CHAPITRE XIII

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J'allais volontairement passer toute une journée couché à ne rien faire, et c'était la première fois que cela se produisait.

Je n'avais passé aucun coup de fil, ou même lu un seul document, et étonnamment je m'en foutais comme de ma première chemise. Le monde pouvait bien ne plus être là quand je me déciderai à me lever, mais cela non plus ne m'importais pas plus que ça. J’avais l’agréable impression que tout ce dont j'avais besoin en ce moment, était bien au chaud dans mes bras.

Dire qu'il y a quelques semaines, j'étais encore contre l'existence de relations allant au-delà du charnelle avec une personne, et voilà qu’il n’y a même pas deux heures, je me retrouvais sur le sol de mes toilettes à supplier une jeune femme que je ne connaissais pas, de ne pas me laisser tomber. Jamais je n'arriverais à expliquer comment, même en ne faisant rien, elle avait réussi à m'avoir avec une si grande aisance. Le peu que j'avais pourtant vu durant cette nuit où je l'avais rencontré, aurait poussé n'importe qui à la rejeter car c'est certain qu'elle avait un lourd passif. Mais moi, comme un con, j'étais toujours là, attiré par elle comme un papillon l'était par la lumière.

Elle n'avait pas eu besoin de prononcer un seul mot, elle ne m'avait en aucun cas fait les yeux doux, et je ne savais absolument rien d'elle si ce n'était son prénom, prénom que j’avais d’ailleurs connu dans de sombre circonstances. Mais sans que je ne demande rien à qui que ce soit, elle était quand même entrée dans ma vie comme un boulet de canon. Et avec seulement un regard, elle m'avait remonté sans grande difficulté dans ses filets.

Allongé avec la fragile jeune femme dans ses bras, Christopher ne cessait de penser à l’état dans lequel Alexandra le mettait, et il était tout sauf un idiot. Il savait pertinemment ce qui se produisait en petit à petit en lui. Et pour leur bien à tous les deux, il avait essayé par la seule force de sa volonté, de lutter contre une émotion qu’il voulait à la fois protéger et détruire. Mais comment voulez-vous gagner un combat, quand l'unique ennemie à abattre était vous-même ? En un regard, elle avait sans le savoir, forcé les portes d’un organe qu’il croyait mort afin d'en occuper doucement toute la place. Elle accaparait littéralement la moindre parcelle de ses pensées, tout chez elle l’appelait, et il savait ce que toutes ces choses impliquaient. Il ne savait pas ce qu’il allait faire pour la suite des évènements. Alexandra était à ses yeux assimilable à une femme-enfant, et ça, il ne savait comment le gérer.

Il était toujours perdu dans ses pensées quand Alexandra souleva ses paupières, pour le regarder timidement avec ses yeux aux couleurs d'un feu d'artifices. Ses joues prirent une belle teinte rosée lorsqu’elle se rendit compte qu’il la fixait. Ses bleus au visage étaient devenus invisibles à l’œil nu. Elle avait le visage bouffi et les yeux rougies à force d'avoir pleuré toutes les larmes de son corps, mais il la trouvait toujours aussi belle. Quelques faibles reflets du soleil éclairaient ses yeux, et c'est là que Christopher vit le changement s’opérer sur ses pupilles. C'était le plus beau phénomène qu’il n'avait jamais vu, la couleur verte des yeux d’Alexandra, celle qui prédominait s'accentuait, tandis que le très petit anneau qui cerclait cette couleur verte passait presqu’imperceptiblement, d'un bleue turquoise à un bleu azuré.

La première fois qu’il avait vu ses yeux sous cette pluie battante, Christopher avait d'abord cru à une apparition avant de finir par se convaincre qu'il devait s'agir de lentilles de contact. Mais là…c'était tout simplement époustouflant au point qu’il en oubliait presque de respirer.

Le temps s’était comme arrêté dans cette chambre, et Christopher n’avait nullement envie de remettre l’horloge en marche. Il savait qu'une discussion poussée sera nécessaire avec elle, mais il n’avait ni la volonté, ni la force de le faire tout de suite. Pour l’instant, il voulait tout simplement faire l'autruche, faisant ainsi l’impasse sur leurs problèmes respectifs. Cette pause temporelle le permettait d’être un homme qui n'avait pas peur d'être en relation, et elle, elle était une jeune femme qui lui plaisait et qui avait un passé aussi vierge que l'était une feuille blanche. Ils se contentèrent donc d'être immobiles, juste couchés à se fixer de temps en temps dans le blanc des yeux, avec l'impression qu’ils étaient connectés, et que chacun d’eux pouvait lire au travers de l'âme de l'autre.

Parle MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant