Chapitre 18 : LUI

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Etirev était parti. Il ne reviendrait plus. Cordelia le savait. Cet air si sombre sur son visage, si lointain, lorsqu'il l'avait quittée la dernière fois. Cachait-il un secret ? Un amour perdu ? Un passé rempli de drames et de mystères qui serait devenu trop lourd à porter ? Sûrement, ce genre de choses était possible, n'est-ce pas ? Après tout, LUI n'avait-il pas fini par faire partie intégrante de sa vie ? LUI n'avait-il pas réussi à la briser corps et âme ? LUI n'avait-il pas...

Cordelia appuya sa main contre son front, fermant les yeux avec insistance. « Sors de ma tête ! » cria-t-elle intérieurement. Elle s'assit et pleura, essayant par moments de faire disparaître les larmes qui se formaient près de ses yeux, sans succès. Ils ne devenaient alors que plus rouges, plus pétillants. « Non », pensa-t-elle. « Il faut que j'arrête de pleurer. Il aime bien me réconforter lorsque je suis en train de pleurer. »

C'était donc cela. Il continuait à la torturer, même lorsqu'il n'était pas là, hantant son esprit : une voix lointaine et proche à la fois. Une présence, un souffle d'air chaud dans sa nuque, et ces mêmes paroles répétées en boucle, comme une vérité : « J'obtiens toujours ce que je désire. »

Pause dans son esprit, et retour au décor. Cordelia finit d'éponger le front d'Héliodore, et trempa à nouveau son morceau de tissu dans de l'eau bien chaude. Elle en profita pour se le passer sur le visage, et tenter de faire croire que le contour de ses yeux rouges était dû à l'eau chaude. « Il ne doit pas savoir pourquoi je pleure », pensa-t-elle.

Héliodore toussa, et se retourna sur le côté en direction de sa femme. Il l'observa un moment, avec ses petits yeux à moitié fermés, le teint pâle et le front mouillé de transpiration.

— Tu es triste, lança-t-il. Y a-t-il quelque chose qui ne va pas, mon amour ?

Il était si faible, pensa-t-elle. Comment pourrait-elle lui avouer une telle chose ?

— Non, rien, répondit Cordelia. Ce n'est rien. Et puis, nous avons d'autres soucis en tête, tu ne crois pas ? Cette maladie que tu as attrapée... je suis certaine que nous finirons par trouver un remède. Oui, tout se passera très bien, tu verras.

Elle n'y croyait plus elle-même.

— Tu sais bien que non, contesta-t-il. J'ai entendu des rumeurs. Lorsque le médecin est venu, il m'a annoncé que mon cas avait commencé à se propager, un peu partout à Siansa. Une fièvre qui n'en finit plus. Des maux de tête, des vomissements fréquents...

Héliodore fut interrompu dans sa phrase, se mettant à tousser de plus en plus fort. Elle entendit un râle provenant de l'intérieur de sa gorge. Quelques instants plus tard, portant la main à sa bouche, celle-ci fut aspergée par une giclée de sang. Il fronça les sourcils, encore plus affaibli, puis poursuivit :

— Tout ça ne peut pas être une coïncidence. Cordelia, tu ne devrais pas rester auprès de moi comme tu le fais.

— J'insiste, affirma-t-elle sûre d'elle.

Pourquoi se priver de rester près de lui, et éteindre la dernière lumière qu'il lui restait dans sa vie ? Non. Après tout, LUI ne lui avait-il pas assuré qu'aucune maladie ne l'atteindrait, qu'aucune blessure ne pourrait venir apparaître sur sa peau douce et tendre, que la mort elle-même la fuirait aussi longtemps que cela serait son désir ? Alors non, elle ne le quitterait pas, pas pour ce simple prétexte.

Cordelia jeta un coup d'œil à la bassine d'eau posée près du lit, qui commençait dangereusement à se vider, puis se tourna vers Héliodore.

— Je dois y aller, mon amour. Ne t'inquiète pas, je reviendrai vite. Le conduit d'eau le plus proche n'est qu'à une demi-heure de marche.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant