6

4.3K 121 8
                                    

"On va aller chez moi, dis-je une fois que l'on eut passé les grilles du lycée, mais il faut que l'on se mette d'accord sur quoi dire à mon père.

- Que penses-tu de la vérité ? 

- Jamais je lui dirai que je sèche... 

- En théorie, la permanence est considérée comme une heure libre, et on ne peut pas sécher une heure libre donc on ne sèche pas..."

Le pire dans tout ça c'est qu'elle avait raison, en refusant de nous faire cours, le prof d'Anglais nous avait libérées, comme nous étions externes, nous n'étions pas tenues d'assister à la permanence. Le seul problème était l'heure d'histoire qui suivait. Je finis par conclure que Mathilde avait raison, la vérité serait plus facile à gérer avec mon père. Une partie de la vérité tout  du moins. 

"OK, on va lui dire qu'on a aussi vu le prof d'histoire, et que lui aussi nous a dit qu'il ne nous ferait pas cours. comme ça plus de soucis. 

- Et il va rien dire que je suis là ? "

S'il y avait bien un point sur lequel je n'étais pas soucieuse c'était le présence de ma camarade. Si Mathilde avait été un garçon, je pense que mon père lui aurait imposé l'interrogatoire qu'il a fait subir à Logan le jour où ils se sont vus pour la première fois, mais une fille, il n'y avait aucun risque, j'avais le droit, le devoir même d'avoir des amies. 

"On lui dira que ta mère est au travail, qu'il n'y a personne chez toi.

- Moi ça me va."

Elle me répondit en me gratifiant d'un sourire et d'un de ses clins d'œil alors que je lui tendais une cigarette. Elle l'alluma puis me demanda ce que je comptais faire cet après-midi, je n'en avais aucune idée. J'habitais à une quinzaine de minutes de marche du lycée, nous passâmes par l'allée où j'avais l'habitude de me tenir avec mon petit ami tous les matins, les buissons étaient toujours bien taillés, la ruelle toujours aussi déserte, nous ne croisâmes personne jusqu'à la sortie, pas même un chat. Une fois dans ma rue, je lui montrais une maison de brique rouges, sans étage, ce qui était rare dans le coin. Nous entrâmes par le garage ouvert, la voiture de mon père y était, je m'y attendais, ma mère en revanche n'allait pas rentrer avant midi. J'ouvris la porte menant à l'arrière cuisine, un homme d'une quarantaine d'années s'y trouvait, au visage et aux épaules carrés, les cheveux noir corbeau, le teint bronzé, mon père fut étonné de me voir déjà rentrée. Il ne laissa rien paraître, une personne normale n'aurait rien vu mais je le connaissais et je voyais qu'il s'interrogeait sur la fille qui se tenait derrière moi. 

"On a plus cours, à cause de la grève, on était que toutes les deux alors les profs nous ont envoyées en perm. Tu sais à quel point c'est constructif ? Alors on a décidé de rentrer. Je te présente Mathilde, sa mère est au boulot donc je lui ai dit de venir avec moi. On est dans la même classe. 

- Tu as bien fait. Dans quel secteur travaille votre mère mademoiselle? "

À ce moment là, je me suis dit, en voyant ma camarade rougir, que si nous avions un nid de souris à la maison, Mathilde aurait sûrement été leur dire bonjour. 

"Dans la restauration, s'empressa-t-elle de répondre. Elle est serveuse au relais. "

Mon père jeta un rapide et discret regard à sa montre, il était à peine dix heures et demi.

"Ah, et déjà au travail? Ils ont tant de monde que ça ? Pourtant c'est un petit routier, sympa mais loin d'être classe. Enfin, elle travaille, c'est déjà ça. Et ton père? "

Le visage de Mathilde changea brusquement, le teint rose de sa timidité laissa place à la pâleur, à voir, le sujet paternel était à éviter avec elle. 

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant