Chapitre 7 : La malédiction de la connaissance

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« Mais... je suis toujours là. Pourquoi ? Comment ? Par un miracle ? Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais suspendue dans le vide, et j'ai crié jusqu'à ce que je remarque que quelque chose me tenait le bras gauche, ou plutôt quelqu'un, car j'entendais son souffle fatigué. Sa voix me parvint aux oreilles, vieille, profonde et grave :

— Donne-moi ton autre main !

Je ne dis rien. Je me contentai d'obéir, et rassemblai mes dernières forces pour tendre mon bras droit et le lui donner. Il réussit à trouver l'énergie pour me tirer en haut. Heureusement que je ne suis pas encore très grande. Je pense que ç'aurait été dur autrement. Une fois que je me crus hors de danger, je commençai à reprendre mon souffle. J'étais vivante ! C'est tout ce qui importait pour moi. Mais ce n'était pas fini... Lorsque je me décidai à relever la tête, j'aperçus le visage de mon sauveur. C'était un maigre vieillard, avec une longue barbe. Mais ce qui attira le plus mon attention chez lui, au premier regard, c'étaient ses yeux, d'une clarté si extrême que l'on aurait pu le croire aveugle, et qui m'observaient, terrorisés et impatients.

— Relève-toi maintenant ! cria-t-il. Il faut qu'on parte ! Tout de suite !

Mon cœur martela ma poitrine. La mort était toujours proche. Je commençai à prendre appui sur mes mains pour me redresser, bien que la douleur me fasse grimacer. Quand ce fut le tour de mes jambes, cela me devint absolument impossible. Le moindre geste effectué était insupportable.

— Je ne peux pas me lever, désespérai-je.

Je crois bien qu'il n'a pas hésité une seconde. Il s'est accroupi, m'a attrapé les bras, et m'a hissée sur son dos. Nous étions encore proches du trou béant où se jetait l'eau de la mer. Puis j'ai vu que la fumée avait arrêté de monter, et en même temps, j'entendis un tremblement qui semblait venir du fond de la crevasse.

Il commença à courir, pas très vite je dois dire, mais aussi vite qu'il le pouvait pour son âge et avec moi sur le dos. C'est au bout de quelques secondes, éloignés de dix mètres à peine, que l'explosion survint : une immense colonne de vapeur d'eau brûlante s'échappa de la crevasse. La chaleur parvint jusqu'à nous, à la limite du supportable pour moi. Je lui ai servi de bouclier je crois, car je me trouvais dans son dos. Je ne sais pas si j'aurais pu tenir le coup si j'avais eu une peau normale.

Tu sais bien que je ne me suis jamais brûlée. J'ai simplement eu mal en ressentant la chaleur, le temps que ma peau puisse s'y habituer. Je ne pensais plus qu'à l'instant présent, à tout ce qui m'arrivait, aux blessures qui parcouraient mon corps, à mes ongles qui s'enfonçaient dans ses épaules tant j'avais peur qu'il me lâche et que je retombe à nouveau.

Après l'explosion, j'avais fermé les yeux, et me concentrais sur le pas de sa marche qui était devenue régulière, sur les blessures de mes jambes qui me faisaient souffrir, et de mes mains ruisselantes de sang qui tâchaient ses habits. Je crois avoir reconnu le pas qu'il avait lorsqu'il est monté à l'échelle. À cet instant, je me suis cramponnée encore plus fort, ayant plus peur de tomber que jamais. Puis son pas redevint normal, et je gardai les yeux fermés. L'endroit où j'allais m'importait peu. Je savais qu'il m'avait sauvée, et que quoi qu'il arrive, il me mettrait en sécurité.

Il finit donc par s'arrêter, et je sus qu'il fallait que j'ouvre de nouveau les yeux pour pouvoir descendre. Lentement, mes paupières se relevèrent, et la première chose que j'aperçus fut du noir, de partout. Du noir sur le sol, de grands bâtons noirs autour de moi, puis, en contraste, une légère fumée blanche. En somme, cela ressemblait fortement au décor que nous avions quitté. Dans un premier temps, ce fut l'effet que cela eut sur moi, jusqu'à ce que je me rende compte que nous nous trouvions dans les décombres d'une maison en ruine. J'étais de nouveau à terre, et le vieil homme qui m'avait sauvée détacha la cape qu'il avait sur le dos, commençant à arracher plusieurs morceaux de tissu.

ALTHÆA - T.1 - La Mère des CendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant