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La glace du bord de plage était synonyme pour moi de cerveau gelé, ma petite-amie découvrit pourquoi ce jour là. La glace étant de texture légère, elle fondait rapidement dans l'air chaud, il fallait se dépêcher de la manger sinon on s'en mettait partout, et encore, même en avalant de grosses bouchées, jusqu'à ce que l'on ait mal à la tête et le nez qui se pince, on arrivait à la fin avec les mains gluantes. Mathilde avait beau se démener comme elle le pouvait, la glace coulait le long de ses doigts et finissait en grosses gouttes sur le sol. Elle avait beau lécher ses mains autant que le cornet, une fois qu'il y en avait plus d'un côté, l'autre dégoulinait de plus belle. Je riais de la voir se dépatouiller avec sa glace alors que moi, malgré mon expérience, je n'arrivais pas à faire mieux. Lorsque nous eûmes fini, Mathilde en bonne dernière, nous profitâmes de la douche de plage pour rincer nos mains pleines de sucre avant de reprendre la route. Mon père nous laissa le temps de fumer une cigarette avant de monter en voiture. Je retrouvais mon téléphone à l'endroit où je l'avais laisser, dans le petit bac en plastique de la portière, servant de vide-poche, mon paquet de mouchoir en papier posé par dessus afin de ne pas attirer les voleurs, comme je l'avais toujours fait. Je l'allumais, il capta le réseau tout de suite, et se mit à vibrer. Avant que mon père ne démarre je vis que j'avais reçu trois textos, tous venaient de Logan et tous disaient la même chose :

« Tu fais quoi ? »

Quel romantisme débordant, quelle joie de pouvoir lire ce genre de messages alors que jusqu'ici la journée avait été parfaite. Je ne pris même pas la peine de répondre et reposa le portable sur mes genoux juste avant qu'il ne vibre une nouvelle fois. Je faillis bien ne pas regarder ce nouveau message, pensant qu'il venait de Logan, une fois de plus, mais j'avais l'intention de faire le tour de mes jeux sur la route donc j'en profitais pour effacer la notification. Je vis alors qu'il venait de Mathilde.

« Dommage que je ne dorme pas chez toi ce soir. »

Moi aussi j'aurais aimé qu'elle puisse passer la nuit chez moi mais je ne croyais pas que sa mère fusse d'accord. Je lui fis part de ma réflexion et je n'eus même pas le temps de lancer une application que je reçu déjà sa réponse. Elle me dit que sa mère se moquait bien de la savoir chez elle ou pas, tant qu'elle savait où elle se trouvait, et que de toutes façon, sa mère, elle pouvait la gérer elle-même. S'attendait-elle à ma question ? Ça ne faisait aucun doute lorsque l'on regardait la taille de la réponse en si peu de temps. Étais-je si prévisible que ça ? Je me demandais aussi ce que je pouvais bien ajouter à tout ça quand une nouvelle bulle apparut dans la conversation.

« Ce qui m'inquiète ce sont tes parents à toi... »

Avec eux, il faut avouer, c'était quitte ou double. Je n'étais pas très forte en manipulation, et donc obéissait le plus souvent sans discuter. Il y avait cependant un moyen d'amener doucement le sujet sur le tapis sans trop de casse. Je pris alors la parole.

« On commence à quelle heure demain ?

- Dix heures, on a deux heures de maths... Pour bien commencer la semaine.

- Ah oui. On a pas eut de devoir hein nan ?

- Bah vu combien on était vendredi... Nan. »

L'autoradio diffusait de la musique faiblement, mes parents avaient l'air concentrés sur la route mais je savais très bien qu'ils écoutaient d'une oreille notre discussion.

« C'est vrai, repris-je. Tu crois que ta mère te laisserai dormir chez moi encore une fois ?

- Oui, tant que je la préviens. Et les tiens ?

- Je sais pas... Maman ? »

Comme pour me prouver que ce que je pensais était vrai, elle me répondit directement alors que mon père secouait négativement la tête. C'était mal parti.

« Non, dit-elle sans même jeter un coup d'œil au conducteur. Vous avez cours demain.

- Mais on commence qu'à dix heures.

- Et alors ? De plus je ne veux pas que la mère de Mathilde s'inquiète.

- On peut aller la prévenir, on passe devant. Tu nous dépose et on rentre à pieds. »

C'était double bénéfice pour moi, non seulement ma petite-amie aurait le droit de dormir chez moi mais en plus, j'échappais à la corvée de décharger la voiture.

« Comme ça, ajouta Mathilde, en allant la prévenir, je prendrais des affaires pour demain et mon sac de cours. »

Ma mère semblait réfléchir, cherchait un argument pour nous contrer mais comme elle n'en trouvait pas, elle finit par nous dire, à contrecœur que c'était bon pour une fois. Nous étions alors toutes souriantes à l'arrière de la voiture. Je sortis de la pochette du dossier du siège de mon père ma petite boite métallique, là où je l'avais mise au matin, et roulais, en ce début de soirée, mon premier joint de la journée. Je me félicitais intérieurement d'avoir passer la journée sans fumer, et si je me préparais celui-là, c'était juste au cas où mon amie serait longue chez sa mère, le temps passe plus vite quand on fume un joint. Mon père commençait à être fatigué, cela s'entendait à sa façon de soupirer lorsqu'il voyait au loin qu'il allait suivre une autre voiture, et aussi à sa façon de rouler, bien plus nerveuse que ce matin. 

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant