Je ne me souviens pas de tout, comme tout le monde il y a des périodes de ma vie dont je n'ai aucun souvenir ou encore d'autres avec des images floues. Ces périodes se trouvent toutes avant ma transformation. Cependant je me rappelle d'où je viens. Je me souviens du château où je vivais, près des côtes armoricaines, dans l'actuelle Bretagne. Un château fort comme on n'en fait plus dorénavant. C'était le plus puissant fief de toute la côte et les bonnes familles passaient rendre leurs hommages ou bien se ressourcer grâce à l'air salé. Leurs costumes de la haute, leurs courbettes, les femmes élégamment vêtues. Je me souviens des paysans qui travaillaient la terre, de l'odeur horrible des fermes. Des pêcheurs, qui salaient au gros sel le poisson avant de l'envoyer vers d'autres régions de France. Et je me souviens de la plage où se couchait le plus magnifique des soleils, là entre les pécheurs et les bacs de sel qui faisait la fortune de notre fief. Je vivais là, à une époque où le fait de naitre fille nous abaissait, à une période où Dieu choisissait notre malheur ou notre bonheur. J'étais la deuxième fille de mon père, la seule toujours en vie. Ma sœur était morte jeune, elle n'avait pas fêté ses 5 ans, que Dieu avait décidé de la rappeler à lui. Et pourtant être sa seule enfant ne m'a pas épargné.
Je me souviens encore de mes espérances. J'étais jeune, encore insouciante, protégée du monde extérieur et de la pourriture humaine. Je voulais vivre et découvrir le monde. Puis je voulais trouver un homme, que j'imaginais tel un idéal, notre romance commencerait dès le premier regard, il me troublerait et je le troublerais. Puis, toujours dans ce rêve de petite princesse on se marierait et on vivrait heureux avec nos enfants dans un château. Je n'imaginais pas mon avenir différemment, et à vrai dire j'avais un tel statut que c'était dans la logique des choses que tout ce passe comme ça. C'était un délire, un pur fantasme quand on savait ce qui m'attendait et pourtant j'ai réussi à trouver cet homme qui m'a fait tourné la tête d'un simple regard. S'il existe un moment que je ne risque jamais d'oublié c'est bien celui-ci, ces quelques moins avant que mon destin soit sellé, lorsque je l'ai rencontré. Je sortais de la cuisine après avoir fini de manger, la bonne m'avait fait passé par la porte de derrière. Ensuite je traversais la cour et me rendais aux écuries prendre un cheval qui m'emmènerait vers la plage. Il a capté mon regard à ce moment là, il arrivait sur son cheval bai, droit, fier sans être orgueilleux. Habillé comme les gens de la haute, des cheveux blonds, propres, attachés à l'arrière comme le faisaient les jeunes hommes de notre classe. Mais ce qui m'a transcender c'était son regard, bleu perçant, je n'avais jamais encore croisé un tel regard. Je sentis mes joues s'enflammer, ma timidité repris le dessus et je baissais les yeux pour continuer à préparer mon cheval. Mes mains ne bougeaient plus comme d'habitude, j'étais stressée, je me sentais épiée par cet homme aux yeux formidables. Ensuite, lorsque je fus sur la plage je ne pensais qu'à lui, ses yeux me hantaient, même lorsque je m'assoupis son regard me réveilla. C'était lui, il fallait que ce soit lui. Il s'est avéré par la suite que cet homme connaissait mon père. Sur le moment j'en étais heureuse, je sautillais sur place en pensait à nos futurs enfants. Délire de gamine. Puis il y a eu mes 17 ans. Ces fameux 17 ans. A partir de ce jour là tout a basculé. De la vie de château, je fus enfermée dans une cage comme une criminelle, torturée comme une sorcière, puis pour m'achever on me viola lors d'une cérémonie morbide. Evidemment, le violeur, c'était lui. Je n'ai pas envie de me souvenir de cet instant. Ce moment où j'ai pensé qu'il était là tel un chevalier pour me sauver, m'arracher de cet enfer. Il a détaché mes liens, alors je me suis mise à y croire, j'étais sauvée, il était là pour me sauver. Du plus profond de mon cœur je le croyais. Mais, c'était seulement pour mieux enlever mes vêtements. Il a fait son affaire, il a réussi à me détruire. En effet, le seul moyen pour créer une sorcière c'est de détruire sa part humaine, la tuer, l'anéantir, à tel point que ce « reste » n'ai qu'une seule pensée en tête détruire à son tour ou tout simplement mourir. Voir les deux parfois. Il paraît que lorsqu'on meurt, notre vie défile devant nos yeux, moi je n'ai rien vu. Je sentais juste la douleur. Mais peut-être est-ce parce que ma mort signifiait une renaissance. Quand la chose fut terminée, étrangement je ne me suis pas évanouie, au contraire j'étais parfaitement consciente. Je sentais mes larmes coulées, qu'un liquide poisseux rouge coulait entre mes jambes, qu'il restait sur mes cuisses comme preuve que c'était bien arrivé. Puis on m'a emmené dans une salle d'eau, des servantes m'ont nettoyé. Ils souhaitaient peut-être effacer ce qu'ils venaient de faire ? « Voilà une sorcière toute fraiche, toute belle ». Mais ils avaient complétement faux, je n'étais pas fraiche, et je ne serais plus jamais belle. La beauté d'une femme se trouve dans sa pureté, qu'elle l'offre, la conforte, mais se l'a faire arracher, la fane. J'étais une fleur qu'on avait piétinée avec des bottes pleines de boue. C'était la réalité, je n'étais pas dans un manga avec des héroïnes qui restent innocentes, qui encaissent tout sans broncher avec le sourire tout en resplendissant. Non, je savais que mon halo de lumière avait fuit, que je ne sourirais plus. J'étais fanée. Après ça, je n'avais pas compris ce qu'il m'était réellement arrivé, que leur geste avait un but plus profond qu'un simple viol mystique. Je l'avais seulement compris quand j'avais tentée de me suicider. En me coupant les veines, c'était tout simplement impossible. Ma peau avait changé et cela revenait à couper un rumsteck bien dur avec un couteau à beurre. Et encore, ça aurait été plus simple. Je n'avais pas réussi à trancher mon épiderme et prise en flagrant délit de tentative de suicide par une servante on m'avait confisqué tout objet présentant un quelconque risque. Mais, ce n'était pas tout, j'avais une telle valeur à leurs yeux, qu'il n'était plus question de me laisser sans surveillance. Ma punition fut bien pire que la mort. Il me fallait un gardien, ils LE choisirent pour endosser le rôle. Dès que je le revis mon corps commença à trembler, je tombai, j'avais peur, je pleurais. Des réactions pour montrer à quel point j'étais paralyser de douleur à l'intérieur de mon âme. Il avait changé, il était plus beau que dans mon souvenir, plus fort, éblouissant de vitalité. J'étais branlante à sa vue, non pas éblouie par l'homme qu'il était, par son charme, mais tout simplement attirée comme un aimant qui n'a pas le choix. J'avais peur, j'avais mal rien qu'en pensant à lui et pourtant j'étais liée à cette personne. Mes jambes ne pouvait fuir alors mon corps se mit à trembler dès que j'étais en sa présence. Des spasmes qui me secouaient. C'est depuis ce jour que je tremble comme une feuille dès que je suis à proximité de Kerian. Je tremble parce que j'ai peur et j'ai peur car je me souviens.----------------- Je ne me rappelais pas m'être endormie après et pourtant je m'étais réveillée dans un lieu diffèrent et quelques jours s'étaient écoulés. J'avais l'impression que mon geôlier voulait se faire pardonner de ses erreurs passées. Ils voulaient tout recommencer entre nous, comme si tout ce qui s'est passé n'avait jamais eu lieu. Etait-ce de la bienveillance ? J'en doutais, j'avais l'impression qu'il voulait mon pardon, pour enfin trouver un certain repos. Il ne l'aura jamais. Il commença par passé plus de temps avec moi, puis à m'emmener dans la ville la plus proche, je le vis même manger un hamburger dans un McDonald's. Avez vous déjà vu un homme de la renaissance manger un hamburger dans un fast food connu mondialement et importé des Amériques ? Et bien c'est ce qu'il m'était arrivé. Puis le soir, il me souhaitait une bonne nuit en m'embrassant sur le front. Au début, je craignais qu'il ne dérape, qu'il revienne puis au fur et à mesure je compris qu'il ne le ferrait pas. Je le voyais partir de ma chambre en laissant la porte entrouverte puis le matin à mon réveil, il était là à me regarder dormir. Je ne tremblais plus en sa présence ou tout du moins mes spasmes avaient disparus. Puis il commença à m'emmener en dehors des frontières, à me faire découvrir le monde. On partait pendant des jours dans des coins reculés, tellement reculés que je ne savais pas dans quel pays ça pouvait bien être, mais à chaque fois ces endroits étaient magnifiques. Pendant ces voyages, il multipliait les gestes de tendresse. J'avais l'impression de l'apprécier à nouveau et d'atteindre mon rêve de petite fille. J'aurais pu m'échapper mille fois, enfin c'est que je pensais, mais jamais je n'avais essayé. Je ne sais pourquoi mais je n'en avais pas la force. C'est comme si un lien m'obligeait à rester auprès de lui, me forçait à ne pas trop m'éloigner. Un instinct de survie, plus fort encore, quelque chose qui ne s'explique pas. Je ne comprenais pas pourquoi. Une partie de mon être m'hurlait de fuir ce monstre et l'autre me faisait comprendre que je ne pouvais pas. Lorsque j'étais loin de lui, j'avais l'impression de suffoquer. L'air ne passait plus, il fallait que je sois auprès de lui pour me sentir bien. Avais-je développé le syndrome de Stockholm ? Je me demandais aussi si je voulais vivre comme ça. Le laisser prendre de l'importance dans ma vie alors qu'il n'en avait aucun droit. Le laisser m'influencer. Je voulais me rebeller puis je me souvenais la douloureuse sensation de perte lorsqu'il n'était pas là.- Mary, je dois aller faire une course. La phrase de Kerian me sortie de mes réflexions. Je me tournais vers lui paniquée. Peut-être vis-t-il la panique dans mes yeux qu'il s'empressa de rajouter :- Ce ne serra pas long. Puis, comme à son habitude, il m'embrassa sur le front sans que je n'ai protesté d'une quelconque manière. Je le voyais partir et je me sentais de plus en plus vide. Non j'étais vide normalement, c'est lui qui m'emplissait, dès qu'il partait je n'avais plus rien. C'était étrange, comme si le véritable moi était parti, ou avait été endormi. Ou sinon, une pensée farfelue me glissa que c'était l'amour. L'amour ? Ma haine, ma peur, mes sentiments de paralysie avaient certes disparues mais pour autant je n'étais pas à l'aise avec lui, ce n'était pas de l'amour. Je fermais les yeux et essayait de me souvenir. Avant, je crois que j'avais quelqu'un que j'aimais. Oui, je me souvenais de l'homme pour qui j'éprouvais de l'amour. Maintenant que j'y pensais, je voulais le voir, cette envie était tellement forte. J'essayais de me rappeler de son visage, mais j'avais du mal. Avant je pouvais me souvenir de tout avec une telle précision, en plus, mais maintenant tout perdait de sa netteté, mes souvenirs devenaient de plus en plus flous. Allais-je tout perdre ? Mon cœur se mis a accéléré, je commençais à paniquer. C'était comme si ma part de sorcière était partie, c'est comme si je devenais humaine, c'est comme si j'oubliais tout d'avant. Non ! Il fallait que je me souvienne. Il fallait absolument que je me souvienne de lui. Je fermais les yeux tellement forts, que ça me faisait mal. Je veux me souvenir de lui... Non, je dois me souvenir de lui, de ses yeux moqueurs, de son sourire en coins, de son visage d'enfant, de sa voix grave appelant mon prénom...- Mary ! Oui, cette même voix, et son odeur qui m'enveloppe, son parfum boisé qui titille mes narines. Je voulais me souvenir de lui dans les moindres de détails et à force de concentration j'avais l'impression qu'il était là, en face de moi.- Mary !! Si seulement il était là, cette impression grandissait dans mon esprit comme un poison.- Mary, ouvre les yeux. Non, s'il te plait Seth ne me demande pas ça, ne me demande pas de t'oublier encore.- Mary ouvre les yeux, je suis devant toi- Non ! Tu mens, si j'ouvre les yeux je vais te perdre !- Mary, je suis là. Je sentais ses bras me serrer et ça me faisait pleurer, de l'imaginer me prendre comme ça. De le rêver là, devant moi. Pourquoi avais-je voulu penser à lui ? Pourquoi me donner cet espoir vain, qu'il pourrait être à mes côtés ? Je l'entendais me supplier d'ouvrir les yeux, mais je ne pouvais pas me résoudre à le faire, pas pour le moment. J'avais encore besoin de rêver. Je savais pertinemment que si j'ouvrais les yeux en m'attendant à le voir je serais déçue. Je voulais profiter de cette chimère avant que tout ne disparaisse, que son étreinte s'envole et que je me retrouve seule.- Mary, tu connais la belle au bois dormant ? Pourquoi me demandais-tu ça Seth de mes rêves ? J'hochais la tête. Puis je sentie quelque chose de doux se poser sur mes lèvres. Etait-il l'heure pour moi de me réveiller ? Devais-je faire comme la belle au bois dormant ? Ouvrir les yeux ? Je profitais encore quelque seconde du baisé de mon prince imaginaire avant d'ouvrir les yeux.
VOUS LISEZ
Salem.
Paranormal« Connaissez-vous la triste histoire des sorcières de Salem ? Je vais faire bref, sans m'attarder sur des détails. Cela s'est passé en 1692 dans la petite ville de Salem Village, Massachusetts. Les habitants y étaient puritains et très croyants. Des...