45- "Oui"

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— Thibault?

— Mmh?

Enfin j'entends sa voix, c'est déjà ça. Mais il ne répond pas à ma question. Ou peut-être que si, finalement. Le fait qu'il parle peu en dit long, paradoxalement.

— Qu'est-ce qui ne va pas? je demande, véritablement préoccupée.

— ... Je ne sais pas.

En fronçant les sourcils, je tends plus attentivement l'oreille. Un bruit vaporeux recouvre sa voix. C'est le vent.

— Tu es dehors?

— Oui, répond-il.

— Où ça?

— Sur la place de la mairie.

— Okay, bouge pas, j'arrive.

— Léa je cr...

Je raccroche vivement. Pas besoin de l'écouter essayer de ma convaincre de rester ici, ma décision est prise. Rapidement je saute de mon lit pour aller enfiler des vêtements chauds. Une fois cela fait, je vais dans la plus grande discrétion ouvrir la fenêtre de ma chambre afin d'emprunter mon chemin secret pour quitter la maison sans que personne ne s'en rende compte. Lorsque je quitte la cour de chez moi, j'entame ma marche vers la mairie qui, heureusement, ne se trouve qu'à cinq minutes à pieds. J'essaye tout de même d'avancer à rapide cadence, d'une parce que je veux vite rejoindre Thibault, et de deux pour réchauffer mon corps qui menace de se congeler à tout moment. Pour le coup il n'y a pas de neige mais les températures sont bel et bien dignes d'un 25 décembre!

À une centaine de mètres devant moi, j'aperçois une silhouette sous un lampadaire. C'est lui. Mes petits pas s'accélèrent; son attention se porte sur moi quand j'arrive à lui. J'aimerais sourire car je ne l'ai pas vu depuis quelques jours maintenant, mais son visage triste m'en coupe totalement l'envie. Je me poste devant lui, nous nous contemplons mutuellement le temps d'un instant dans le silence.

– Alors t'es vraiment venue, dit soudainement le garçon triste.

– Tu ne m'en croyais pas capable?

Il laisse entrevoir un petit rictus et déjà ça me réchauffe le coeur. Mais il m'en faudra plus.

– Qu'est-ce qui ne va pas, Thibault?

Comme machinalement il regarde ailleurs. N'importe où, juste ailleurs, même sur le sol. Je prends alors l'initiative de lui prendre la main. Ce geste semble l'étonner mais il ne dit rien. Il me suit lorsque je le traine vers le banc quelques mètres plus loin.

– Tu ne veux pas me parler? demandai-je naturellement.

Il hausse les épaules.

– Pas de ça en tout cas. Pas maintenant.

– Très bien, parlons d'autre chose alors.

Il hausse les sourcils, cette fois.

– Sérieusement?

– Thibault, commençai-je en m'installant en tailleur tournée vers lui, j'ai fait le mur et marché cinq minutes dans ce froid de canard pour te rejoindre, c'est pas pour faire demi-tour au bout de trente seconde.

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