Chapitre 20 : L'enfant d'Hadès

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Mythia continua de s'enfoncer à travers les Champs d'Asphodèle, marchant parmi les spectres des morts, âmes vouées au tourment éternel, condamnées à ressasser leurs fautes passées. Plusieurs fois, elle crut retomber dans ce premier cauchemar qui l'accueillit à son arrivée, mais elle était à présent belle et bien morte, et l'étrange atmosphère du lieu ne l'affectait plus. Elle chercha en vain une voix parmi la foule, qui viendrait la conforter dans son idée.

Ce lieu était bien trop grand, interminable, abominablement triste et macabre. Il fallait en sortir, mais pas sans aucune piste. Mythia se mit alors en travers du chemin d'un jeune garçon, qui lors de sa mort, certainement, ne devait pas avoir plus de douze ans.

— Toi. Dis-moi, comment dois-je faire si je cherche quelqu'un ?

Il lui répondit, avec un automatisme dérangeant :

— Demande à Thanatos et Macaria. La mort fatale et la mort heureuse te répondront.

Mythia écarquilla les yeux, puis quitta les Champs d'Asphodèle. Thanatos, la mort en personne, et Macaria, la déesse de la mort heureuse. Mythia redouta de les voir en personne. Pourquoi ? En cet instant même, la raison lui échappa. Peut-être était-ce le fait que leurs deux noms aient été prononcés ensemble, comme s'ils étaient indissociables.

Elle s'avança près de l'Achéron, autre fleuve infernal où passait Charon, seul cette fois-ci. Sûrement devait-il être sur le chemin du retour, allant chercher de nouveaux morts pour remplir sa barque étroite.

— Attends ! l'interpella-t-elle.

Le vieillard infatigable et cupide stoppa son embarcation, et l'approcha du rivage.

— Qu'y a-t-il, très chère ? demanda-t-il sur ce ton si particulier qui reflétait son avarice.

— Peux-tu me conduire auprès de Thanatos et Macaria ? demanda-t-elle.

Charon fit la moue. Mythia entendit le craquement de ses os qui s'entremêlaient. Il lui sembla que cela traduisait chez lui un sentiment de frustration.

— C'est que, voyez-vous très chère, répondit-il, le seigneur Thanatos et Macaria se sont rendus chez les Moires, Clotho, Lachésis, et Atropos, sur l'ordre d'Hadès. Je pense qu'il avait besoin de plus de clarté sur le nombre de boucles de fils immortels présents chez elles. Chaque boucle étant un cycle éternel, elle représente la vie d'un dieu. Sûrement avait-il l'espoir que celui de sa sœur soit encore entier.

— Sa sœur ? interrogea Mythia, curieuse et intriguée.

Charon sembla s'étonner de sa réaction.

— Oui, bien sûr, sa sœur, mais il sait depuis longtemps qu'elle ne reviendra pas. J'ai bien tenté de lui dire et de lui répéter pendant toutes ces longues années, mais il ne veut toujours rien entendre. Il reste persuadé qu'elle est encore en vie, quelque part. Faut-il être fou ? Ni sur terre, ni en enfer lui ai-je dit. Elle a simplement été détruite. Zeus aussi, ma foi, a gardé aussi peu de sens que son frère. Il est persuadé qu'il est de son devoir de l'anéantir. Mais qu'a-t-elle fait, en somme, si ce n'est pleurer pour la mort de son père ? Elle aura bien été la seule, ma foi. Son trop grand chagrin a déclenché ses pouvoirs. Pauvre enfant. Ne pouvant plus les contrôler, que croyez-vous qu'elle a dû être obligée de faire ? Hein ? Que croyez-vous ?

Mythia fut captivée par le récit de Charon. « Encore une autre version de l'histoire », pensa-t-elle.

— Comment le saurais-je ?

— Elle s'est donnée la mort, tout simplement, clama-t-il. Et c'est de la seule faute de son chagrin que Zeus l'a faite connaître partout à travers le monde sous un autre nom. Une enfant innocente et pure, qui par malheur venait de découvrir toute l'horreur de la guerre. Était-ce donc tant mérité de lui offrir ce titre ? Était-ce tant mérité de l'appeler par ce nom, la Mère des Cendres ?

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant