Chapitre 11 : La proie des ombres

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Je vais mourir. Mais ça, je le sais depuis longtemps. Je crois plutôt simplement que cela arrivera avant la catastrophe. Intuitivement, j'ai toujours su que j'allais mourir jeune, que je ne pourrais rien y faire. J'ai vécu ma vie plus rapidement que je l'aurais dû, pensant déjà comme une adulte avant de pouvoir découvrir que l'enfance existait. Maria dit qu'elle a rencontré un dieu. Je ne la crois pas. C'est ce que ma raison me dicte. Pourtant, je voudrais que ce soit vrai. Ce dieu pourrait la sauver s'il le voulait, l'emmener loin d'ici.

Depuis qu'Etirev m'a sortie de cette grotte, une présence me suit partout où je vais. Jusqu'à aujourd'hui, je préférais ne pas y penser. J'y associais simplement un sentiment désagréable. Mais quand les années ont passé, elle a persisté. Je la ressens dans un souffle de vent, dans les feuilles qui forment des tourbillons dans le sol, dans les recoins d'ombre, qui m'observe et se retire dès que mon regard se tourne vers elle. Je la sens parfois qui me traverse, qui essaye de rentrer en moi, de prendre le contrôle de moi. Je me rappelle encore de ce jour où j'ai vu mon bras se lever sans que je lui en commande l'ordre, comme s'il s'était soudain détaché du reste de mon corps. J'ai bien essayé d'oublier, mais je ne peux pas. Non, je ne peux pas, car je sais qu'il est là. Je le sens encore tout prêt de moi qui m'observe, qui semble vouloir me toucher sans jamais y parvenir...

Elle s'arrêta soudain d'écrire, et se retourna. Comme toujours, il n'y avait rien. Elle vint s'asseoir sur son lit, la tête entre les mains, son cœur battant toujours avec la même vigueur. C'était la peur de mourir. Elle ne l'avait jamais quittée depuis huit ans. Mythia se rappela les paroles d'Etirev. On meurt tous un jour, et il faut savoir profiter du temps qui nous est donné. Oui... tout le monde le sait. Mais si l'on connaît l'instant de notre mort, cela ne change-t-il pas tout ?

Elle serra les draps contre elle, et les déchira légèrement avec ses ongles, fermant ses paupières avec force. Son poing frappa le sommier, lui arrachant un cri de douleur. Bouger constamment ne servait à rien. Il fallait aller plus loin que personne d'autre en plusieurs millénaires, et franchir les barrières qui leur avaient été imposées. Mythia se releva. Désormais, il faisait nuit. Elle attrapa une cape qu'elle se mit sur le dos, puis partit. Si cette présence était vraiment là, alors elle n'aurait plus peur de se manifester dans le noir. Il fallait faire face et toujours chercher la vérité, même si l'on ne désirait pas la connaître. C'est elle qui apporterait la réponse.

Après avoir marché un long moment dans Noblia, elle se retrouva dans une ancienne ruelle, qui ne devait pas avoir été empruntée depuis plusieurs centaines d'années, éclairée faiblement par la lumière de la lune. Étrangement, Mythia n'avait jamais eu peur de l'obscurité. Elle en avait même fait son amie, car il était très facile de s'y cacher. C'est pourquoi la seule chose qu'elle pouvait craindre était de ne pas voir dans l'ombre ce qui serait plus fort qu'elle. Dans cette ruelle sombre, on pouvait entendre le bruit du vent qui soufflait, lui ayant toujours fait penser au souffle des morts. Celui-ci cessa brutalement. Il commença à régner un calme plat dans lequel disparut le moindre petit bruit.

Soudain, Mythia sentit deux bras l'empoigner fermement, une main plaquée contre sa bouche. Sa jambe droite vint heurter la pierre un bref instant. Malgré tous les soins qui avaient été pris, la douleur revint à travers sa vieille blessure, plus violente, et l'étranger dut resserrer son étreinte encore plus fort pour ne pas que ses cris se fassent entendre.

Mythia ne pouvait plus bouger. Elle ne le voyait pas, mais il était là. Pendant un instant, elle crut qu'il s'agissait de cette présence qui lui avait tant fait peur pendant toutes ces années. Bizarrement, quand cet étranger était apparu, celle-ci semblait être partie aussitôt. Puis elle entendit sa voix, et ses soupçons furent aussitôt dissipés, tout en en rencontrant de nouveaux. Il chuchotait, mais son ton était aussi dur que l'acier, et sa voix si profonde qu'elle faisait penser aux tréfonds de la terre :

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant