Je rangeais sans me presser mes affaires dans mon sac, lorsque je me redressais, je vis Mathilde assise sur le coin de ma table, me tendant la gomme que je lui avait prêtée. Je la mis dans ma poche et allais sortir de la salle de cours quand elle me demanda de l'attendre.
"On se met ensemble en maths ? On se fera moins chier que chacune dans notre coin.
- Oui, si tu veux, répondis-je. Tu es super forte et moi je mets toujours trois ans à comprendre de quoi parle la prof.
- Parce que tu crois qu'on va bosser? Si c'est comme en Français, on risque de dessiner encore une heure.
- Je sais pas dessiner, avouais-je.
- Je t'apprendrais."
Elle me fit un nouveau clin d'œil. Je commençais à me demander si elle ne souffrait pas de tics nerveux. Notre minuscule professeur de mathématiques se mit à soupirer en nous voyant arriver, elle se doutait bien que nous ne serions que toutes les deux. Étant aussi prof de sciences, elle portait continuellement une blouse blanche, boutonnée jusqu'au col, où retombaient ses cheveux roux bouclés. Elle nous dit sèchement de nous asseoir en nous désignant la table qui faisait face à son bureau et de nous occuper de manière intelligente, elle allait profiter de cette heure calme pour corriger des copies. Mathilde ressortit sa pochette à dessin, instinctivement je reposais la gomme à côté d'elle, elle me remercia en me gratifiant d'un nouveau clin d'œil. Cette fois, j'en étais quasiment certaine, ma camarade souffrait de tics. Elle sortit une feuille de la pochette, elle avait commencer un nouveau dessin car il n'y avait encore aucune couleur, mais on pouvait déjà aisément deviner un personnage se tenant debout à côté d'un animal ressemblant à un chien.
"T'aimes bien? C'est loin d'être fini mais je vais l'appeler ''la femme au loup''
- Tu dessines super bien!
- Merci"
Me répondit-elle rougissant et se penchant sur son oeuvre. J'étais comme hypnotisée par la mine de son crayon de bois allant et venant d'une main assurée sur le papier blanc. Chaque trace qu'il laissait semblait apporter un nouveau détail, une branche sur un arbre en arrière plan, un rocher à côté du loup, le corps du personnage se précisait tout comme celui de l'animal. Je jalousais ma camarade pour son talent, moi j'étais incapable de dessiner une maison correctement, ou alors le genre de maison prête à s'écrouler au premier coup de vent. Je reportais alors mon attention sur son visage, si elle avait, comme je le pensais, des tics, ils seraient visibles lorsqu'elle ne me regardait pas. Hormis une boucle blonde qui n'arrêtait pas de tomber sur le côté, elle avait l'air de ne rien avoir. Elle la repoussait machinalement derrière son oreille, ses yeux bleus clairs restaient concentrés sur son dessin sans même sourciller. Elle finit par relever la tête, me regarda, sourit et me fit un clin d'œil. Sachant maintenant que ce n'était pas nerveux, je me sentis rougir tout en lui souriant en retour. Puis à nouveau, son crayon alla se reposer sur le papier et elle reporta toute son attention sur son œuvre. Le fait que je la regarde ne semblait pas la déranger le moins du monde, alors je me mis à observer ses yeux, courants sur la page au format A4, suivant le crayon, et les petites tâches de rousseurs lui entourant le nez, tellement clairs que je ne les avais pas remarquées avant, il faut dire que depuis septembre, c'était la première fois que je voyais Mathilde d'aussi près. Ses cheveux blonds bouclés descendaient jusqu'aux épaules, le tissus de son T-shirt semblait fin, le col en V et le fait qu'elle soit penchée en avant me laissaient voir la naissance de sa poitrine et le blanc de son soutien-gorge, je sentais une onde de chaleur monter le long de mes oreilles au fur et à mesure que mes yeux plongeaient dans son décolleté. Je dus faire un effort pour remettre le nez dans mon livre. Du coin de l'œil, je vis ma camarade me regarder à son tour, je remuais nerveusement sur ma chaise sans lever la tête de "Cyrano". Je l'aperçus sourire avant de se replonger sur sa feuille. Je faisais complètement semblant de lire, me demandant maintenant ce que ma camarade pouvait bien penser de moi. Étant devenue rapidement très populaire au lycée, l'avis des autres ne m'intéressait que moyennement. Seul l'avis des filles de mon petit cercle d'amies comptait vraiment, pour le reste, à ce que j'en savais, la plupart des filles qui ne me connaissaient pas me prenaient pour une salope ou une allumeuse, pour les garçons, j'étais une fille "bonne" d'après ce que Logan entendait et plus d'un l'avaient félicité lorsque nous avions commencé à nous afficher ensemble, quelques semaine après le début officiel de notre relation. Franchement, je n'imaginais pas Mathilde me portant le même jugement que la majorité de ces filles du bahut, ça m'ennuierai beaucoup et je l'espérais plus intelligente que ces pétasses coincées. Son dessin était vraiment beau, elle commençait à faire les ombres dans la forêt, la fille était très jolie elle aussi, une brune aux cheveux mi long, ayant la main posée sur la tête d'un loup gris et blanc, l'animal montrait les crocs, voulant protéger, dans l'esprit de l'artiste, la fille qui se tenait nue à côté de lui. Il n'y avait rien de sexuel dans ce dessin, ici, la nudité paraissait plutôt naturelle, comme ci tout vêtement était bannit à l'entrée de ce bois. Je dus me pencher un peu trop car Mathilde arrêta de dessiner.
"T'aimes? me demanda-t-elle.
- Ho, oui ! Il est super bien fait!
- Si j'arrive à le finir ce matin je te le donnerai."
Je fus surprise, ça la fit sourire
"Bin quoi, reprit-elle, c'est toi là, c'est normal qu'il te revienne."
Mon visage devint une véritable forge et le sourire de Mathilde s'agrandit encore, découvrant ses dents blanches et droites.
" T'es D.P. toi?
- N... Non, bredouillais-je, je ne suis pas demi pensionnaire, et toi?
- Externe aussi mais j'ai des tickets, parfois j'aime bien rester ici, quand je bosse sur un dessin.
- Ah, c'est vraiment ta passion alors.... Tu dessines super bien!
- Pas assez pour les A.A. Me dit-elle.
- Les A.A.?
- Arts Appliqués. J'ai été refoulée.
- Par un jury qui n'avait pas de goût alors.
- L'art n'a de sens que celui qu'on lui donne."
Nous relevâmes la tête toutes les deux, je pensais que nous discutions entre nous, nous avions oubliées notre professeur de maths, c'était le cas pour ma part, mais elle était bien là, admirant elle aussi le dessin de Mathilde.
"Mais il est vrai que tu as du talent , reprit-elle. Dommage que tu ne sois pas aussi douée pour l'algèbre. "
Elle rit et se remit à la correction de ses copies, ma camarade eut un léger sourire alors que moi, je restais fixée sur le dessin, sur la fille qui était censée me représenter.
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Jour de grève [terminé]
RomanceÉmilie, jeune lycéenne, découvre la tendresse d'une façon inattendue