Chapitre 17 : Les souvenirs perdus du Léthé (Partie 2)

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Bien sûr, pensa-t-elle. En apprendre bien plus que dans ses rêves... Les paroles de Firaï prirent tout leur sens. Mythia s'assit au bord du fleuve. Firaï en fit de même. D'abord, elles ne dirent rien. D'un côté, Mythia redoutait l'instant où elle ferait face à l'une de ses plus grandes peurs, et de l'autre, Firaï se demandait de quelle manière elle allait pouvoir formuler sa requête. Après un certain temps, c'est elle qui finit par briser la glace, venant troubler le silence qui s'était installé entre les deux jeunes femmes :

— Il est dit que si l'on boit l'eau du Léthé, tous nos souvenirs seront effacés, conta Firaï. Cependant, il est une chose que l'on ne dit pas : dans certaines circonstances, quelques-uns de ces souvenirs peuvent être à nouveau révélés.

— Et il ne révèle que ceux des personnes présentes ? interrogea Mythia.

— Oui, mais pas n'importe quels souvenirs, expliqua-t-elle. Seulement ceux qui ont eu de l'importance, qui nous apportent des éclairages sur notre identité. Il te suffit simplement de prendre un peu de son eau au creux de ta main.

Mythia observa le fleuve, comme s'il s'agissait de son plus grand ennemi.

— Je ne veux pas savoir, avoua-t-elle. Je ne veux pas savoir ce qui se cache dans mon passé.

Firaï se tourna vers elle, surprise. Ce n'était pas le passé de Mythia qui l'intéressait. Elle pensait déjà le connaître bien assez. Cependant, cette simple phrase l'intrigua.

— Tu as peur ? s'étonna-t-elle.

Mythia se recroquevilla sur elle-même, et Firaï ne put s'empêcher de rire.

— Hadès aurait-il fait un mauvais portrait de toi ? Une fille qui n'a jamais eu peur ni de la mort, ni de la destruction, ni de rien d'autre de toutes ces choses affreuses qui hantent nos cauchemars aurait donc peur d'elle-même ?

— Nous avons tous peur, rétorqua-t-elle. Dans ma vie, je n'ai jamais véritablement redouté que deux choses. Et pourtant, crois-moi, chacune de ces deux frayeurs peuvent bien valoir toutes celles qu'ont pu ressentir les autres. La première, tu viens de la découvrir. C'est pour cette raison que je n'ai jamais osé regarder mon reflet, jamais, pas une fois. Quant à la deuxième, je préférerais subir tous les maux de la terre plutôt que d'y être confrontée.

Firaï baissa les yeux, compatissante, prête à dévoiler ses secrets. « C'est le moment », pensa-t-elle. « Je dois lui dire. »

— Dans ce cas, je ne te ressemble pas vraiment, se lança-t-elle. Je voudrais savoir. Mais tu es déjà au courant, n'est-ce pas ? Depuis ce jour où j'ai regardé mes parents adoptifs brûler, comme tous les autres orphelins avant moi je suppose, j'ai toujours cherché à savoir d'où je venais.

Son regard se perdit dans le vide, et Mythia eut de plus en plus de mal à discerner l'endroit où pourrait se cacher la Mère des Cendres, dans une âme aussi vertueuse que la sienne.

— En voudrais-tu à ton parent divin ? demanda Mythia, intriguée.

— Non, confia Firaï, comme s'il s'agissait d'une révélation pour elle-même. Non, je ne lui en veux pas, répéta-t-elle. C'est étrange, non ?

— C'est peut-être dû au fleuve Léthé, observa Mythia. Il nous fait révéler tout ce que nous avons sur le cœur, bon ou mauvais, sans nous en rendre compte.

— Oui, répondit Firaï, peut-être.

Mythia pria intérieurement pour qu'elle arrête de parler, devinant ce qui allait suivre.

— Je voudrais que tu m'aides à comprendre les voix de mon passé, demanda-t-elle. Avec ton don, tu pourrais y arriver. Hadès l'a dit...

— Ce n'est que son opinion, la coupa Mythia, en espérant la dissuader.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant