Chapitre 13 : La parole des dieux

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Deux ans et quelques mois plus tard, an 3142 de la cité de Lasiar.

Le ciel était bleu, la mer était calme. Assise au bord de la falaise, Mythia observait l'horizon, infini.

Quelque part sur l'eau, elle pensa apercevoir un bâton de bois. Un bâton de bois, c'est concret, c'est petit, et pourtant si précieux. Mais pourquoi était-il si précieux, ce petit bâton de bois ? La réponse, elle, était pourtant simple : c'est qu'il venait de loin, et qu'à Lasiar jamais rien n'arrivait de loin. C'est le vent qui l'avait poussé là, tel un présent. « Le futur est changeant », pensa-t-elle. Hier encore, Maria ne lui adressait plus la parole. À présent, voilà qu'elle s'apprêtait à rencontrer son étranger, ce dieu dont elle refusait de dire le nom.

Mais il n'y avait toujours rien. Un dieu, ce devait être capricieux. Il ne venait jamais quand on le lui demandait, et toujours lorsqu'on ne l'attendait pas. Soudain, elle sentit l'empreinte d'une main qui se posa sur son épaule. Elle se retourna, mais ne put apercevoir derrière elle que les roches noires et pointues parsemées de trous. Un frisson glacial la parcourut de haut en bas. Cette chose invisible était encore là, mais elle disparut aussitôt lorsqu'elle entendit un cri de protestation tout près d'elle. Mythia crut bien reconnaître la voix d'un homme.

— Toujours rien ! pesta-t-il. Pas un seul poisson en quatre heures ! C'est à croire que cet endroit est maudit !

On entendit le bruit d'une canne à pêche qui sortait de l'eau, sur laquelle on tirait avec force. Mythia se releva, et put apercevoir un pêcheur. À côté de lui se tenait un panier d'osier vide, ainsi que quelques appâts éparpillés çà et là. C'était un homme d'âge mûr, dans la quarantaine, les cheveux légèrement grisonnants cachés par un chapeau évasé aux allures étranges, de très mauvaise réalisation. Il lui sembla que ce pêcheur possédait un profil familier, avec son nez pointu, son regard sévère que l'on devinait à peine, et sa barbe d'un jour dont il ne prenait pas toujours le temps de s'occuper. Pendant un temps, elle hésita. Puis, se reprochant de lui, un mot lui échappa :

— Papa... ?

Cela faisait deux ans qu'elle n'avait plus pensé à lui, mais la vue de cet étranger avait soudain ravivé ses souvenirs enfouis. Deux ans qu'il aurait encore pu passer ici... Quelque part dans sa poitrine, un nœud se forma. Il se retourna, et l'espoir se dissipa aussitôt. Il ne lui resta plus à l'esprit qu'une vieille image qui s'effaçait. Le pêcheur prit le temps de l'observer des pieds à la tête, puis répondit :

— Je pense que vous me confondez avec quelqu'un d'autre.

Mythia soupira.

— Oui, bien sûr, pardonnez-moi. Ce n'est pas une chose qui m'arrive fréquemment pourtant, s'excusa-t-elle en essuyant une larme.

Il semblait sourire.

— Ne vous inquiétez pas. Je donne souvent cette impression, qu'on m'ait déjà vu quelque part.

Il lança à nouveau sa canne à pêche. Puis, voyant qu'elle ne bougeait pas, il continua :

— Vous voulez peut-être qu'on fasse la conversation.

Il parlait trop bien...

— C'est que je n'ai aucune autre idée pour me remonter le moral, expliqua-t-il. La pêche a été affreuse.

Sans réellement y penser, elle s'assied, et sa langue se délia d'elle-même. Mythia pensa que dans le pire des cas, il la prendrait pour une folle. Garder le secret n'avait pas d'importance.

— Je suis venue ici pour rencontrer un dieu. Autrement, je ne serais pas là. Je garde un très mauvais souvenir de cet endroit.

— Oui, bien sûr, comprend-il. Il n'est pas facile d'apprendre que notre mort est imminente, et qui plus est dans un endroit pareil.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant