18- Retrouvailles

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Dans le silence, je remonte mes jambes sur mon matelas afin d'être assise en tailleur. J'attends que Raph commence. Après tout, c'est lui qui veut à tout prix parler.

Raconte-moi ta soirée.

... Hein? fais-je en haussant un sourcil.

Ben dis-moi. Est-ce que c'était bien? J'aimerais au moins savoir si elle a valu la peine que tu sortes en cachette.

Donc tu comptes jouer au con en fait? C'est ça le but de cette soi-disant conversation?

Non, c'est une vraie question. T'es allée voir qui?

Qu'est-ce que ça peut bien te faire? dis-je sur la défensive.

Je trouve que t'as changé. T'es plus la même qu'autrefois Léa.. J'aimerais savoir qui t'a changé.. Avec qui est-ce que tu traînes?

J'ai simplement grandi Raphaël! Trois ans se sont écoulés depuis que tu es parti je te rappelle. J'allais pas rester une gamine toute ma vie.

T'as pas simplement grandi, tu t'es assombrie. T'es sur la défensive quoi qu'on te dise et tu ne dis jamais ce que tu ressens.. On dirait que tu ne veux plus t'amuser; je ne te vois quasiment plus sourire.

Je garde le silence pour le laisser terminer son monologue. Bizarrement, alors que je pensais que cette conversation n'allait être que d'une stérilité extrême, voilà que je suis touchée face à ses paroles. Je n'étais pas prête à ce qu'il me dise tout cela.

Avant on était plutôt proches tous les deux, continue-t-il. Maintenant on se parle à peine. Quand je suis rentré des Etats-Unis on aurait dit que ça t'a fait que dalle, que tu t'en foutais royalement. Sur le coup, j'vais être honnête avec toi, j'étais blessé. Et puis, par la suite j'ai vu qu'en fait t'étais froide avec tout le monde finalement; j'ai vraiment pas compris.

Il laisse un silence qui me fait comprendre que c'est à mon tour de parler. Mes yeux sont baissés depuis déjà quelques secondes.

.. Que veux-tu que je te dise? dis-je d'une voix qui me surprend moi-même par sa faiblesse.

.. T'es malheureuse?

Malheureuse? Je ne sais pas si je suis malheureuse. En tout cas je n'ai pas le sentiment d'être heureuse. Est-ce que c'est possible d'être entre les deux? C'est vrai que ce sont deux extrêmes; je ne suis pas sûre que l'un ou l'autre me caractérise réellement...

Je n'ai pas d'ambition dans la vie. En cours je me fais royalement chier. Ma confiance en moi n'est que fiction. Je n'ai rien qui me fasse sortir du lot. Ma famille est à la limite d'éclater, si ce n'est déjà fait. En fait, je suis sur cette Terre sans but, sans chemin tracé. Mais d'un autre côté, j'ai un toit sous lequel vivre. J'ai de quoi manger et m'habiller. Et j'ai aussi quelques amis qui ont l'air de me supporter. Je ne pense pas être à plaindre. Comme on dit il y a toujours pire ailleurs.

Le bonheur et le malheur sont deux extrêmes beaucoup trop généraux je crois.

C'est de la merde ta question, Raph.

Elle n'est pourtant pas compliquée!

Putain mais j'ai pas envie de te répondre... parce que je sais pas quoi te dire! Oui c'est vrai, en trois ans je me suis construis une coquille et je ne veux pas qu'on la détruise. Je vois pas en quoi c'est gênant, tout le monde n'aime pas étaler ses sentiments, c'est comme ça. Accepte-le parce que ça changera pas!

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