Ayant toujours dormi seule, mon lit était dans le coin de ma chambre le plus éloigné de la porte, calé contre l'angle. Elle enleva ses baskets et se cala contre le mur le plus possible pour me laisser un maximum de place, cela me fit sourire car dans mon lit double, on aurait pu y dormir à quatre. Je pris place à côté d'elle, essayant de la serrer au maximum, en vain car cela n'avait pas l'air de la déranger plus que ça. J'avais laissé le paquet de cigarette sur le bureau, je me relevais, me traitant mentalement d'idiote, et regagna rapidement ma place. J'en offris une à Mathilde, qui me fit remarquer en riant qu'elle n'avait jamais autant fumé de sa vie, et en prit une. Je posais le cendrier sur mon ventre afin qu'on puisse chacune y accéder et tout en fumant mon amie me parla un peu d'elle. Elle m'avoua que sa mère ne travaillait pas, que si elle avait parlé du restaurant routier c'est parce qu'avant la naissance de sa demi-sœur sa mère y passait la majorité de la journée mais pas en tant que serveuse.
"C'est la honte d'avoir une mère pilier de bar, déclara-t-elle, écrasant doucement sa cigarette dans la seconde coquille Saint-Jacques. Un père inconnu c'est déjà pas terrible alors si tu rajoutes une mère alcoolo, tout le monde me surnommerait "Cosette".
- On a les parents qu'on a... Les miens sont un peu bourges sur les bords, et parfois ça me gêne.
- Si tu veux on échange, plaisanta Mathilde. Non mais sérieux, et avoir un gosse à quarante ans... Je plains ma demi-sœur... J'espère ne plus vivre chez ma mère pour voir ça.
- C'est ta sœur, dis-je, tu seras toujours là pour elle ! Tu as de la chance d'en avoir une.
- T'es mignonne."
Elle passa son bras sur mon ventre une fois que j'eus fini ma cigarette, juste en dessous de ma poitrine et resta silencieuse. Pour ma part, je ne voyais pas quoi ajouter sur le moment. Au bout de quelques minutes, elle sortie un téléphone portable de sa poche et mit une musique que je ne connaissais pas, un air doux et calme aux antipodes du rock que j'écoutais habituellement. Mathilde chantait mentalement, je voyais ses lèvres bouger sans qu'aucun son ne sorte, je la sentais respirer aussi, son ventre se soulevait contre ma hanche à chaque fois qu'elle reprenait son souffle.
"Tu sais que ma chaîne Hi-Fi fait Bluetooth...
- Sérieux ?
- Vas-y active le sur ton tel."
Je me levais et allumais la chaîne posée près de la bouteille de soda, en profitant pour rallumer le joint, puis la mis en mode bluetooth, elle régla son téléphone tandis que je lui tendais la télécommande. La même chanson reprit, mais en meilleure qualité et plus fort. Mathilde se leva et vint me rejoindre devant la fenêtre. Elle me demanda si je connaissais. Comme je lui répondis non, elle m'apprit que c'était "serre-moi" de Tryo, groupe que je connaissais de par son premier album Mamagubida, mais ma connaissance de se groupe s'arrêtait là. Ma camarade s'inquiéta de savoir si j'aimais bien. Je lui dis que oui, pour le moment mais que ce n'était pas trop mon style de musique tout en lui tendant le joint. Elle prit quelques bouffées recrachant dehors puis me le redonna. Elle ne fumais presque pas comparé à moi, tout comme elle, ses taffes étaient timides, légères mais à voir ses petits yeux rougis, elle devait le sentir passer. Je me collais contre le mur afin de laisser le pétard dehors entre deux bouffées, ma camarade s'approcha de moi, posa sa tête sur mon épaule comme elle l'avait fait un peu plus tôt, tout en me demandant si cela ne me gênait pas, je ne voyais pas en quoi ce contact pouvait me gêner. Elle chantonnait doucement dans le creux de mon cou, je ne savais pas si c'était son souffle sur ma peau ou l'effet du joint, mais je frissonnais. Je rompis ce contact en allant poser le joint dans le cendrier, tout en lui proposant soit de se remettre au dessin, qui à première vu était presque fini, soit de se caler à nouveau dans le lit, tout en jetant un coup d'œil au radio-réveil, il nous restait plus d'une heure avant le repas. Elle opta pour le lit, je la laissais passer dans le fond alors que sa chanson reprit du début, elle manipula son téléphone afin de la changer tandis que je lui donnais un verre à demi rempli de soda et je bus le mien, d'une traite. La fraîcheur du liquide n'arrangeait rien à la chair de poule qui courrait le long de mes bras, j'aurais été seule, je me serai calée sous la couette devant un bon jeu sur mon mobile. Mais je ne l'étais pas, je dus me mettre par dessus, et Louane remplaça le jeu. C'était loin d'être ma chanteuse préférée mais le titre "Jour un" passait encore. Mathilde chantait doucement, les yeux fermés et les bras posés derrière sa tête, ses longs cheveux blonds étalés en éventail autour de son visage. Sans trop savoir pourquoi, j'en saisis une mèche entre le pouce et l'index, ils étaient doux, soyeux, contrairement aux miens. Elle ouvrit les yeux à ce contact, me sourit en clignant de l'œil et les referma, tout en gardant son sourire. Appréciait-elle ce geste? Je le vérifiais en prenant une plus grosse mèche, m'amusais à la faire glisser entre mes doigts écartés et recommençais, ma camarade ne disait toujours rien. Elle me regarda fixement lorsque ma tête se posa sur son coude, elle remua un peu et son bras gauche passa sous ma nuque. Allongée sur le côté, à quelques centimètres d'elle, je faisais toujours courir mes doigts dans ses cheveux, la sensation était apaisante, j'aurais pu m'assoupir si mon père ne m'avait pas appelé depuis la cuisine, assez fort pour que je l'entende par dessus la musique.
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Jour de grève [terminé]
RomanceÉmilie, jeune lycéenne, découvre la tendresse d'une façon inattendue