le fait de les avoir dévisagé le matin même les rendait mal à l'aise ?

Dans les couloirs que j'arpentais, j'allais vers ma salle de classe et entrais au moment même où la cloche résonnait dans tout l'établissement. Je ne savais pas d'où venaient ces messieurs mais je pus aisément constaté qu'ils avaient pris tout comme moi le chemin menant au lycée de la Push. Je doutais du niveau intellectuel de ces personnes, me demandant si c'était véritablement possible pour eux d'accéder à une classe d'un quelconque niveau scolaire. Mais je me souvins qu'ici tant qu'on avait des muscles, on pouvait entrer n'importe où, et ces gars devaient donc être les leaders de l'équipe de basket du lycée. Mon hypothèse se trouvait fort plausible de mon point de vus, mais je la laissais de côté pour me concentrer sur le cours de langue que j'avais.
Je préférais de loin tout ce qui avait un côté littéraire. Non pas que je trouvais inutile les matières scientifiques, au contraire, la science nous avait fait considérablement avancer, mais je n'aimais pas ces matières. C'était aussi simple que ça et puis je n'aimais pas trop les jeunes scientifiques de maintenant non plus. Beaucoup, pensaient qu'il n'y avait que les mathématiques, la biologie et la physique dans la vie, que les matières littéraires n'étaient d'aucune utilité dans notre société actuelle. Quels nigauds ! Par exemple l'histoire, ce n'était pas qu'une matière reflétant le passé, bêtement. L'histoire permettait d'apprendre de nos erreurs sur l'humanité toute entière. Pensez-vous que si Hitler avait été incollable sur l'histoire des autres pays, il se serait fait si facilement surprendre par le froid Russe et aurait perdu tant de temps et de soldats ? Et même si les sciences aident pour le futur, la littérature, la philosophie et l'économie aussi dans un certain sens, développant l'identité d'un pays. Comment pouvait-on penser valoriser une nation sans ces éléments ? Et puis, plus une nation est lettrée, plus elle se hisse, cherchant le meilleur.

En fin de journée, j'étais toujours dans mes pensés les plus profondes quand je vis le groupe que j'avais, comment dire, enfin avec qui j'avais eu une altercation. Ils étaient au grand complet et avaient ramené leurs amis apparemment. J'avais sûrement du me faire la remarque le matin même mais je ne pouvais m'empêcher de rappeler à quel point il était étrange de voir des personnes se ressemblant tout en étant à la fois différentes. En effet, les membres de ce groupe étaient tous grands, musclés, typiquement amérindiens, cheveux noirs, yeux marrons, et peaux cuivrées avec sur l'épaule droite ca fameux tatouage. Je prenais cette fois-ci le temps de le détailler. C'était un peu dans le style triballe, il représentait un cercle dans lequel deux loups face à face s'entremêlaient au niveau de leur queue et de leurs pattes comme s'ils essayaient de rentrer l'un dans l'autre.
En entendant du bruit à mes côtés je remarquais que je n'étais pas la seule à les regarder. Je voyais plusieurs groupes et notamment de jeunes filles qui semblaient déjà éperdues devant leur charme :

- Ils sont tous là ? piailla l'une d'elle à ma droite.
- Ça faisait bien longtemps, il ne manque plus que Seth pour compléter ce groupe de canons ! répondit une autre.

Je levais les yeux au ciel devant leur débilité enfantine et lâchais un soupir. Il était désespérant de voir ces pauvres purges s'enfoncer dans leur stupidité au lieu de la fuir. Mais finalement, je compris que ces personnes avaient un réel statut par ici, un peu comme un boys band.

Pour rentrer, je devais passer près d'eux et m'avançais donc vers le groupe qui m'impressionnait certes, mais qui ne m'effrayait pas pour autant. Après tout, il ne s'agissait que d'humains faibles et ignorants. En les frôlant, un des hommes, le plus vieux me semble t-il, me retint par le coude. Il avait une poigne de fer ! Je me retournais vers lui et il desserra sa main autour de mon pauvre bras.

- Sans vouloir vous manquer de respect, Monsieur, j'aimerais beaucoup ne pas être dérangée par vos collègues pour le moins immatures.
- Et tu te sens plus mature que nous peut-être ? Me provoqua-t-il à mi-sourire.
- Oui et pas qu'un peu, lâchais-je.

A peine me fus-je exprimé que je regrettais déjà mes paroles. J'espérais qu'il ne remarque rien à ce que je venais de sortir. Il arqua malheureusement un sourcil d'un air interrogateur et je ne pus retenir un petit « fais chier » qui sortie de ma bouche facilement.

- Comment ça ? dit-il d'une voix rauque, sur la défensive.

C'est moi qui le rendais comme ça ? Houlà... mon petit père, tu as bien raison de te méfier, une petite incantation et tu souffrirais le martyre.

- Ok Musclor ! Je ne connais pas ta vie, ne viens pas mettre ton grain de sel dans la mienne, c'est clair ? Et ne me retouche plus jamais, sinon tu vas souffrir, sifflais-je entre mes dents, menaçante.

Toute sa troupe rigola à ma petite prestation mais en entendant le principal concerné grogner comme un chien, ce que je trouva bien étrange, ils prirent une posture défensive. Je n'y fis pas plus attention, préférant profiter du fait qu'il m'ait lâchée et laisser une porte de sortie pour partir vers chez moi.

Arrivée devant la maison, j'étais épuisée de ma journée, à tel point que lorsque je rentra, la fatigue me pris de court. Je me dirigeais dans un état semi conscient vers ma chambre, je lâchais mon sac au pied de la penderie puis m'effondrais sur le lit. Je n'étais vraiment pas faite pour une vie d'action à remballer les gens.

Le lendemain, j'avais du mal à me lever, le réveil l'a d'ailleurs bien compris car il ne fonctionnera plus dorénavant. Faudra que je le jette, j'en soupirais d'agacement, il fallait décidément que je mesure ma force. Heureusement que je n'utilisais pas de smartphone, ça finirait pas me couter une fortune.


Devant la grille, il était encore là, à me regarder, sur ses gardes. Je les voyais m'épier, se méfier, tous mes mouvements étaient attentivement scrutés comme si j'allais me retourner brusquement contre eux et les attaquer sauvagement alors que je ne voulais qu'une chose : les oublier rapidement pour vivre ma vie. Je crois que je vais regretter d'être venue à Forks si ça continue. Dans ma classe, le piaillement incessant des gens autour de moi me fatigue, les écouter me tue. Une envie frénétique de tous les faire taire me parcoure mais je dois me contrôler, pourtant je me sens si fatiguée. Les heures défilent je n'ai pas pu aller me rassasier, ces gars me surveillent. Je le vois, le sens, c'est comme si j'étais espionnée. La fin des cours sonne, je sors le plus rapidement possible mais toujours à allure humaine, de toute façon je ne suis pas aussi rapide qu'un vampire ou je ne sais quoi d'autre, tout mon pouvoir se repose sur le mentale. Tous les cinquante ans un pouvoir se développe en nous mais il n'est jamais physique Ô grand jamais ! Dans une course cela nous rend médiocre, dans un combat rapproché cela peut tuer, mais à distance c'est un peu plus utile.
J'aimerais en dire plus mais je ne peux pas, je me sens faible, tellement faible. Je rentre chez moi en courant épuisant mon énergie. Il faut que je mange le plus rapidement. Mais j'ai tellement envie de dormir.

Une fois chez moi, l'appel de mon lit ce fait imparable. Pourquoi je ne me nourris donc pas ? Moi-même je ne sais pas. Je ne comprends pas. Sans vraiment le vouloir je regarde l'heure à ma montre, j'aurais pourtant le temps d'aller faire les course mais je ne le fais pas. Demain après l'école, je me le promets, je vais aller acheter de quoi arranger mon état. J'en ai besoin, on peut dire que c'est vital. Après maintes claques, autant physiques que mentales, je parvins à prendre ma dernière barre chocolaté sur-calorique. Je ne tiendrais plus longtemps, je ne sais pas encore combien d'énergie il me reste et j'espère pouvoir tenir jusqu'à demain soir.

Le lendemain, j'ai l'impression que tout le monde me regarde bizarrement. Suis-je donc si étrange dans mon coin, affamée sans le sentir ? Seule la fatigue est présente, un sommeil envoûtant qui ne demande qu'une chose : me prendre dans ses bras et ne plus jamais me lâcher. Voilà le quatrième jour que je suis à Forks et déjà je me tuais par abandon nutritionnel, quelle folle ! Je n'étais pourtant pas suicidaire d'habitude. En classe, je restais silencieuse gardant mes dernières batteries qui s'épuisaient encore plus rapidement que d'habitude. J'aurais aimé dormir mais j'avais peur que le sommeil ne me lâche plus. Une heure ! Je ne peux plus me retenir cinq cours le matin c'est trop pour moi, je sors. La pizzeria est remplie de ces personnes que je ne peux pas sentir. Je vais cependant en direction du snack, mais les voir là, tous, me fait peur. Un effet secondaire de la faim, on a peur pour un rien, se sachant pertinemment plus faible que les autres, la première chose qui nous traverse l'esprit est la fuite. Je dois cependant résister, toujours et encore, contre l'envie de courir loin d'eux, contre l'envie de dormir, contre l'envie de piquer à la première personne sa nourriture, contre... Je ne peux même plus citer c'est tellement fort. Mon air désespéré interpelle celui que j'avais appelé Musclor ainsi que le reste de sa troupe. Alors qu'il se lève et s'approche de moi, je recule pour toucher le corps brûlant d'un des jeunes hommes. Je sursaute et m'éloigne, je suis entourée d'hommes musclés et ça me terrifie mais il ne faut pas que je le montre. Pourtant, je crois que c'est déjà que trop visible.

- Ça va ?

Je me retourne vers celui qui vient de poser la question, le regarde, détaille ses traits. Est-il sincère ou va-t-il s'en prendre à moi, comme d'autre ? Je n'arrive pas à définir s'il m'aidera ou m'enfoncera. Je sens encore une fois la fatigue me submerger. Que faire ? Cette question me hante. Pas le temps de réfléchir, je me retourne vers l'homme qui a l'air le plus jeune. Mais sa stature imposante me décourage, et pourtant je n'ai pas le choix. Je vais vers lui, le bouscule de tout mon poids mais il ne bouge pas d'un pouce :

- Putain d'armoire à glace énorme ! vociférais-je d'une petite voix.

Il semble sourire et émit un rire suite à ma phrase qui n'aurait pourtant pas dû être en capacité d'entendre, aurais-je parlé plus fort pour qu'un humain m'entende ? Je n'en sais rien, je ne sais plus rien, je me perds de plus en plus dans les abysses de l'inconscience. C'est pour bientôt, si je ne bouge pas, mon coma est pour bientôt ! Ma conscience ravivée par cette peur, je frappe de toutes mes forces l'homme, mais mes maigres muscles ne le blessent pas. Et malgré le tambourinement incessant de mes poings sur ses abdos saillant au travers de son tee-shirt, il ne bouge toujours pas. Ah si ! Il prend mes avant bras pour les arrêter. Je lui jette un regard noir, mais celui-ci s'évanouit bien vite face à ses yeux qui me procure étrangement une vague de désir incontrôlable, ce même désir qui semble se refléter dans ses pupilles... C'est quoi ça ? Pas le temps de comprendre, ce sentiment puissant d'envie finit de m'achever et je perds connaissance en laissant un dernier mot aux hommes qui m'entourent :

- Faim ...

Salem.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant