"Émilie !! Viens voir !!"
Malgré le volume, il n'y avait aucune trace d'énervement, ce qui me rassura. Je me levais donc et regarda brièvement Mathilde, je vis toute la tristesse du monde sur son visage.
"Je reviens tout de suite, lui dis-je pour tenter de la rassurer, ça va pas être long."
Je profitais de cette occasion d'aller dans la cuisine pour ranger la bouteille de Coca, après avoir refais le plein des verres, au cas où et sortis de la chambre. Dans le couloir lambrisé je me demandais ce que mon père me voulait et je n'allais pas tarder à le savoir. Il était attablé devant son verre d'apéritif anisé, il en buvait quotidiennement quatre, deux le midi, deux le soir. Ceux du soir, il les buvait dans son canapé, au calme, avant que ma mère ne rentre, ceux du midi étaient bus soit dans la cuisine, soit dans la salle à manger, tout dépendait de son humeur. Ce midi, il était à la table de la cuisine, faisant claquer son alliance en or contre son verre, au rythme d'une musique qui devait se jouer dans sa tête. Il me regarda remettre la bouteille au frigo et prit la parole dès que je me retournais vers lui, d'un ton calme.
"Ta mère a appelé pour dire qu'elle sera là ce midi, Nous avons discuté de ta matinée au lycée et nous sommes d'accord pour que tu restes ici cet après-midi. De toute façon vous ne serez pas plus nombreux je pense. Ton amie restera si elle le souhaite, je pourrai même lui remplir son billet d'absence si sa mère serai... Réticente.
- Bah écoute, je lui en parle et je te dis quoi quand on viendra manger. Ça te va?
- Parfait. Vous comptez rester enfermées? Car après le repas, ta mère et moi allons voir ta tante Josette."
Tata Josette était la plus vieille des sœurs de ma mère, la soixantaine passée, elle était devenue rapidement sénile et je ne l'avais jamais connue vivant autre part que dans un hospice où l'on s'ennuyait à mourir. Quand je n'avais pas d'autre choix que d'accompagner mes parents, je m'assurais de prendre mon chargeur de téléphone et un paquet de cigarettes plein. Lorsque je n'étais pas dehors à fumer, je m'installais dans un coin de la salle des visites, que le personnel soignant appelait ''salon'', près d'une prise et je jouais sur mon smartphone.
"Heu, on va rester ici je pense. J'écrirai peut-être un peu et Mathilde a une passion pour le dessin donc...
- Houla, ricana mon père, nous allons avoir deux créatives pour déjeuner !
- Rigole mon papounet, mais une fois qu'on sera célèbre, même pas t'auras un autographe !"
Je lui tirai la langue en riant et regagnai ma chambre.
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Jour de grève [terminé]
RomanceÉmilie, jeune lycéenne, découvre la tendresse d'une façon inattendue