Chapitre 19 : Le secret des guerriers des ombres

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— Et voilà, enfant, nous sommes arrivés, annonça Hadès. L'enfer.

Cordelia posa un premier pied à terre, hésitante, puis y aventura le deuxième. Le sol était chaud et dur, et le vent était absent. Elle commença à s'éloigner du dieu de quelques pas, puis fit marche arrière, se retournant vers lui.

— Que dois-je faire à présent ? Retrouverai-je Héliodore? demanda-t-elle, pleine d'espoir.

— Il ne conversera pas avec toi, reprit-il d'un ton dur et sévère. Pourquoi le voudrait-il alors que tu as décidé de venir ici ? Ne désirait-il pas que tu restes en vie là-haut ? Les morts n'aiment pas. Ils ne peuvent que se souvenir, et il ne me semble pas qu'il t'appréciait au point de réellement y accorder de l'importance.

Une larme échappa à Cordelia.

— Pourquoi êtes-vous si cruel ?! cria-t-elle. J'ai tout quitté pour vous rejoindre, et c'est comme ça que vous me remerciez ?

— N'est-ce pas plutôt ce tout que tu dis avoir quitté, que tu espérais retrouver en me suivant ? Tu n'as fait que poursuivre ce que tu pensais être ton intérêt. Et la cruauté, après tout, qu'est-ce que cette chose dont tu m'accuses ? N'est-ce pas plutôt la vérité que tu dénigres à travers ces paroles ? Il est toujours plus facile, pour vous autres humains, de blâmer celui qui a le malheur de la prononcer. Je ne mens pas, c'est un fait. Peut-être est-ce pour cette raison, finalement, que l'on me dit cruel. Quoi d'autre encore ? Je suis juste. L'Homme a toujours besoin d'être injuste avec certains pour être pleinement contenté. Alors oui, je suis intraitable. J'inspire la crainte, le jugement, le châtiment, et tout ce que tu voudras d'autre. Pourtant, jamais je ne me permettrais de recevoir les accusations d'êtres tels que toi, qui n'accordent jamais d'autre intérêt à la vie que celui qu'ils ont pour la leur.

Cordelia se sentit dépérir, partie en pensant profiter de l'ignorance d'un dieu, découvrant à quel point la sagesse était un précepte qui lui était étranger. Elle s'assit et pleura, se demandant s'il n'aurait pas mieux fallu qu'elle meure là-haut, plutôt que d'accepter de descendre ici-bas vivante. Elle prit une pierre tranchante au creux de sa main, dans un dernier espoir de repentir. Cependant, la seconde qui suivit, celle-ci disparut.

— Tu ne mourras pas, enfant, clama-t-il. Nous avons passé un pacte, ta vie est précieuse à mes yeux.

— Et pourquoi ?! cria-t-elle.

— Je pourrais bien demander aux Erinyies de te tourmenter pour toujours à cause des mots que tu viens de prononcer. Mais je n'en ferai rien. Crois-moi, tu sauras bien assez tôt pourquoi.

Il l'empoigna par le bras.

— Lâchez-moi ! hurla-t-elle.

Hadès ne céda pas, et la traîna derrière lui d'un pas décidé. « Cordelia n'aura que tout ce qu'elle mérite », pensa-t-il. « Je n'ai aucun regret sur ce que je m'apprête à faire. Après tout, ne l'ai-je pas laissée vivre uniquement pour son visage ? » Cordelia finit par arrêter de se battre. Tandis qu'elle s'attendait à se retrouver enfermée dans le tartare, Hadès la conduisit près des Champs d'Asphodèle. C'est là qu'elle se retrouva en face du fantôme qui l'avait hanté depuis ce fameux soir. Mythia se trouvait à seulement à quelques pas d'eux. Elle se retourna, et son regard vint transpercer le sien, bien plus foudroyant encore que les paroles d'Hadès, prolongeant inexorablement sa chute.

— Qui est-ce, Hadès ? demanda Mythia. Encore un autre membre d'équipe ? Ne penses-tu pas que j'ai déjà assez à faire avec la mission que tu m'as confiée, pour en plus devoir accueillir tes invités ?

Cordelia fut aussitôt frappée par la facilité qu'elle avait de s'adresser à lui. Si jamais il lui arrivait de faire de même, saurait-elle imaginer quel pourrait être son châtiment ?

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant