31- Négociations familiales

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En ce lundi matin, c'est sans surprise que je descends au rez-de-chaussée en traînant des pieds. J'ai encore dû me faire violence pour sortir du lit... Le weekend me manque déjà mais je me motive comme je peux en pensant aux vacances qui débutent mercredi.

En franchissant le seuil de la cuisine, je m'arrête net sous le coup de la surprise. Mon père est assis à table en train de prendre son petit déjeuner avec son journal. En soi, cette situation n'est pas dingue mais elle est tout de même assez rare à mes yeux pour être soulevée. En plus je ne l'ai pas vu une seule fois de tout le weekend. Il était encore en voyage d'affaire, je sais pas trop où. Je n'y apporte pas grande importance puisqu'il est tout le temps barré ailleurs. Son travail passe avant sa famille, c'est comme ça. Je m'y suis faite depuis le temps.

En m'avançant dans la pièce je constate que mon bol et mes céréales sont déjà prêts. C'est très probablement une attention de ma mère; j'apprécie. Je prends place dans le silence et mon paternel lève les yeux sur moi.

– Bonjour Cléa.

– Bonjour.. répondis-je en m'efforçant de rester zen en entendant mon véritable prénom.

– Ça a donné quoi ton entretien?

Oui ça va bien Papa, j'ai bien dormi et toi? C'est cool de demander!

– Ça s'est plutôt bien passé je crois.

– Comment ça "plutôt bien"? C'est oui ou c'est non! me reprend-il de sa voix autoritaire.

Je retiens un soupir pour ne pas encore le faire monter sur ses grands chevaux pour un rien, puis j'entreprends de lui raconter. Samedi j'ai en effet eu un entretien avec le patron d'une boutique de fringues dans le centre-ville pour bosser pendant les vacances. Il faut absolument que je réussisse à me faire de l'argent si je veux avoir un appartement l'année prochaine. À ce sujet, mes parents ne m'ont toujours pas clairement donné leur accord mais je prie chaque jour pour qu'ils adhèrent à l'idée. J'en peux plus de vivre dans cette maison. Malheureusement ce ne sont pas mes résultats scolaires qui vont leur donner envie de faire l'effort.. J'avais dit en début d'année que je bosserais cette année mais je n'en fais rien.. C'est vrai, j'assure pas sur ce coup là. C'est comme me tirer une balle dans le pied... mais je continue de garder espoir.

– Donc ça s'est bien passé! conclue-t-il de mon récit.

– En soi ouais, mais rien n'est fait. J'ai passé mon dimanche dans la paperasse avec Maman pour les autorisations parentales et tout le bordel...

Alors qu'il boit une gorgée de son café, les yeux de mon père se plissent et son air semble se durcir. Encore plus, je veux dire. Je rectifie.

– Tout le bazar... hum, mais la patronne ne m'a pas assuré d'être prise. En fait je le saurai quasiment au dernier moment, avant de commencer.

– D'accord. On verra bien alors. De toutes façons l'argent que tu gagnerais ne te serait pas d'une grande nécessité pour le moment, il n'y a pas d'urgence.

Ses yeux sont portés indifféremment sur son journal. Mes sourcils se froncent face à sa remarque.

– Ben.. si, quand même, je commence. Enfin, je vais avoir besoin de cet argent pour mon appart.

– Pour l'instant il n'est question d'aucun appart à ma connaissance

– Vous aviez dit que vous y réfléchiriez avec Maman! lui rappelai-je en tentant de garder mon calme.

– Et bien excuse-nous d'avoir d'autres priorités Cléa! dit-il en haussant d'un ton. Que je sache, aujourd'hui tu as un toit, de quoi te nourrir et des vêtements pour t'habiller, ton appartement peut bien attendre. Tu n'es même pas majeure.

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