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Mathilde était toujours sur le lit. Greenday avait remplacé Louane et je préférais cela. Les jambes croisées, elle faisait balancer son pied au rythme de la musique tout en fredonnant un charabia d'anglais qui aurait donné une violente éruption cutanée à notre professeur si elle aurait entendue ma camarade. J'entrais, refermais la porte et me mise à sautiller dans tous les sens, grattant à grands tours de bras ma guitare imaginaire avant de sauter dans le lit. Prise par l'élan de mon accès de folie, ou mauvais calcul de trajectoire, ma tête alla s'écraser contre le ventre de Mathilde. Je me relevais immédiatement, prête à lui faire de sincères excuses mais elle riait encore plus fort que moi, j'en conclus donc que je ne lui avait pas fais mal mais finis par m'excuser tout de même. Elle me dit, entre deux éclats de rires que ce n'était rien, tout en me saisissant par le bras et me tira sur elle si fort que ma tête faillit à nouveau la percuter, plus haut cette fois, mais je réussi à mettre les mains sur lit pour freiner ma descente et nous rîmes de plus belle. Je m'allongeais, calmée et essoufflée à coté d'elle, instinctivement, son bras se replaça sous ma nuque et je me collais à elle. Nous hoquetions encore du fou rire toutes les deux, ma main posée sur son ventre la sentait monter par accoups, elle souriait tout aussi bêtement que moi, je pensais que cette sensation de bien-être était encore un effet du joint. D'ailleurs, penser à lui me rappela qu'il était à finir. Je me dégageais une nouvelle fois du bras de Mathilde pour me diriger vers la fenêtre, elle me suivit, devinant sûrement ce que j'allais y faire. J'allumais la moitié de pétard qu'il restait dans le cendrier et lui tendis tout de suite.

"Toi tu veux vraiment me voir défoncée ! S'exclama-t-elle, souriante. Heureusement qu'on va manger après (elle me fit un clin d'œil) Ça nous fera poser un peu.

- C'est sûr que ça nous fera du bien, j'ai faim, je mangerai vaches et veaux !"

Elle prit quelques bouffées puis me rendit la cigarette. Elle fit demi-tour pour aller à nouveau s'allonger, fit quelques pas et se retourna de nouveau pour me dire "En attendant, il n'y a que moi à croquer ici."

Elle me fit à nouveau un clin d'œil, plus appuyé cette fois, puis me tourna le dos jusqu'au lit. Je pris appuis sur le bord de la fenêtre, regardant l'ombre de la maison sur la pelouse fraîchement coupée par mon père et me demandais si ma camarade était sérieuse. Le clignement de l'œil était trop appuyé, et sa façon de déclarer qu'elle était mangeable trop surjouée pour que ce soit une proposition sincère. Était-ce encore un effet perfide du cannabis ou étais-je franchement déçue ? Me poser mentalement la question me fit choquer moi-même. Si c'était l'effet du pétard, il fallait que j'arrête au plus vite, si cela venait de moi, je devais me poser quelques questions sur l'orientation de ma sexualité. Je pris encore deux taffes sur le joint et l'écrasa dans le cendrier du bureau jusqu'à ce qu'il ne fume plus du tout. Je bus ensuite mon verre de soda, facilement différentiable de celui de Mathilde grâce aux personnages de bande dessinée qui ornaient les anciens pots de moutarde grands formats, devenus verres de cuisine, d'une célèbre marque qui existe toujours, pris mon paquet de cigarettes et retourna m'allonger à mon tour sans toutefois me recoller à ma camarade. J'avais beau me dire qu'elle m'avait fait cette réflexion uniquement pour me taquiner, sous le coup de la folie qui s'était emparée de nous quelques instants avant, je n'arrivais pas à me convaincre qu'elle n'était pas sérieuse. Et si tous ses clins d'œil et ses sourires étaient une façon de tester le terrain ? De savoir de quel bord j'étais ? J'effaçais ces questions stupides d'un coup d'éponge mental et lui répéta ce que m'avait dit mon père. Elle m'écouta, en silence, alors que la chaîne Hi-Fi avait enchaîné depuis sur une chanson que je ne connaissais pas et dont je me foutais royalement.

"Tu sais quand je sèche, je remplis moi-même les bulletins d'absence Émilie, me répondit-elle, mais là, si j'ai l'appui d'un "Adulte Responsable" alors oui je veux bien que ton père me le remplisse.

- Je pense qu'il le fera en rentrant de chez ma tante..."

J'avais laissé de côté la sénilité et l'hospice pour le moment.

" Et nous, on va faire quoi pendant ce temps?"

Elle se tourna vers moi en me posant la question, jouait avec une mèche de mes cheveux, à l'entortiller du bout de son index et me fixait de ses grands yeux bleus dont le blanc était fortement rougit par la consommation de cannabis.

Jour de grève [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant