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Ma mère salua mon amie avec un large sourire, du moins jusqu'à ce qu'elle sente le cannabis. Voyant les efforts que Mathilde faisait pour me tendre le joint par dessous la table, je le pris, et lorsque mon père fit son entrée dans la cour, je tirai une grosse bouffée pour ne pas qu'il s'éteigne. Ma mère vu le regard que me lançait Mathilde, elle ria puis lui dit :

« Nous savons très bien qu'Émilie fume ce... »

Puis tout bas :

« Ce cannabis ! »

Mon amie la regardait maintenant, fixement, pour voir si elle ne plaisantait pas, ma mère reprit :

« Nous préférons le savoir, c'est mieux que de le faire en cachette. Purée escalope de dinde ce midi les filles. Je vais travailler, à plus tard. »

Mathilde et moi la regardâmes partir par la baie vitrée, après qu'elle eut salué mon père en l'embrassant. Ils avaient beau avoir passé la quarantaine, mes parents étaient toujours amoureux et ils ne manquaient jamais une occasion pour se le prouver. Lorsque nous entendîmes le moteur de la voiture se mettre en marche, mon père rentra lui aussi, nous laissant seules, alors que le soleil commençait à nous inonder de ses rayons. Une fois le joint terminé, je profitais du calme de cette fin de matinée pour rester simplement assise, le visage pointé vers le soleil, les yeux fermés, en silence. Lorsque j'ouvris les yeux quelques instants plus tard, Mathilde m'observait.

« Quoi ?

- Rien, je te regarde.

- Je le ressens même les yeux fermés... Tu te fais chier ?

- Un peu... Y'a rien à faire ?

- Bah non. Tu fais quoi en général le samedi ?

- Je m'occupe de ma sœur en attendant que ma vieille se lève et je révise. »

Les révisions n'ont jamais été mon truc, ayant une bonne mémoire, j'arrivais à retenir l'essentiel du cours en le copiant. Mais peut-être qu'ouvrir un cahier ne me ferait pas de mal, en plus, si nous voulions réviser, il fallait rentrer, dans ma chambre il y aurait le confort du lit, bien plus agréable que la chaise de plastique sur laquelle j'étais assise et qui commençait à me donner mal aux fesses. Je rangeais le cendrier sur l'appuie de fenêtre du garage et remis ma chaise sous la table pour éviter qu'elle ne s'envole en cas de vent, Mathilde fit la même chose et nous entrâmes dans la maison. J'allais fermer la baie vitrée quand mon père me cria de la laisser ouverte depuis la cuisine. Une fois dans la chambre, le lit me tendait les bras, je sautais sur le matelas tout en enlevant mes chaussures en même temps, j'atterris en plein milieu. Mon amie s'assit timidement au bord du matelas. Je lui demandai de me donner la télécommande de la chaîne Hi-Fi et tout en m'installant dans le bon sen, la radio se mit en route. Voyant que Mathilde allait de nouveau s'asseoir à côté de mes pieds, je tapotais le matelas juste à côté de moi pour lui indiquer de venir s'installer. Un sourire illumina son visage lorsqu'elle vint s'allonger. Après une série de publicité, la radio se mit à diffuser un de mes airs préférés, « creep » de Radiohead. Lorsque le refrain arriva, je posais ma tête sur l'épaule de mon amie et murmurai les paroles en mode « yaourt », n'ayant aucune idée de ce que Thom Yorke pouvait bien raconter mais je trouvais cette chanson très jolie et douce. Douce en comparaison de ma playlist habituelle contenant majoritairement des groupes comme Nirvana, AC/DC, BB Brunes, Offsprings... La chanson terminée, Pink prit le relais pourtant ma tête resta à la même place, ce qui n'avait pas l'air de déranger mon amie, et tout désir de réviser s'était envolé. La main de Mathilde faisait de petits vas et viens le long de ma hanche, d'ordinaire, extrêmement chatouilleuse, je me serai tordue de rire, or là, ce contact ne me gênait pas, pour tout dire, l'effet du joint aidant, je faillis m'endormi si mon amie ne m'aurait pas parlé.

« T'as vraiment envie de réviser ?

- J'arrive plus à bouger un doigt, comment veux-tu que je me lève chercher un cahier ? »

Mathilde se mit à rire.

« Moi pareil. J'ai le courage de rien là... Pis j'suis bien. »

Elle colla sa tête à la mienne, je la laissa faire, me disant que moi aussi j'étais bien. Blottie l'une contre l'autre je ne pensais plus à rien, ni à mon petit ami, ni à mes parents, ni même à ma sexualité. Mon père m'appela, il devait se trouver dans le couloir car s'il ne cri pas, nous l'entendîmes clairement malgré la radio. À contre-cœur, je fis un effort énorme pour me lever, passant par dessus mon amie. Une fois à califourchon sur elle, elle me bloqua de ses jambes, me saisit doucement les poignets et me regarda fixement dans les yeux. Je ne savais pas pourquoi, mais je me sentais rougir alors que Mathilde semblait contempler le fond de mon âme. La chaleur qui empourprait mes joues devint plus intense encore lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes. J'essayais de reculer dans un premier temps mais elle me bloquait les bras et les jambes, je ne pouvais rien faire. Je me détendis un peu, après tout, ce baiser était loin d'être désagréable, ses lèvres étaient douces, elle me maintenait mais sans douleur tout en empêchant mes jambes de passer en ayant levé les siennes. Je sentis ses lèvres s'entrouvrir contre les miennes, puis l'humide caresse du bout de sa langue et sans savoir pourquoi, je m'abandonnait totalement en ouvrant la bouche à mon tour et laissant sa langue danser contre la mienne. Mon père mit brusquement fin à ce moment en frappant fort contre la porte de ma chambre. Il n'attendit pas ma réponse pour entrer et nous vit encore l'une sur l'autre.

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant