Chapitre second.

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  Je me sens endormie mais vivante, comme dans la réalité. Est-ce ça le coma ? En sortirais-je un jour ? Je me promène dans le noir intense du lieu. J'ai beau avancer dans ces ténèbres, jamais elles ne prennent fin. Je ne sens rien, je suis bien et pourtant j'ai envie de quitter cet endroit. Puis, sans que je m'y attende, des murmures naissent de la profonde obscurité qui m'entoure. Inconsciemment je tends l'oreille. J'entends des plaintes, des cris, des pleures. Toute cette peine m'encercle de plus en plus fort. Des barreaux se forment autour de moi. Mon cœur panique, je ne veux pas encore revivre ça. Une forte odeur de sueur et d'urine corrompt l'air tandis que je me retourne vers l'arrière, où des ombres se matérialisent. Mon passé. Ils me pointent du doigt. Leur voix devient intelligible.

- Menteuse ... Sorcière ...- Tu n'es qu'une menteuse- Sale sorcière.


Je veux me boucher les oreilles, je veux sortir, mais je n'arrive pas. Je pleure. Il faut leur dire que je ne souhaitais pas ça. Je me retourne encore une fois, pour faire face aux démons du passé. Il y a tant de haine que mon « désolée » reste bloqué dans ma gorge. Puis, je sens mon corps se réchauffer d'un coup, qu'est-ce qui m'arrive ? Cette sensation se transforme vite en une douloureuse irritation qui s'embrase, mon ventre se tord. Je ne me sens pas bien, ça me brûle. Mon estomac veut rendre tout ce qu'il a. Ces remontées m'insupportent. J'ai mal et j'ai peur. Je m'agenouille sous la douleur dans ce lieu si effrayant où j'ai pris place, je ferme les yeux et me concentre puis, lorsque la douleur redevient trop intense, je les ouvre.
Un jour éclatant m'accueille et m'aveugle, je n'y vois plus rien, mais je sens encore mon estomac se crisper. Arrête ! Je sens me lever dans ce monde, celui auquel je reprends part, quittant les ombres du coma. Je sens des bras me soulever pendant que je papillonne des yeux douloureusement. Enfin je vois, je sens ! Deux personnes au toucher brûlant m'emmènent à ce qui semble être un lavabo, je ne me fais pas prier, je vomis ce que l'on m'a fait ingurgiter. Quelle est cette horreur qu'ils m'ont encore faite ? Un liquide rouge sort de mes entrailles, c'est tout ce qui peux être recraché. Après avoir fini de rendre cette chose qui a eu la faculté de me faire revivre et rejoindre le monde des vivants, je tombe au sol. Je les regarde, ils sont tous là à me dévisager bizarrement et je n'aime décidément pas cette situation.

- Qu'est-ce que vous m'avez fait ? finis-je par articuler difficilement.
- On t'a fait boire du sang, fit l'un des hommes en haussant les épaules comme si cela était évident.

Je le dévisageais ahuris. Puis me relevais à la vitesse de l'éclair pour essayer de régurgiter encore plus le liquide désormais identifié, buvant de grandes gorgées d'eau et la recrachant, tentant de laver mon estomac de cette abomination. Quelqu'un se rapprocha de moi, me prenant par les épaules, il utilisa l'une de ses mains pour faire des mouvements circulaires dans mon dos. Ces mouvements eurent la faculté de me calmer. Comment réussit-il cela ? Bonne question, mais il parvint tout de même à m'apaiser. Je me reculais ensuite, effrayée par cette personne, sachant qu'il était un danger potentiel à mon existence. Dévisageant l'homme, je reconnus le jeune avec qui j'avais essayé de forcer le passage, il y a sûrement plusieurs heures. A la découverte de son visage, de son regard plus précisément, une bouffé de désir... Non, plus fort que le désir... l'amour ? Non, les coups de foudre ça n'existe pas pour les gens comme moi. J'oubliais le nom de ce mot tout en sachant pertinemment que ce que j'avais senti, cette sensation de chaleur mais aussi ce sentiment oppressant qui m'avait étranglé, lui correspondait parfaitement. Je descendis mes yeux et vis sa main bandée. C'était donc lui mon donneur !

- Mais vous êtes malade, mon Dieu ! ne pus-je m'empêcher de m'écrier.

Je me relevais difficilement, en m'appuyant lourdement sur le lavabo et me frayais un chemin loin d'eux. J'étais dans une secte ou quoi ? J'arrivais à la cuisine et y découvris une jeune femme, me souriant, mais ce visage angélique se trouvait barré de trois grandes cicatrices blanchies par le temps. Effrayée, je n'attendis pas plus longtemps et m'enfuis. Ils pratiquaient même des sacrifices ! Je ne pus retenir des haut-le-cœur, mais je n'avais plus rien à sortir.
Je courus à perdre haleine, empruntant la forêt, pour rentrer plus rapidement chez moi et m'y enfermer quand un grand loup surgit et me coupa le chemin, un loup au pelage gris foncé tacheté d'argent. Magnifique... Je reculais et un autre, au poil couleur rouille, me fixait. Il était plus haut et plus imposant que le tacheté, je n'avais encore jamais vu de canidé si imposant de toute ma longue vie. Je restais pétrifiée devant ces deux grandes bêtes.
Quand l'une des créatures commença à grogner, elle me fit reprendre le contrôle de mon corps. Dévisageant le même animal, je lui intimais de s'endormir sur le champ en puisant dans sa fatigue. Il émit un feulement fatigué et s'endormit immédiatement. L'autre loup, que je pensais être son compagnon de route, contempla l'exploit et s'approcha de l'endormi, craignant pour la vie de son ami. S'il savait...Je ne suis pas une tueuse !

Sans prendre plus le temps de m'attarder sur ces deux bêtes, je me mis à courir à travers bois pour rentrer, mais je n'avais pas prévu de me faire attaquer par d'autres loups qui surgirent des bois. J'en comptais cinq, tous plus gros les uns que les autres. Il fallait m'en débarrasser, et joignant l'acte à la pensée je commençais par le plus petit, l'endormant, puis une seconde victime me donna un peu plus de mal. Mes forces s'épuisaient à une vitesse inimaginable. Faible, j'étais entourée de cinq énormes bêtes, dont trois étaient encore en état de combattre. Babines retroussées et crocs à l'air, ils me faisaient réellement peur. Imaginant aisément cette puissante mâchoire s'abattre sur l'un de mes membres, je n'éprouvais donc vraiment aucune envie de leur jeter une balle pour qu'ils aillent la chercher comme des bons toutous.
Prenant tout mon courage à deux mains, j'utilisais mon pouvoir pour endormir encore deux autres loups d'un coup. En carence d'énergie, je vacillais, me rattrapant à un arbre, j'évitais de tomber. L'énorme animal noir restant émit un grognement mécontent, voir inquiet. Je ne savais pas que les animaux pouvaient emmètre ce genre de sentiment, surtout un loup réputé pour être solitaire. Il faudra que je l'écrive, un de ces jours, si je survis...

Le canidé au pelage ébène regarda autour de lui, ses troupes étaient au sol, inanimées. Un unique moment d'inattention dont je profitais, malgré ma faiblesse plus qu'alarmante, pour partir à toute vitesse. Espérant secrètement ne pas tomber encore sur l'une de ces grosses bêtes à poil, j'étais trop fatiguée pour utiliser mes pouvoirs une fois de plus. Je courais le plus rapidement possible, l'épinéphrine tendant mes muscles qui commençaient à me lancer sous le traitement inhumain que je leur faisais subir. Mais cette adrénaline me permettait de rester encore et toujours de ce monde sans tomber. Je poursuivais ma course, clignant des paupières tandis que les larmes me montaient aux yeux. Mais, quand je les ouvris de nouveau, une personne se trouva sur mon chemin et me percuta de plein fouet. Sans avoir put éviter cet impact, ni le limiter, je roulais par terre enlacée par l'homme qui m'avait heurtée. Quant à l'individu, nullement sonné par cette violente chute alors que je l'étais totalement, me cloua au sol.
Il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits, mais je fini par regarder celui qui se trouvait au-dessus de moi. Toujours lui, ce jeune qui dégageait cette gentillesse et cette chaleur. C'est celui qui me fait le plus d'effet et je me le coltine tout le temps. Il me dévisageait et je pris la mesure de son physique avantageux que j'avais jusqu'à maintenant éviter. Mes yeux plantés dans les siens, je vis qu'ils étaient en amande, légèrement plissés, d'un marron foncé, à la limite du noir. Sa bouche, était entrouverte, son haleine chatouillait mes narines d'une odeur de forêt, de bois, mélangée à quelque chose du sucré se rapprochant du miel. Ses cheveux noir ébène et mi- long tanguaient au-dessus de moi, effleurant parfois quelques parcelles de mon anatomie. Je n'osais regarder ailleurs, je savais qu'il était torse nu et à cette simple idée, mon cœur eu un raté. Je n'aimais décidément pas être proche de lui, les palpitations que je sentais dans tout mon corps me dérangeaient, d'autant plus que je ne pouvais y remédier. Avec les réactions inattendues de mon corps, je ne me sentais plus maitre de moi-même. C'était comme si, à son contact, j'étais possédée. En moi, quelque chose d'animal, d'irrationnel. Il fallait que je me concentre sur autre chose, par exemple la position dans laquelle nous avions fini bien malgré moi. Il était au dessus, à quatre pattes sur mon corps tétanisé. Moi, au milieu de ses membres. Mais ce n'était pas assez pour éviter que je ne m'enfuie une fois de plus et pour cette raison il me clouait à la terre, tenant fermement mes poignets. Dans cette position, j'avais l'impression d'être inférieur, pire, soumise, à la merci de cet inconnu et ce n'était jamais bon. Un soupir angoissé sortit de ma bouche et le surprit. Sa tête pencha alors vers la mienne, cette fois-ci ses cheveux faisaient plus que m'effleurer, sa bouche s'était fermée tandis qu'il approchait son visage du mien. Il se pencha encore et je crus qu'il allait m'embrasser.

- Seth ! Ça suffit ! ordonna une voix au loin, le stoppant net dans son entreprise.

J'eu l'impression qu'il reprenait ses esprits et me regarda étrangement, comme si lui-même ne savait pas ce qu'il lui avait pris. Puis, j'entendis au loin des pas lourds martelant la terre d'un poids bien supérieur aux miens. Les loups ? Pourtant, je pensais les avoir plongés dans un sommeil profond. Cependant, en y repensant, la force et la qualité de mes pouvoirs avaient toujours variés lorsque j'étais soumise à la fatigue, étant souvent très peu déterminant. Finalement, je n'étais plus vraiment sûr qu'ils aient eu l'impact attendu sur ces animaux à la taille démesurée qui aurait dû dormir au moins pendant une bonne demi-heure.
J'essayais de profiter de l'étonnement de mon ravisseur pour me dégager de son emprise, ne pouvant pas utiliser mes dons, sous peine de finir en tas de cendres, je décidais instinctivement, d'utiliser une autre tactique, bien moins efficace. Je me débattis comme une folle, essayant de le mordre, ce qui le fit directement lâcher prise par réflexe. Je poussais ensuite un grand coup de pied qui frappa durement son ventre pour ensuite rouler sur le côté. Je me levais rapidement, m'apprêtant à courir et fuir quand, me stoppant dans mon élan, les loups géants m'encerclaient et devant eux leur chef, je crois, en forme humaine. Il s'avança vers moi, prudemment.

- Espèce de sangsue, que fais-tu sur notre territoire ?

Vampire, sang, loup, indiens. Tous ces éléments, réunis en cet instant, me firent enfin comprendre que je devais faire face à ces personnes rares. Les modificateurs. J'avais déjà lu, qu'il existait des gens pareilles.

- Alors ?

Ils étaient persuadés d'avoir à faire à un vampire, le sang et leur comportement étrange étaient assez probant. Mais que voulaient-ils donc que je leur dise ? Je ne pouvais pas dévoiler mes origines, mon état... Ce serait tout simplement suicidaire et je ne le suis pas, contrairement à ce que l'on pourrait s'imaginer avec mes précédents déboires alimentaires. Comment leur faire comprendre que je ne suis pas un non-mort rôdant sur un territoire appartenant aux loups ?

- Je ne suis pas un vampire ! Non mais vous êtes malades ou quoi ?

Ils me regardèrent tous, stupéfait par cette révélation. J'avais décidé de tout nier en bloc tout en paraissant étonnée et j'espérais que cette « technique » fonctionnerait.

- Comme si on allait te croire !

Il fallait s'y attendre, il voulait donc une preuve et bien j'allais leur fournir. Utilisant un de mes ongles les plus tranchants, seule chose qui pouvait facilement couper ma peau, je l'appuyais fortement contre ma chair. Un petit picotement se fit sentir puis, un filet de sang s'échappa de la blessure. Une fois le liquide écoulé de l'entaille, le dénommé Seth, qui s'était finalement relevé, s'approcha de moi et attrapa mon bras pour l'observer.

- C'est du vrai.

Je lui fis lâcher prise et m'éloignais de lui. Surpris par ce geste, je pus voir une légère grimace défigurer son magnifique visage. Que lui arrivait-il donc ? Un léger pincement dans ma poitrine me le fit comprendre sans me donner néanmoins la réponse que j'attendais.

