Chapitre 21 : La vengeance de l'homme à l'aigle

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Les trois derniers jours qui lui avaient été accordés étaient passés. Depuis sa précédente découverte sur Firaï, Mythia avait fait tout son possible pour éviter le dieu des morts. Chaque fois qu'il avait essayé de l'aborder, celle-ci s'était contentée d'être froide et glaciale, si bien qu'il en avait conclu une forte haine de sa part. Sans doute était-ce ce qu'elle désirait ressentir, sans réellement comprendre pourquoi.

La vérité finirait par éclater, et ce n'était plus qu'une question d'heures. Quoi qu'il puisse se passer, Mythia découvrirait qui était la Mère des Cendres, même si elle connaissait déjà la réponse. Elle repensa à tout ce qui avait jamais importé pour elle. L'étrange sourire de Maria, sa volonté absurde de découvrir ce qui se cachait derrière chaque sous-entendu, Etirev... Étrangement, parmi tous les souvenirs de sa vie sur terre, il paraissait le moins lointain, comme s'il ne l'avait jamais quittée. « Même l'enfer me manquera, s'il est encore possible que je m'en souvienne après. » Les jardins fleuris de Perséphone, les fleuves à la fois apaisants et terrifiants, Firaï et ses guerriers des ombres, même Charon, le passeur au caractère irritant, et, bien sûr...

Elle ne pourrait plus y échapper bien longtemps. La nécessité, pour lui, et pour elle. Il faudrait qu'elle aille lui parler pour lui avouer son échec. Ce ne serait qu'un demi-mensonge, mais un mensonge quand même. Car la vérité était que, même sans preuve, Mythia demeurait la Mère des Cendres. Cela expliquait tout à la fois : le nom qu'elle portait, l'étrange attitude d'Hadès et des divinités infernales, et même son intelligence précoce. Mythia n'avait jamais été enfant à Lasiar, car c'était un stade qu'elle avait dépassé depuis bien longtemps.

Elle était presque persuadée qu'Hadès en avait eu autant l'intuition qu'elle. Il en était de même pour Thanatos et Macaria, même si elle s'étonnait qu'ils n'aient rien tenté contre elle, bien au contraire. Sans doute avaient-ils compris qu'elle n'était plus un danger et qu'elle ne possédait plus aucun pouvoir. Peut-être même avaient-ils essayé d'en convaincre Zeus sans y parvenir. Il était bien des conversations divines qui échappaient au regard des simples mortels.

Mythia s'arrêta un instant, ses yeux fixant le vide. Attendre encore ne servirait plus à rien. Elle fit donc un adieu à ce qui pouvait lui rester de vie dans la mort, et se résolut à trouver le roi des enfers. Lorsqu'elle entra dans le Champ de Vérité, lieu où étaient jugées les âmes, Hadès s'entretenait avec Perséphone, et Mythia remarqua l'absence des juges des morts : Minos, Rhadamante et Eaque. À l'instant même où il aperçut sa présence, Hadès se retourna vers elle, n'accordant plus aucun intérêt à Perséphone. Elle comprit qu'elle venait d'interrompre une conversation importante.

— Laisse-nous, ordonna-t-il, faisant un geste de la main à sa femme.

Perséphone partit à contre cœur, lâchant quelques derniers mots à l'intention d'Hadès :

— Puisse Zeus ne jamais découvrir ce que tu prépares, ou je ne donne pas cher de ton avenir.

Mais de quoi pouvait-il donc bien s'agir ? Instinctivement, Mythia pensa à une rébellion contre Zeus. Mais Hadès irait-il réellement à l'encontre de ses principes ? Trahirait-il cette dette qu'il disait avoir envers lui ? Elle ne pouvait pas y croire, et pourtant, qu'y avait-il d'autre à penser ?

Une fois que Perséphone eut quitté le Champ de Vérité, Hadès se dirigea à grands pas vers elle, qui s'attendait à quelques rebondissements de leur dernier face à face. Cependant...

— Es-tu toujours en colère ? demanda-t-il.

Ce furent ses premiers mots, et en dépit de tout ce qu'elle avait pu lui dire, de l'attitude froide et distante qu'elle avait eue envers lui, pas une seule réprimande ne lui avait été adressée. Seulement un message de paix. Sans doute avait-il compris le fonctionnement de l'arme la plus terrible qui soit. Recevoir le pardon, c'était pour elle une chose encore bien plus horrible que de se faire mépriser, car celui-ci la forçait à éprouver de la culpabilité, la rongeant un peu plus chaque jour de l'intérieur, la forçant à se poser sans cesse cette même question : « Pourquoi ai-je fait cela ? »

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant