IRL

59- "Je t'aime"

PDV Thibault

– Qu'est-ce que tu fais ici?

Sa voix est tout sauf affectueuse. Ça me laisse déjà penser que je suis bel et bien responsable d'une quelconque peine chez elle.

– Je suis venu pour toi, je dis.

– À cette heure-ci?

– .. Mieux vaut tard que jamais, fais-je en haussant les épaules alors que mes mains sont glissées dans mes poches.

Elle me fixe un temps. Je ressens le besoin de maintenir son regard. C'est elle qui baisse les yeux, finalement. Elle lève sa main jusqu'à sa bouche et je constate alors qu'elle fume. Ça m'horripile.

– Est-ce que... tu peux venir m'ouvrir? je demande en contenant mes arrières pensées.

– ... Rentre chez toi, Thibault, dit-elle d'un ton lasse.

– Non. J'ai besoin de te parler. Ça m'a déjà démangé toute la journée, tu peux pas savoir comment.

– J'en ai pas envie.

– J'insisterai, Léa.

– De toutes façons mon père ne veut pas de toi ici, me lance-t-elle.

Okay.
Je baisse les yeux sur son garage, sur ce qui l'entoure, puis sur son jardin. Rapidement je schématise.

– Peut-être que je pourrais te rejoindre là-haut? suggérai-je naturellement.

Elle me regarde longuement sans rien dire. Je crois qu'elle me prend pour un fou. Il y a de quoi, c'est vrai, peut-être...

– Thibault, non.

– Je t'ai déjà vue faire, je suis sûr que je peux le faire!

Mes mains quittent mes poches et je m'avance vers la voiture garée. Avant toute chose j'observe et analyse l'environnement, pour savoir où je mets les pieds et déjouer de potentiels pièges. Et enfin je me lance; monte sur le capot. Putain, son père me tuerait sur place s'il voyait ça. Mais il aurait raison pour le coup! Et mon père à moi, s'il me regarde de là-haut... il doit grincer des dents aussi. Mais là j'ai pas le choix! L'amour rend con, hein!

Une fois sur le toit de la voiture, je grimpe facilement sur le toit plat du garage. Léa, assise emmitouflée dans un plaid, me fixe avec... choc? Je souris en coin contre mon plein gré.

– T'es un vrai p'tit con, toi! m'insulte-t-elle. T'as conscience que tu viens d'escalader la voiture de mon daron?

Je ris à sa remarque. En réalité je sais qu'elle s'en fout complètement.

– Je suis un bad boy, tu sais bien, plaisantai-je en avançant vers elle. D'ailleurs mon cocard est toujours là pour le confirmer... bien que plus clair.

Je m'assois à côté de Léa. Au passage je jette un coup d'oeil par la fenêtre pour voir sa chambre à demi-éclairée par la lampe sur sa table de chevet. La porte est fermée, très bien.

Dans le silence, j'observe ma copine qui semble triste...

– Qu'est-ce qu'il y a? j'ose enfin.

Elle aussi attend plusieurs secondes. À mon contraire, elle ne me regarde pas. Elle fixe un point devant elle, je ne sais lequel.

– Rien, lâche-t-elle en haussant vulgairement les épaules.

– Il ne peut pas ne rien y avoir, Léa. Tu pleures. Tu fumes.

Son regard descend sur sa foutue clope. Comme lassée, elle l'écrase et la jette dans la cour de son jardin.