Le vent souffle dans mes oreilles, mes griffes crissent sur la pierre.
Mes coussinets me brûlent, j'épuise.— Cours! me crie ma louve, à chaque fois que je ralentis d'épuisement.
Mais je ne peux pas, je ne peux plus.
Je suffoque. Je n'ai plus d'air. J'ai trop chaud.
La fatigue me brouille la vue, et mon esprit tourne au ralenti, je sens que vais tomber.Soudain, une profonde douleur m'arrache un cri strident.
— NON! hurlé-je, je ne veux pas mourir! pensé-je, terrifiée.
Je double la vitesse, mais le sang coule abondamment et je n'arrive plus à accélérer.
J'ai atrocement mal. C'est sûr, ils vont me rattraper.
Mes yeux alternent avec ceux de ma louve, je me bats pour garder le contrôle de mon corps.Je continue à courir en ligne droite malgré la douleur qui me transperce, quand subitement, un des loups se met à hurler et tente de presser sa course.
Je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct me dit que tout se joue dans ces dernières secondes, alors je donne alors tout ce que j'ai et me surpasse.
Je pense que je n'ai jamais couru avec tant de hargne, mes pattes touchent à peine le sol.
Je ne cours plus, je vole.— La peur donne des ailes, et contrairement à celles de l'amour, elles sont bien visibles. ricane ma louve.
Je ne soulève pas sa remarque, et saute d'un bond prodigieux par-dessus une rivière.
Mes trois poursuivants, eux, s'arrêtent instantanément face au courant d'eau.
Ils me regardent d'une manière très spéciale. Comme s'ils étaient désolés pour ce qui allait m'arriver. Je me tourne face à eux pour tenter de les comprendre, mais à peine cela fait, ils mettent leurs queues entre leurs pattes et déguerpissent à la hâte.Je ne saisis pas immédiatement leur réaction, leur ai-je fait peur? Impossible...
Brusquement, un souffle chaud s'écrase sur la peau de mon dos. À l'instant, mes poils s'hérissent, et une aura d'alpha se déploie m'écrasant presque la tête au sol sans que je puisse bouger tant la puissance de l'aura est étouffante. Je ne suis pas capable de lui faire face et ainsi me relever.
Je réalise alors que je suis entrée sur le terrain privé de l'Alpha. D'où le regard spécial de mes poursuivants quelques instants plus tôt... pensé-je.
Mon sixième sens de loup me permet d'imaginer l'animal derrière moi. C'est un énorme loup qui est presque deux fois plus grand que moi. Il est en colère mais semble amusé par ma posture et ma témérité. Sa colère ne m'est pas exclusivement destinée, il fulmine, sûrement mécontent que je sois toujours libre, et non attrapée par ses subalternes.
Je me concentre et perçois l'odeur du charbon et du sang.
Malgré ce que l'on peut penser, l'odeur n'est pas si désagréable mais très "virile". En fait, elle renvoie à la violence, et si la guerre avait une fragrance, je pense qu'elle s'en rapprocherait fortement.Aussitôt, je rougis sous mon pelage ; je hume l'effluve d'une femme, cependant, je ne parviens à savoir si elle est humaine ou louve, curieux... pensé-je.
J'ai sûrement dû l'arrêter dans son ébat, car je sens une tension vis-à-vis de ma position lorsqu'il
m'observe.— Quel goujat! s'écrie ma louve.
Elle déteste les insultes de notre siècle.
Suite à sa courte inspection, il tente de s'approcher d'un pas mais je me mets à grogner, lui signalant qu'il n'a pas intérêt à faire quelque chose de regrettable.
Je ne ressens plus la peur, juste le désir incontrôlable de survivre.
Coûte que coûte je dois survivre. Pensé-je.
Je suis dos à lui, la queue entre les pattes et la tête baissée donc je ne peux pas le voir.
— Que fais-tu ici? demande t-il d'une voix profonde.
Son intonation fait frissonner tout mon être, tant elle semble une emprunte de haine, j'ai peut-être sous-estimée sa colère.
J'hésite a répondre mais fini par déclarer d'une voix mal assurée.
— Je... je... commencé-je hésitant, c'était juste pour me dégourdir les pattes.
Je m'arrête là avant de comprendre qu'il attend la suite de l'histoire.
— Je ne savais pas que d'autre loups vivaient ici... avoué-je au bord des larmes, et... ils m'ont coursés!
Il est sur le point de parler, mais je le coupe.
— Pitié ne me tuez pas! imploré-je, toujours avec cette peur de mourir.
— Pitoyable Lohana, s'amuse ma louve.
— Tais-toi Aura! l'intimé-je.
Je ne peux toujours pas bouger, mais je sens son regard sur la profonde entaille tracée le long de ma cuisse, là d'où s'écoule un liquide rougeâtre tachant mon pelage.
Que peut-il penser? Sûrement que je serai inapte à m'enfuir.— Regarde-moi, ordonne-t-il sur un ton froid et sec.
Sans contrôler mon corps, je pivote lentement vers lui toujours avec la tête baissée.
Une fois de face, je lève progressivement le museau.C'est effectivement un ÉNORME loup noir, aux yeux rouges.
Il me toise de toute sa hauteur, d'un regard mauvais. Je tente de fuir son regard tant le mépris se trouvant dans ses yeux est insoutenable.Finalement, rassemblant mes dernières forces, je pose enfin mes yeux azur sur ses prunelles rouges sang, et là, le monde s'immobilise, tous les bruits autour de moi disparaissent.
Le paysage devient flou, l'univers entier s'arrête comme pour nous laisser l'éternité à lui et moi.Puis son visage se détend, laissant apparaître
dans ses yeux une sorte de soulagement ce qui est l'opposé total de son regard précédent.— Que... que se passe-t-il? demandé-je à ma louve, totalement perdu.
Captif de mes yeux, il murmure « Mienne » à voix peu audible et oublie son aura.
Ma louve ne réfléchit pas à deux fois, et à peine l'aura disparue, elle prend possession de mon corps.Toutes mes douleurs ont étrangement disparues.
Je laisse là-bas l'énorme loup inconnu, de plus en plus loin derrière moi, redoublant la vitesse de peur qu'il ne me rattrape.— REVIENS IMMÉDIATEMENT! hurle-t-il d'une voix ahurissante qui raisonne dans ma tête et me glace le sang.
— C... comment peut-il me parler?! bégayé-je à Aura.
Elle ne me répond pas, trop occuper à éviter les obstacles et à courir vers la ville.
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Larmes de feu
Manusia SerigalaLohana menait une belle vie. Malgré le fait qu'elle n'ai jamais fait partie d'une meute et qu'elle ne connaisse pas grand chose à cette vie "sauvage", elle n'a pas peur de sa louve ou de son côté "bestiale" même si elle ne se transforme que rarement...