CHAPITRE II

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Cela faisait maintenant plusieurs semaines que j’étais dans cette pièce sombre et froide. Avec pour seule lumière une petite ampoule en néon qui grésillait au-dessus de ma tête. Le sol était recouvert d’un vieux parqué de bois qui grinçait à certains endroits, tandis que les murs eux étaient recouverts d’une peinture qui autre fois était blanche et qui avait à présent jaunie.

Plusieurs semaines donc, que je dormais sur une vieille couchette à même le sol. Combien de temps précisément, je ne saurais le dire !
L’air était lourd et la froideur qui régnait dans ma nouvelle demeure n’arrangeait rien au fort taux d’humidité que je ressentais. Tout tournait au ralenti. Le temps s’était ainsi littéralement arrêté pour moi.
Je ne sais d’ailleurs pas à quand remontait ma dernière douche.
On venait me jeter un petit bidon d’eau à travers la petite ouverture de la porte chaque jour, je crois, mais je n’en suis pas sûr. Quant au repas, on me l’apportait à intervalles irréguliers. Toutes ces précautions faisaient que je ne savais pas si on était le jour ou la nuit. Et pour pimenter encore les choses, ils perturbaient mon cycle de sommeil grâce à une musique assourdissante qu’il me mettait de façon aléatoire afin que je ne puisse pas y voir un quelconque schéma pour me repérer. Je ne dormais donc que quand il le voulait, je suppose que c’est pour me faire savoir que c’est lui qui contrôlait ma vie.

Au moins j’étais au parfum des nouveautés musicales. En tout cas c’est ce que je me dis.

Il venait me faire sortir tel un chien pour aller aux toilettes. Je n’y avais droit que très rarement, donc j’avais intérêt à boire de façon rationnelle mon eau. Et pour y aller, on traversait un long couloir sombre qui menait à des escaliers, qui à leur tour menaient à un autre long couloir richement décoré et qui contrairement à l’autre, étaient tout le temps éclairé. Et il n’y avait pas de fenêtre sur tout le trajet, donc pas moyen pour moi de savoir s’il y avait une lune ou un soleil dans le ciel.

Quant à mes périodes pour les douches elles étaient non seulement nettement très espacées mais la durée accordée était très courte. Et j’avais remarqué que pour y aller on ne prenait pas le même chemin que pour les petites commissions. Cela était sans doute dû au fait qu’après ma douche on m’amenait dans une pièce sans meubles et dont le toit était pourvu de verre. Je suppose que c’était pour que je prenne ma dose de vitamines D. C’était les seules fois où je pouvais voir la lumière du soleil et j’utilisais cette journée à bon escient. Ainsi, les fois où on prenait le chemin de la douche, je profitais pour me laver les cheveux afin qu’ils sèchent avec la lumière vu que mes douches étaient froides.

Et comme si cela ne suffisait pas, mon nouveau meilleur ami dont je ne connaissais pas le nom venait me rendre visite régulièrement afin de tenir sa promesse de me mener la vie encore plus dure.

C’est ainsi que lors de ces visites de courtoisie, les mêmes scènes se répétaient.  Il venait, m’ordonnait de me lever, puis dans la minute qui suivait il me battait parce qu’il estimait que je ne le faisais pas assez vite. Quelques fois c’est parce qu’il n’aimait pas ma manière de le regarder ou parce qu’il voulait me battre jusqu’à ce qu’il me voit enfin pleurer. Il disait aussi que le fait que je ne lui réponde jamais quand il me parlait était un manque de respect qu’il fallait corriger.

Mais le plus souvent il me battait parce qu’il disait que mon père devait souffrir de ce qu’il voyait de la où il était.

En somme toutes les raisons étaient bonnes pour me battre comme un forcené. Je me mettais donc en position fœtale lorsque la pluie de coups tombait, me protégeant autant que possible. Chaque fois que son instrument de torture s’abattait sur mon corps à travers le fin tissu qui me servait de vêtement, c’était comme s’il m’arrachait en même temps la peau. La douleur devenait à un moment donné tellement insupportable, que je finissais par ne plus rien ressentir. Mais la douleur de cette humiliation était bien pire que la douleur physique qu’il m’infligeait. C’est peut-être pour ça que mon corps devenait en grande partie insensible.
Quant aux armes utilisées, elles ne variaient pas trop. J’avais droit à la ceinture de son pantalon, aux coups de pied et aux coups de poing quand ses colères étaient soudaines, à la cravache ou un long fouet noir filiforme quand c’étaient prévu. Le fouet était l’arme que je détestais le plus, c’était abaissant, j’avais l’air d’être mise à une place encore bien en dessous de celle du chien. Chaque coup brisait tout en moi, mon corps, mon âme, absolument tout était balayé. Cette bête sans pitié était dotée d’une souplesse phénoménale fonçait sur moi avec la force et la vitesse de la foudre. Elle me rappelait à chaque aller-retour, sa domination et sa supériorité sur moi en m’enveloppant entièrement tel un boa constrictor. Je me souviens de la fois où je l’avais craché au visage, sa colère avait été telle, qu’il m’avait battue comme jamais. J’espérais même qu’il finisse par me tuer, mais je m’étais juste évanouie après a mon plus grand déplaisir. Le salopard qui me servait de gardien de l’enfer s’assurait qu’aucun de ses coups ne soit mortel. Il voulait uniquement me faire souffrir, me détruire de fond en comble, jusqu’à ce que je sois encore plus brisée et mise plus bas que je ne l’étais déjà. Moi de mon côté, je me construisais un rempart de plus en plus solide pour mes émotions et sentiments. Je gardais mon esprit et mon corps séparé pour m’éloigner autant que possible de la souffrance. Il ne fallait pas que je pleure ou que je sois faible devant lui. Je ne dois pas ouvrir la bouche, même pas pour crier sinon je flancherai et je finirai un jour, par le supplier d’arrêter. Et il est hors de question que je tombe aussi bas. Les seules choses à lui montrer devaient être la haine et l’indifférence.

Parle MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant