Chapitre 27 : Espoir

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Tandis que les dieux se débattaient avec les portails du niveau six, Firaï, qui n'avait pas quitté la ville après s'être enfuie, s'était elle aussi laissée piéger par l'éruption du volcan. D'abord partie dans le ciel en direction du dixième niveau, elle était redescendue en hâte vers les étages inférieurs. Cependant, en voyant tous les dieux regroupés sur le niveau six, celle-ci n'osa pas descendre plus loin. C'est ainsi qu'elle se posa à l'entrée du labyrinthe, dont ils étaient tous sortis quelques minutes plus tôt. Se retrouvant ainsi au sol à ne plus savoir quoi faire, elle repensa à ce qui s'était passé plus tôt, à la conduite qu'elle avait pu avoir.

« Peut-être que je n'y ai pas assez réfléchi », pensa-t-elle. « Que me restera-t-il après ça ? » Préfère-t-on la compagnie de celui que l'on considère comme un monstre plutôt que la solitude ? Peut-être. Peut-être aussi que le temps arrangerait cela, qu'elle pourrait finir par pardonner, et peut-être même par oublier. Tous réunis en bas... le chemin n'était plus très long pour les rejoindre. Elle n'aurait qu'à demander pardon, qu'à dire qu'elle n'avait agi que sous le coup de l'émotion, qu'elle ne pensait pas ses mots. Firaï était à deux doigts de baisser les bras pour aller les rejoindre lorsqu'elle entendit sa voix.

— Tout ça, c'est de la faute d'Hadès, ce prétentieux dieu de la mort, et de ce monstre, cette moins que rien, Mythia ! Je vous poursuivrai autant de temps qu'il le faudra ! Jusqu'à ce que la souffrance des enfers ne soit rien en comparaison de ce que je vous aurai fait endurer !

Firaï, alertée, chercha le lieu d'où provenait la voix, et aperçut Satian. Le mangeur d'âme à moitié encastré dans la pierre se débattait pour sortir. En entendant ces mots, dans l'esprit de celle-ci, le désir de pardonner s'effaça.

— Qui es-tu ? demanda-t-elle en s'avançant vers lui à grands pas.

Satian la dévisagea. Pour lui, elle était jeune fille à peine sortie de l'enfance, avec une expression sévère et un regard qui en disait long sur toutes les épreuves qu'elle avait pu traverser. C'est ce qu'il pensa la première fois qu'il la vit : un pion plutôt facile à manipuler.

— Je suis Satian, lâcha-t-il avec dédain, ancien roi de Lasiar, et je maudis volontiers les dieux et tous ceux qui se disent être leurs amis !

Il cracha à terre devant elle. Firaï pensa que le roi avait dû perdre sa politesse en même temps que son trône et sa liberté. Sûrement était-ce une nouvelle forme de délivrance, que de cracher volontiers sur le monde, se moquant bien des convenances et de ce que l'on pourrait dire.

— Tu désires la défaite d'Hadès et Mythia, observa-t-elle, sérieuse, voyant en lui une opportunité.

— On peut pas dire plus vrai, grogna-t-il. C'est à cause de ce dieu que je suis enterré ici, et ce monstre qui le suit m'a pris mon fils.

« Le mangeur d'âme, ce doit être lui », pensa-t-elle. « Celui qui a fait disparaître Théophile... » Mais non, la faute n'était pas la sienne. Ce n'était qu'une vengeance contre son père, tout comme celle qu'elle désirait elle-même. Mythia aussi, en réalité, était fautive. Plus qu'un silence, elle avait approuvé Hadès. C'est ainsi qu'à travers la haine de Satian, venant nourrir la sienne, elle prit sa décision.

— Nous avons des ennemis communs, remarqua-t-elle posément. Si tu m'aides dans ma vengeance, roi déchu, je t'aiderai aussi dans la tienne.

Satian eut un rire mauvais, grave et forcé. Dans d'autres circonstances, Firaï l'aurait sans doute fui aussi loin qu'elle pouvait, mais en cet instant précis ce rire parvint à lui faire décrocher un sourire.

— J'aimerais bien. Mais je serais curieux de savoir comment tu comptes t'y prendre pour me sortir de là.

Firaï refusa de se répandre en explications, et agit. Sous les yeux de Satian, elle fit brûler la roche sous ses pieds un peu maladroitement, atteignant par moment ses vêtements, l'air s'imprégnant d'une odeur de roussi. « Cette petite sera bien plus utile que je ne pouvais l'imaginer », pensa-t-il. Lorsqu'elle s'arrêta, les jambes calcinées de Satian enjambèrent une à une le trou dans lequel elles avaient été mises. Les cellules de sa peau se régénérèrent.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant