CHAPITRE XVI

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Assise sur un banc dans le jardin, je profitais d'un soleil qui m’avait tant manqué, même si cette activité m'était imposée par Angel. Depuis trois semaines, il a exigé que je prenne des bains de soleil après mon petit déjeuner. Et vu que le docteur m'avait retiré mes attelles, il avait également décidé que je ne devais pas non plus passer plus de 6 heures de temps dans ma chambre sauf si je dormais. Dans le cas contraire je devais être n'importe où ailleurs dans ce que j'appelais dorénavant son château.

Je passais donc maintenant, toutes mes journées à lézarder dans le jardin. De ma place, j’entendais quelques fois des chevaux que j’aurais voulu aller voir, mais j'avais trop peur d'énerver Angel en faisant un truc qu'il ne m'avait pas autorisé à faire. Il avait aussi ordonné que je prenne tous mes petits déjeuner, dîners et soupers avec lui. Et même quand il pleuvait, on allait à chaque fois, sur cette jolie terrasse entourée de belles roses, pour manger dans un silence apaisant.

Le regard perdu dans le vide, je ne vis pas Léa m'apporter mon verre d'eau, et de jus de pomme quotidien.

- Monsieur Walstein me charge de vous les donner. Fit-elle en disparaissant aussi vite qu'elle était arrivée.

Il faudrait que je pense à lui écrire un mot d'excuse pour qu'elle sache que je ne suis pas dangereuse. Songea Alexandra en buvant d'une traite le contenu des verres, avant de replonger dans ses pensées.

Dans deux jours ça fera cinq semaines qu'Angel m'avais ramenée chez lui. Cinq semaines que je ne m'étais pas faite battre, insultée ou dénigrée. Mes bleue avaient disparus, et d'autres en laissant des cicatrices au passage. Cicatrices que j'éradiquais toujours avec la crème du médecin, mais le plus gros du travail était sur la partie de mon corps que je ne pouvais couvrir à 100%, mon dos. Ma peau avait perdu sa blancheur presque cadavérique sans pour autant être bronzée.

Je crois que la lumière ne prend pas avec moi.

J'avais pris quelques kilos et même mes cheveux étaient devenus plus beaux et brillant. J'avais opté de ne plus les attacher, il était temps de leur rendre à eux aussi leur liberté. Je pouvais même porter de beaux vêtements car Angel avait fait remplir mon dressing de très belles tenues, de chaussures et m'avais offert plein de produits de beauté. Cependant je préférerais de loin porter ces t-shirts et pantalons de jogging et de marcher pieds nus les cheveux dans le vent, exactement comme je le faisais actuellement.

J'avais également arrêtée de dormir sur le sol quand après une énième réprimande, il avait fini par me menacer de m'attacher sur le lit. Je ne savais pas s'il mentait ou pas mais j'ai préféré ne pas tenter le diable. Je pensais souvent à mes parents, à ma captivité et à Félix mais, Angel ne me laissait jamais seule longtemps suffisamment pour que je replonge totalement dans la mélancolie. Je crois que c'est parce qu'il pense que je vais tenter de me suicider encore une fois.
En plus d’un mois il ne m'avait pas non plus demandé ce qui m'était arrivé et ne m'avait pas forcée à parler. Il s'était adapté à mon éternel silence même en sachant que je n'étais pas muette, et je l'en étais reconnaissante. Je pressentais qu'il finirait par me poser très bientôt des questions, car je voyais la curiosité et sa détermination se faire la guerre dans ses yeux gris, yeux que je trouve en passant de plus en plus beaux. Quand il me regardait, je ne voyais aucune pitié, ou haine comme Félix. C'est comme s'il me voyait tel que j'étais dans mon ensemble, et pas uniquement comme une personne brisée. Quelques fois je voyais même de la tendresse dans son regard, mais je dois me faire des idées. Néanmoins je lui serai pour le temps qui me reste, toujours reconnaissante de m'avoir fait voir cet autre aspect de la vie.
En dépit de toute cette retenue dont il faisait preuve en ma présence, j’arrivais à sentir ses colères contenues. Les choses allaient tourner mal pour moi, je le pressentais aussi. Il devait juste s’agir du beau temps qui laissait présager une tempête violente. Le jour où il allait me mettre à la porte arrivait à grand pas, et par conséquent le jour de ma mort aussi. C'était ça la triste réalité à laquelle je m'étais habituée. Mais étrangement, m'être faite à cette réalité ne m'empêchait pas de ne pas craindre le moment où ça arriverait. À chaque fois que je le voyais, j'avais peur qu'il ne me dise qu'il était temps de rentrer chez moi. Et pour ma santé mentale, j’évitais de m’épancher sur cette réaction teintée de contraste.

Parle MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant