ALTHÆA - T.1 - La Mère des Cendres

Chapitre 22 : Révélations

— Ainsi, la Mère des Cendres est morte, présuma Perséphone.

— Oui, mentit Mythia. Elle l'est.

La reine des enfers haussa un sourcil, puis vint griffer un peuplier blanc qui se trouvait tout près d'elle dans son jardin, lui arrachant son écorce dans un horrible bruit. Elle fixa Mythia.

— Crois-tu qu'après toutes ces années d'existence, je ne sache pas reconnaître ceux qui me mentent de ceux qui me disent la vérité ?

Sa voix était aussi froide que la glace, et ses yeux semblaient lui lancer des lames acérées. Tandis que Perséphone s'avançait vers elle d'un pas assuré, Mythia recula d'un pas.

— Leucé, chère Leucé, répéta la reine infernale de manière détachée, en observant le peuplier blanc. Elle aussi a essayé de me prendre ce qui m'était le plus cher. J'ai été clémente. Je lui ai permis de servir de décoration à mon jardin.

Son regard se retourna vers Mythia.

— Jamais aucune n'a su parvenir à ses fins, clama-t-elle. Hadès est mon roi, et celui de personne d'autre. Toutes ces années durant, je l'ai soutenu, j'ai apaisé ses peines, peines dont j'ai tout fait pour oublier la provenance jusqu'à ce que la cause de celles-ci vienne se présenter devant moi.

Perséphone vint poser sa main sur le visage de Mythia, son pouce venant appuyer sur sa joue dans un geste extrêmement désagréable. Elle l'observait de bien haut, dégoûtée par ce qu'elle voyait. En cet instant, Mythia ressentit une profonde pitié pour Perséphone, mêlée à de la crainte. Faisant la part des choses dans son esprit, elle tenta de trouver les mots justes.

— Pourtant, si vous l'aimez, ne feriez-vous pas tout ce qui est en votre pouvoir pour qu'il retrouve l'objet de son bonheur ?

Perséphone relâcha soudain l'emprise de sa main sur son visage, et son regard commença à se détacher d'elle. Une brûlure profonde avait eu lieu dans cet esprit, que Mythia avait pu apercevoir. Une fois encore venait peser le fardeau du choix. Mais ce choix n'était pas le sien, et tandis que Perséphone s'éloignait lentement d'elle, Mythia fit son propre chemin. Un court un instant, elle se retourna vers elle, entrouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Sans doute était-il déjà trop tard pour elle.

Hadès. Ce nom ne cessait de revenir ces derniers temps, prononcé par les autres, prononcé par elle-même, parfois seule, tourmentant ses pensées. Depuis que Cordelia était morte, Mythia avait fait tout son possible pour éviter de penser à lui plus encore qu'elle ne le faisait déjà. S'il lui arrivait parfois de le croiser, elle se contentait d'un simple signe de tête. Cela faisait à présent cinq jours, cinq jours qu'elle avait enfin renoncé à sa haine, et qu'elle était à la recherche des bons mots. Elle devait trouver une explication à tout cela, à tout ce qui avait pu se produire depuis qu'ils s'étaient rencontrés pour la première fois.

Plus le temps passait, plus la réponse commençait à prendre forme, toujours plus proche, toujours plus précise. Il ne lui restait alors plus qu'à aller le voir, et lui parler : lui parler de ce premier soir, dans cette ruelle sombre, où il l'avait serrée si fort à lui en faire mal de peur qu'il ne lui arrive malheur ; puis de son arrivée en enfer, où, à moitié ivre d'épuisement, son esprit ne souffrant plus d'aucune retenue, elle avait osé le serrer fort contre elle. Enfin, elle lui parlerait de ce calme déconcertant, chaque fois qu'elle tentait de le provoquer, et de repousser au plus loin ce que lui dictait son cœur. Ô dieux ! cœur atroce que celui-ci, toujours sourd à ce que pouvait implorer l'esprit ! Aujourd'hui ils se réconciliaient enfin.

Mythia aurait dû savoir depuis le départ, qu'après qu'Etirev ait disparu de sa vie, sa présence avait été remplacée par un autre, qui lui aussi savait qui elle était, et qui mieux encore avait su voir plus loin. À présent, le doute qui s'était installé en elle devenait infime : son nom était Mythia Theόs, réincarnation de l'héritière d'un trône oublié depuis des temps immémoriaux, sur les ruines du Mont Othrys. Plus tard, on la surnomma également la Mère des Cendres, suite au paysage dévasté qu'elle avait laissé derrière elle.