- Tu pourrais être un vampire capable de te transformer temporairement en humain, repris un membre.
- Ou encore un hybride, ajouta un autre.
- Ok, et pourquoi j'aurais recraché du sang ? demandais-je. D'ailleurs, vous êtes complètement fous ! rajoutais-je, espérant les faire douter d'une quelconque anomalie me concernant.
- Tu as dit que tu avais faim, comment voulais-tu que l'on sache que c'était de nourriture dont tu parlais ? dit l'un rhétorique.
- De toute façon, tu n'es pas humaine, lâcha solennellement Seth.

Tous son clan approuva et je voulu haïr cet homme sans le pouvoir toutefois.

- Pourquoi tu dis ça ? m'exclamais-je. Tentant toujours de défendre ma cause.
- Tout en toi respire autre chose, tu sembles plus âgée que toutes nos vies réunis, expliqua le chef de cette meute.

Comment appelaient-ils ça déjà ? L'Alpha ! L'énorme loup noir que j'avais vu devait être sa forme lupine. Oui, il s'agissait bien du chef de meute, l'Alpha de ces modificateurs.

- Ca ne veut pas dire que je suis une menace !
- Ce n'est pas à toi d'en décider, me reprit-il.

Tout ceci était vain. J'avais essayé de tout réfuter mais ça ne marchait pas sur eux. Peut-être que ces personnes avaient la faculté de différencier le vrai du faux.

- Pourtant tu nous as bien endormis ! revendiqua un homme.

J'aurais voulu leur répliquer qu'il s'agissait de légitime défense mais cela m'impliquerait effectivement dans cette soudaine envie de sommeil qui les avait pris. Je relevais la tête vers l'homme qui venait de parler, carrure imposante, il était presque aussi mignon que Seth. Un de ces hommes inaccessibles pour une pauvre fille, sorcière de son état, comme moi.
Quand je pense que, si dès le départ, ils ne s'étaient pas préoccupés de moi, jamais nous n'en serions arrivés là et, jamais je n'aurais sombré dans le coma... C'est pour ça que je leur en voulais, ils m'avaient fait goûter à cette facette de ma vie que je n'avais jusqu'alors jamais testé, le cauchemar animé des sorcières. Tout était de leur faute.

- Tu étais tellement faible, comme un lion affamé qui n'attendait qu'à se jeter sur le premier venu. Tu nous semblais dangereuse ! Argumenta, un autre membre de la troupe.
- Je n'en serais jamais venu à cet état s'y vous aviez arrêté de m'épier... m'expliquais-je.
- Je pense que si on l'a voit manger de la nourriture humaine, on pourra reconsidérer notre avis.

Je regardais celui qui venait d'emmètre cette idée, Seth ! Encore ! Il veut vraiment me mettre des bâtons dans les roues lui ! Je ne comprenais pas, il était celui qui semblait le plus paradoxal, il voulait me voir saigner, il voulait me voir manger et pourtant il y a peine quelque minutes il essayait de m'embrasser.

- J'ai déjà mangé devant vous, c'est par ça que tout ce bordel a commencé ! m'indignais-je.
- Tu n'as pas le choix, suis-nous ! m'ordonna–t-il comme si je faisais partie de sa meute.

Je n'étais pas un des leur et je leur ferais fausse route dès qu'ils auront le dos tourné.

- Seth et Jacob, surveillez là ! ajouta-t-il à l'adresse de ses acolytes.

Une nouvelle fois, il s'agissait de lui ! J'étais pour le moins agacée d'avoir toujours à faire à cet Indien en particulier. Ce n'était pas lui qui m'énervait mais plutôt mes réactions quand sa personne était proche de la mienne. Cette attirance, qui résonnait en moi quand j'étais avec lui m'insupportait. Je me détestais, en plutôt je détestais cette situation, ce corps, ces sentiments que je ne contrôlais plus et qui régissaient toutes mes réactions indésirables.

Ils commencèrent à prendre le chemin de retour. Dans les bois, j'étais au milieu de tous ces hommes à la chaleur suffocante et j'étais littéralement épuisée d'avoir utilisé toute mon énergie. De plus, les quelques gouttes de sang du loup qui subsistaient dans mon organisme me faisaient un mal de chien. Et ma blessure, que je m'étais infligée à cause d'eux, n'aidait en rien. C'est l'ensemble de ces éléments qui me poussèrent à m'arrêter un instant.

- Allez bouge toi ! franchement les filles, grommela Paul.
- J'ai besoin d'une pause, soufflais-je.
- Allez ! répondit-il aussitôt en me poussant en avant.

Alors qu'il voulait tout simplement me booster, son geste eu l'effet inverse, en me bousculant, je perdis pied et tombait lamentablement.
Celui que je savais parfaitement appeler, poussa l'autre membre.

- Ok, Paul, tu l'as laisse !

Ce dernier cracha à terre, peu amène d'être repris par un membre qu'il pensait inférieur. Sam qui avait suivi la scène, s'adressa à mon défenseur.

- Seth, aide là.

Ce dernier obtempéra, il s'accroupit et je lui glissais tout bas :

- N'en profite pas.

Il sourit et glissa ses bras sous mes jambes puis me souleva. J'étais telle une princesse dans les bras brûlant de cet inconnu. Je me sentis bête, faible et pathétique. Mais aurais-je préféré qu'il me transporte comme un vieux sac de pomme de terre ? Ainsi, je me tus, j'en avais déjà assez fait pour aujourd'hui et puis, mon ventre m'élançait trop pour argumenter.
Arrivé devant une maisonnette toute faite de bois et accueillante, je compris que c'est celle dont je m'étais enfui comme une furie. Les premiers loups entrèrent sans frapper et en s'annonçant.

⁃ Emily ! C'est nous, on a rattrapé la folle !

C'est qui, qu'ils traitaient de folle ? Si j'avais pu, je lui aurais mis un gros coup de pied dans le bas-ventre, non pas pour lui faire mal mais tout simplement pour le castrer ! A son tour, Seth entra et me déposa sur l'une des chaises de la grande salle à manger qui, une fois remplie de ces imposants indiens, devenait bien plus petite. Tous autour de la table, ils attendaient avec envie le repas et je ne faisais pas exception à la règle. Dix minutes plus tard, Emily ramena une bonne trentaine de hot dog, ainsi que des chips et des sodas. Tout ce qui ne fallait pas pour un régime mais, qui me fallait à moi pour ne pas m'évanouir encore une fois et retourner dans ce trou noir. J'eus des frissons en y songeant. Tous se jetèrent sur la nourriture, moi y compris, et je mangeais le plus rapidement possible. A chaque bouché, de ce repas délicieux, ma fatigue reculait. Et je me bâfrais encore lorsque les trois-quarts de la meute furent repus.

- Mais t'as un de ces appétits ! fit l'un des jeunes hommes que je n'avais pas encore entendu prendre la parole.
- Oui, maintenant je peux y aller ? Vous avez vu, je suis humaine.
- Quelle humaine mangerait comme ça ? s'exprima alors Sam.

J'arquais un sourcil sans vraiment comprendre où il voulait en venir.

- Nous mangeons autant parce que nous le devons, ce n'est pas humain. Alors lorsqu'une personne nous dépasse... expliqua-t-il calmement et tous autour de la table hochèrent la tête.

C'était donc ça l'idée, tout ceci n'était qu'un piège et j'étais tombée dedans sans me méfier une seule seconde. Mais pourquoi ? Pourquoi je les intéressais à ce point ? Ne pouvaient-ils pas tout simplement me foutre la paix ? Je ne leur avais rien fait, rien qui suscite un tel comportement. Une pizza dans la tronche d'un abruti et on finit par intégrer la liste rouge du FBI surnaturelle ? Je trouvais ça si exagéré.
Je me levais, faisant grincer la chaise sur le plancher.

- Je ne suis pas un danger pour vous, ni pour les humains. Je veux juste qu'on me laisse en tranquille.

Sur ces paroles, je sortis de la maisonnette, cependant j'étais encore assez près pour entendre résonner la voix du chef dans mon dos.

- Tu pars pour le moment, mais on ne te lâchera pas pour autant, j'espère que tu le sais.

Sans perdre une minute de plus, je me mis à courir, essayant de rentrer chez moi le plus rapidement possible. Ils ne me rattrapèrent pas, heureusement !


Bien que mes batteries soient de nouveau chargées, je n'avais toujours pas récupéré totalement mon manque. Utiliser mes pouvoirs pourrait entraîner un dérèglement de mon système. Et oui, une sorcière c'est fragile dans un sens, tout est en équilibre. Je vous ai parlé tout à l'heure de combustion spontanée. La combustion spontanée se déclare lorsque le corps d'une sorcière est trop faible vis-à-vis de son pouvoir, ce qui a pour conséquence de l'a détruire. Elle s'opère donc lorsque, n'ayant pas notre quota d'énergie alimentaire, nous essayons tout de même d'utiliser nos pouvoirs abusivement, et plus le pouvoir est puissant, plus l'énergie dépensée est importante. Normal, il s'agit d'un échange de bon procédé, on ne peut pas avoir quelque chose si on ne donne pas en retour. Appliquant ce principe, on arrive à la nourriture qui est en soit la base de notre survie.


Arrivée chez moi, je me déshabillais, me débarrassant de mes vêtements tâchés de sang et de terre. Je pris rapidement une douche, pensant ma plaie qui déjà se cicatrisait et ensuite sautait dans ma voiture. A l'intérieur, le pied sur l'accélérateur, je démarrais à toute vitesse jusqu'à la grande surface la plus proche, j'avais un violent besoin de remplir mon frigo. Devant le magasin agro-alimentaire, je me garais rapidement, éteignis le moteur, sortis de l'habitacle et me dirigeais tranquillement vers les portes automatiques coulissantes de l'enseigne. Je me sens enfin respirer, je ne connais personne et personne ne me connait. Légère, je me promenais à travers les rayons, mettant dans mon cadi tous les aliments qui m'intéressaient. En bonne quantité, je connais mon appétit. Je le remplis bien trop rapidement à mon goût et décidais de faire un deuxième tour. Après plusieurs heures et être passée deux fois à la caisse, j'emprunte le chemin du retour, calmée.

Une fois rentrée, je range, le sourire aux lèvres, toute la nourriture que j'ai achetée, et mon réfrigérateur a bien du mal à tout encaisser. Puis, épuisée mais, sereine, je vais me coucher pour une nouvelle journée.

Ils n'avaient pas menti, la meute était belle et bien présente le lendemain autour du lycée, et cette fois, Seth faisait partie de la bande. D'ailleurs, celui-ci à mon plus grand malheur avait intégré ma classe, comme par magie. Comment on peut accepter comme ça un élève qui a l'air plus âgé ? Les autres filles, par contre, adoraient ça. Sales débiles en chaleur, comment peut-on aimer une image ? Elles ne lui parlent jamais, le regardent de loin tout au plus et ne peuvent s'en passer. Comme si leur vie dépendait de sa présence, elles le vénèrent. Je ne comprendrais décidément jamais rien aux filles et leurs sentiments éphémères à l'eau de rose. J'allais à ma première heure de cours et vis sans surprise la star de l'école se pointer. Une demi-minute plus tard et il aurait été en retard. Ce qui est dommage, pour moi, il aurait surement été exclu de la salle et me retenir face à sa présence n'aurait pas été de mise. Il s'assit à côté de moi, au désespoir des jeunes filles qui battaient des cils et se remettaient une pointe de gloss sur les lèvres, pensant être tellement plus attirante que les autres. Dans leurs yeux, je voyais le dégoût que je leur inspirais. Une nouvelle Elisabeth Parris ou encore Abigail Williams ? J'éprouvais moi aussi une vague d'amertume à cette pensée ... Ah ! Ces deux garces ! J'ai faillis claquer à cause d'elles ! Mon dieu que je déteste les humains, leurs airs hypocrites, leurs sentiments superficiels, leurs manières, se sentant supérieur avec leurs airs hautains. Je soupirais bruyamment et rouvris les yeux que j'avais fermés pour calmer les hauts le cœur que me procuraient ces niaiseries. Seth, quant à lui, me fixait, l'air inquiet. Pourquoi l'était-il ? Ses petites attentions envers moi sont étranges ! Je ne comprends pas, mais ça me flatte, j'avoue.

- Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandais-je sèchement.

Mon ton, le fit se replier sur lui-même.

- Rien.
- Alors pourquoi tu me fixes ?
- Ce n'est pas désiré.

Sa réponse, eut la faculté de me faire fermé la bouche. Et j'avoue que ça m'avait blessé. Je devais le mériter, je n'avais qu'à pas être aussi crus.
Apparemment, mon état d'esprit s'était dépeint sur mon visage.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire, s'excusa-t-il confus.

C'était d'autant plus étrange. C'est comme si tout ce qui m'affectait, l'affectait aussi d'une manière ou d'une autre.

- C'est juste que c'est ... compliqué à expliquer.

Il ne répondit rien de plus. Il avait cette volonté de clore la conversation. Mais, je n'avais pas envie de laisser passer, je voulais savoir, un peu comme une enfant. Seulement, me coupant dans mon élan, ce satané monsieur Klein me demanda le sourire aux lèvres :

- Mademoiselle Warren, pouvez-vous m'expliquer cet exercice ?

Je le regardais, et je crois qu'une envie de meurtre, traversa mon esprit. Il savait parfaitement qu'il me dérangeait et cela lui faisait plaisir. J'aurais eu envie de lui sortir une réplique du genre « Débrouillez-vous monsieur, ce n'est pas mon exercice » mais j'imaginais aisément que ça ne le rendrait que plus fourbe et qu'il me répondrait quelque chose qui ressemblerait à un « Justement, vous serez moins bêtes que quand vous vous êtes levé » alors j'obéis docilement. Et puis, n'était-ce pas mon rôle de participer à ce cours, légèrement ennuyant, en tant que sage élève ?

- Je n'ai pas ma calculatrice, mais je peux dire qu'il faut utiliser le théorème de Thalès puis celui de Pythagore en utilisant par la suite la trigonométrie. Ce qui donne un triangle isocèle et rectangle en A avec l'angle B et C égale 45°.

Il n'applaudit pas, dommage, cependant il était étonné d'avoir une réponse si rapide. Qu'elle soit exacte ne le surprenait pas plus que ça, après tout, c'était assez simple, mais la fluidité de mes propos l'avait laissé coi. Il réfléchit un cours instant.

- J'aimerais m'entretenir avec vous en fin d'heure mademoiselle.

Ça monsieur, ça n'allait pas être possible. Je n'avais aucune envie de m'entretenir avec cet humain, qu'il soit mon professeur ne changeait rien à la donne. Je n'étais pas une élève tout ceci n'était qu'une couverture. Et je n'avais aucune obligation envers cette personne que je trouvais désagréable. Cependant, même si j'avais cette envie de m'éclipser, je me demande bien comme je pourrais le faire. Il y a trop de témoins autour. Surtout avec un modificateur qui s'empresserait de tout raconter à sa meute.

- Il ne te lâchera jamais, murmura Seth à mon attention.
- Vous non plus apparemment, répliquais-je à son adresse.
- C'est différent. Je ne suis pas comme les autres, je te crois, je sens que tu n'es pas une sangsue, expliqua-t-il en me regardant si profondément que je dû détourner le regard, gênée.

En voyant ma réaction, il changea de sujet.

- En tout cas, je peux t'aider.
- Pourquoi tu ferais ça ?
- Parce que je le veux.

A cette phrase, mon cœur eut un raté, je n'avais pas l'habitude de l'entendre, non au contraire c'était très rare et ça m'avait touché. En connaissant ma différence, il souhaitait tout de même m'aider. Qui l'aurait fait ?

- Et puis, c'est un peu à cause de lui que j'ai dû passer une année à prendre des cours de maths. Il a persuadé ma mère, reprit-il avec une pointe d'amertume et une petite envie de vengeance.
- Du coup, si tu l'occupes pendant que je me fais la belle, ça te va ? proposais-je toujours un peu hésitante à lui faire confiance.
- Avec grand plaisir ! s'exclama-t-il suivit d'un clin d'œil complice.

Je me détournais pour ne pas qu'il me voit rougir. En l'espace d'une si brève conversation, j'avais totalement changé d'avis sur lui. J'étais charmé par cet homme. Mon corps l'avait été dès le début mais c'était au tour de ma raison de l'être.


Grâce à lui, je pourrais sortir tranquillement de la classe. À la sonnerie, nous rangeâmes de façon synchronisée nos affaires puis, je le laissais s'occuper du professeur. Pendant qu'il lui parlait, je passais juste à côté de son bureau. L'enseignant tourna la tête vers moi et je lui fis un signe ironiquement respectueux pour dire au revoir, tout en n'oubliant pas ce sourire qui s'accrocha à mes lèvres et lui montra de façon trop visible que j'avais gagné. Je sortis ensuite prestement de la classe, redoutant qu'il ne renvoit Seth afin de me rattraper. Dans le couloir, à une centaine de mètres de la classe, je patientais par respect pour celui qui venait de me sauver du professeur. A quelques pas, je l'attendais donc dans le couloir qu'il était obligé d'arpenter pour sortir de l'établissement. Quand je vis son ombre fine mais musclée, je lui sautais dessus et lui cachais les yeux.

- Devine qui c'est ? demandais-je comme une petite fille.

Mais pourquoi je faisais ça nom de Dieu ?

- Hum Mary ! dit-il nullement gêné par mon comportement, au contraire, il sembla s'en réjouir.
- Gagné, dis-je tout en lui libérant les yeux et en me tordant le cou pour lui faire un bisou sur la joue.

Je me rendis compte que j'étais très impulsive, trop impulsive. Je regrettais très rapidement mon geste un peu trop osé. Mais quand avais-je arrêté d'être convenable ? Heureusement, un autre problème profila à l'horizon ce qui me fit clairement penser à autre chose.

- Mademoiselle Warren, je dois vous parler, s'écria une voix derrière moi appartenant à coup sûr à notre détestable professeur de mathématiques ou, plus précisément, monsieur Klein.
- Cours ! criais-je à mon acolyte tout en descendant de son dos et prenant sa main pour l'entraîner à ma suite.

Tels deux adolescents en pleine fugue, nous partîmes vers une cachette plus appropriée afin d'échapper à notre enseignant. Seth me fit tourner à droite et, sous les escaliers, nos respirations saccadées se mêlèrent avec harmonie. J'avais dit quoi à propos de son odeur ? Miel et bois. Non, elle était beaucoup plus élaborée, beaucoup plus harmonieuse. Du miel oui, mais aussi de la cannelle, de l'ambre, une touche de verveine et cette fragrance particulière que dégagent les grandes forêts. Sûrement dû à son état de loup. J'adorais respirer son parfum. A ce moment précis, il était la drogue de mes narines qui dévoraient ce fumet si fin et appétissant. En pleine délectation de son odeur, nous entendîmes des pas et ni une ni deux nous retînmes notre souffle jusqu'à ce que Klein soit parti. A la limite de la suffocation, il fut assez loin pour que je puisse prendre une grande goulée d'air pour alimenter mes poumons. Seth sortit le premier et me prit la main pour m'emmener je ne sais où. Suivant sans broncher, je souhaitais en apprendre plus sur lui. Et puis il m'avait aidé, il ne pouvait pas être si mauvais que ça. Arrivés sur une plage, il s'installa sur un vieux tronc de bois pratiquement incrusté dans le sable de la plage. Il me regarda et tapota la place à côté de lui, m'obligeant pratiquement d'un regard à m'exécuter. Ce que je fis sans plus de cérémonie. Assise près de lui, je regardais le coucher de soleil. J'avais l'impression que l'astre solaire se noyait dans l'eau émettant durant sa chute, ces belles couleurs rosées qui combattaient encore un peu le ciel bleu azur du jour.

- C'est superbe, dis-je émerveillée en brisant le silence qui c'était installé entre nous.
- Oui, tout comme certaine personne.

Etonnée par ce qu'il venait de dire, je ne relevai pas pour autant.

- Tu sais qui on est ? m'interrogea-t-il après avoir prit une grande respiration comme s'il lui en coutait énormément.
- Vous êtes des modificateurs.
- Gagné ! rit-il faussement. Mais encore ?

Je réfléchis un instant cherchant ce que je savais réellement sur eux, de maigres informations.

- Vous pouvez vous transformez à votre bon vouloir en un animal, le loup et votre meute est dirigée par un Alpha, il me semble.
- Tu n'en sais pas plus ? me demanda-t-il un peu soulagé sans pour autant relâcher ses tourments.

Je tournais la tête et répondis négativement à son interrogation.

- Et bien viens après-demain nous allons parler de nos légendes autour d'un bon feu avec des grillades et pleins de bonne nourriture.

A l'évocation de ce dernier point je ressentis une violente envie d'y aller. Oui, moi et la nourriture nous étions mariées et vivions un amour plein de rebondissements depuis maintenant plus de trois siècles. Pour vous dire à quel point notre couple tenait la route ! Blague à part, j'avais vraiment envie de le retrouver au feu de camp. En savoir d'avantage sur leur espèce si impressionnante serait intéressant pour mes connaissances personnelles.

- D'accord, merci ...

Puis nous repartîmes chacun de notre côté bien que j'eusse l'étrange impression qu'il me surveillait. Enfin bon, si ça l'enchantait.


Arrivée chez moi une odeur de sang me tortura les narines et alors que j'entrais dans le salon, je découvris un humain visiblement vidé de son sang, étalé sur mon parquet. Une légère mare d'hémoglobine entourait le corps qui avait été fraîchement déposé. Je touchais la jeune fille morte et eus pitié pour son âme. Elle était à peine dans la fleur de l'âge, comment pouvait-on faire une chose pareille ? Un vampire. La réponse fut immédiate et je courus dans toute la maison cherchant un quelconque intrus. Mais personne. Toutes mes affaires étaient en place et à part le cadavre dans mon salon, rien n'avait changé d'un millimètre. Revenant précipitamment vers la défunte fille, je glissais sur la mare de sang et tombais lourdement, m'étalant de tout mon long, j'étais à présent recouverte de sang humain et la bouche sur la jugulaire où deux trous étaient distinctement visibles. J'allais pousser encore plus mon expertise quand je sentis une autre odeur et deux grands loups suivis de trois hommes rentrèrent dans ma maison. Les Quileutes tout d'abord ébahies devant ce spectacle, grondèrent de rage. Pour eux tout était clair : j'avais tué cette fille. Et leur sentence ne tarda pas.

- Vampire !  

Salem.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant