En dépliant la feuille, Alexandra s’attendait à lire une longue lettre, mais c'était sans compter sur l'esprit de concision de Christopher. Il n'a jamais été homme à tourner autour du pot, et ce n’était pas demain la veille que cela allait changer. La feuille ne comportait qu'une et une seule phrase écrite d'une main que l’on pouvait qualifier de tout, sauf d’hésitante.
Elle la lisait et la relisais plus d'une dizaine de fois dans sa tête, mais elle n'arrivait pas pour autant à y croire. Pour être honnête, elle ne la comprenait pas. Bien-sûr elle en saisissait le sens, mais c'est le pourquoi et le comment qui lui échappaient.
Moi qui voulais avoir de quoi réfléchir, et bien là, je suis plus que servie.
Elle avait abandonné son lit pour dorénavant faire les cents pas dans la chambre. La feuille coincée entre le pouce et l’index, Alexandra tournait en rond, la main sur le front. Si ça ne tenait qu'à elle, elle saurait déjà quoi faire. Mais elle ne pouvait pas faire ça, sans que lui soit au courant de toute la vérité. Pas après tout ce qu’il avait fait pour elle. C’est pour cette raison qu’elle n'avait d'ailleurs pas regardé à l'intérieur de la deuxième boîte qui se trouvait dans le coffret.
Angel ne savait pas réellement qui j’étais, il ne savait pas ce que j'avais fait, ce que j'avais subi. Dis-lui tout et vois ce qui va se passer. Conseilla la petite voix dans sa tête.
Alexandra s’arrêta nette au milieu de la chambre en regardant pour la énième fois la phrase qui se trouvait sur la feuille. Les doigts tremblants, elle la rangea dans le coffret, et parti en direction du bureau de Christopher. Depuis plus de cinq minutes, qu’elle fixait l'élément en bois renforcé qui faisait barrage entre Christopher et elle, sans pour autant avoir la force de frapper. Après quelques instants d'hésitation, elle prit une nouvelle inspiration, et poussa la porte sans même taper. Christopher releva vers elle un visage agacé, avant de se détendre quand il vit qui était celle qui le dérangeait. Ses yeux surpris glissèrent par la suite sur la boîte qu’Alexandra serrait contre elle. Il ne pensait pas qu’elle allait l'ouvrir de sitôt. D'un pas lent, Alexandra s’avança jusqu'à son bureau pour déposer l'objet devant lui, changeant ainsi le regard surprit de Christopher en un regard triste et déçu. Sans qu'il ne l’y invite, Alexandra s’installa sur la chaise qui lui faisait face, couvée par ces yeux interrogateurs qui attendaient une explication à son comportement.
- Je…je suis venu te raconter une histoire, entama-t-elle sans préambule.
Christopher la regarda intensément pendant quelques secondes, puis referma le document sur lequel il travaillait, avant de se rasseoir confortablement sur sa chaise. Il ne souffla pas un seul mot, mais son regard et la position qu'il avait maintenant adoptée, lui disaient qu’elle pouvait continuer. Mais maintenant qu’elle pouvait le faire, Alexandra se mit à douter de la pertinence de ce qu’elle s'apprêtait à faire, après tout, elle pouvait se taire et lui cacher certaines choses. Cependant, bien que cette alternative soit tentante, elle savait aussi que vu qu’elle était en face de lui, il était dorénavant trop tard pour faire marche arrière. Elle ferma ses yeux afin de calmer sa respiration, et les battements saccadés de son cœur, puis quand elle sentit que sa décision était ferme, elle se jeta à l'eau.
- Il était une fois, une petite fille de douze ans, qui en dépit des problèmes d'intégration que lui posaient la couleur étrange de ses yeux, avait néanmoins une belle vie. Les enfants la fuyaient comme la peste, ou étaient désagréable avec elle. Elle n'avait pas d'amis, et ne possédait que l'amour de ses parents. Elle était donc très proche de sa mère, de qui elle tient la couleur verte de ses yeux, ainsi que sa peau laiteuse. Mais elle était encore plus proche de son père, de qui elle a hérité ses yeux bleus. Cette petite fille s'appelait Alexandra Nicole Smith, et sa mère avait pour usage de l'appeler Alexa. C'était une fillette très timide, mais assez mature pour son âge, on pourrait même dire qu'elle l'était d'ailleurs un peu trop. Alexandra était le genre de personne qui rationalisait tout ce qu'elle voyait, de sorte à pouvoir contrôler l'impact qu'avait les évènements sur elle. Elle ne parlait pas beaucoup, mais sa voix se faisait clairement entendre dans toute la maison, quand il s'agissait qu'elle aille se faire couper les cheveux.
Et un jour, plus précisément le deux juin, sa mère et elle avait fait un pacte, si jamais elle réussissait à préparer à elle seule son gâteau d'anniversaire, elle pourrait avoir la liberté de ne plus jamais se couper les cheveux. Mais si elle échouait, elle allait aller le lendemain même pour la première fois chez le coiffeur, pour diminuer la longueur de ses cheveux volumineux et aussi les teindre afin qu'ils perdent leur aspect rouge sang. Sa mère pensait que si jamais elle avait les cheveux bruns, ou châtain foncé, elle pourrait être perçu comme l'adorable enfant qu'elle était, et non comme un monstre aux cheveux excessivement roux, et aux yeux à la fois vert et bleu. Pour alors garder l'apparence qu'elle avait, la petite fille s'attela à réussir son gâteau. Mais à dire vrai, la grande partie du travail avait été fait en cachette par son père, qui ne voulait pas que sa fille ait à changer pour être acceptée. Selon lui, c'est le monde qui devait changer pour s'adapter à elle, et pas le contraire. Le soir donc, toute la famille était attablée pour le diner. Mais étant donné que c'était l'anniversaire d'Alexandra, elle avait décidé que ce soir, ils allaient manger le dessert avant le repas de sa mère. Bien-entendu cette dernière avait compris depuis le début, que sa fille n'avait pas pu faire le gâteau elle seule, mais elle jouait à l'étonnée.

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Parle Moi
RomanceQue faites-vous quand à douze ans votre vie est réduite en cendre sous vos yeux impuissants? Que faites-vous quand l'avenir qui se dessine petit à petit devant vous, semble être la représentation d'un enfer permanent taillé juste pour vous? Que fa...