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Nous nous allongeâmes sur nos serviettes, Mathilde vint poser sa tête sur mon épaule, ce fut seulement à ce moment là que mon père décolla le nez de son livre, nous regarda, me fit un clin d'œil lorsque nos regards se croisèrent puis se remit à lire. Apparemment mes parents avaient intégré le fait que je sois homo (ou bi??) bien avant moi. Et personne ne pensait à ce pauvre Logan, pas même moi à cet instant. Je ne pensais qu'à la main qui tenait la mienne, faisant des va et viens lents entre mes doigts, et à la fille à qui elle appartenait, où allait nous mener cette relation ? Je n'avais pas l'habitude de tant de douceur, les petits câlins de ce genre n'étaient pas le style de Logan, il était plus rapport physique. Ou alors il était raide défoncé, ce qui n'était arrivé qu'une fois. Aujourd'hui, nous n'avions fumé que des cigarettes, j'avais bien ma boîte à rouler dans la voiture mais pas l'envie de fumer un joint, je pensais que Mathilde non plus. Ma mère gâcha un peu l'ambiance en nous informant qu'il était l'heure d'aller manger, je vis Mathilde grimacer à l'idée de marcher à nouveau sur le bitume pieds nus, elle eut la mauvaise idée d'avancer rapidement, courant presque jusqu'à la voiture. Elle se plaignit brièvement, maudissant l'inventeur du goudron et nous informa qu'elle garderai ses baskets pour retourner à la plage cet après-midi ;

« Tu rapporteras un souvenir, lui dis-je en riant.

- Quoi, mes petits pieds meurtris ?

- Non, le sable dans tes pompes !

- Ho, si y'a que ça je m'en fous. Mais je ne marcherai plus pieds nus sur la route ! »

Nous rîmes tout en montant en voiture, sauf elle qui boudait, mais en souriant. Le petit restaurant dont nous avait parlé ma mère n'était vraiment pas loin, on aurait pu y aller en marchant. Comme tous les restaurants du bord de mer, sa façade était blanche et bleu ciel, et il proposait la spécialité du coin, les moules-frites. Je fis la grimace en voyant l'affiche et manquais d'exploser de rire en me disant que mon expérience de lesbienne commençait bien si je grimaçais déjà en voyant le mot ''moule''. Il fallait que je pense à la sortir à Mathilde. L'intérieur était sympa, si on aimait le style marin. Les murs en lambris blancs étaient décorés d'ancre en bois, de cordages et de tableaux représentant la mer sous toutes ses formes. Il y avait même la photo d'un chalutier portant le nom du restaurant, le patron était-il aussi marin-pêcheur ? Au niveau des tables, on avait l'embarras du choix, elles étaient une dizaine, vides, à se présenter à nous mais en même temps, il n'y avait que ma mère pour aller dans un restaurant le dimanche à midi pile. Mon père lui tint la chaise pour qu'elle puisse s'asseoir, il me regarda, un sourcil levé, moqueur, voulant nous dire ''et vous, vous faites comment ?'' mais sans parler. Je n'avais aucune idée de quoi faire mais ma petite-amie réagit au quart de tour, me tirant une chaise. Je la remerciais et regardais mon père pour lui dire ''voilà, on fait comme ça''. Il me tira la langue, comme un gamin pour clore le débat, ce qui nous fit tous rire, alors qu'un serveur s'approchait de notre table, étonné de voir des clients si tôt ou peut-être à cause de notre bonne humeur naturelle. Il nous distribua les menus, de simples cartons pliés en deux, avec un large côté poissons et fruits de mer, mais aussi quelques viandes, coûteuses. Mathilde me rassura en déclarant qu'il était hors de question qu'elle mange du poisson, seul mon père se laissa tenté par les moules-frites et ma mère commanda trois entrecôtes. Les plats furent longs à arriver mais ils furent délicieux. Le petit restaurant commençait à se remplir, il y avait des Anglais à côté de nous, sur la gauche, les écouter parler me faisait penser aux cours de demain, penser aux cours me faisait penser à Logan or, je n'avais aucune envie de penser à lui. Je maudis ce couple de vieux anglais tout en mangeant ma glace. Après ce copieux repas, pas question d'aller se baigner tout de suite. Ma mère régla l'addition et nous retournâmes à la plage. 

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant