Tandis que le dieu des morts passait près de la sortie qui menait à la cité de Lasiar, il entendit le bruit du vent, ou plutôt, le bruit d'un frottement dans l'air. Tendant l'oreille, à moitié sûr de lui, il ne put plus laisser aucune place au doute. Ce bruit... n'était-ce pas celui d'un... d'un corps qui tombait ?
« Il n'y en a plus pour longtemps », pensa-t-il, « et je n'ai aucune envie de recevoir une mare de sang sur moi ». À l'instant où le corps menaça de s'écraser sur le sol, Hadès stoppa sa chute, puis le redressa lentement en position droite pour le remettre sur pied.
Il s'agissait d'un jeune homme, vingt ans, les cheveux blonds coupés courts, et deux yeux bleus ciel. Le jeune homme regarda un instant autour de lui, puis, lorsqu'il vit Hadès, il sourit. Tandis qu'il entendait encore son cœur battre à l'intérieur de sa poitrine, il comprit qu'il était encore en vie.
— Merci de...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Hadès leva la main vers lui, s'apprêtant à utiliser ses dons divins, et d'un coup sec, lui brisa la nuque. Lentement, par la suite, d'un mouvement particulier qu'il était le seul à connaître, il retira son âme de son corps, laissant apparaître un spectre apeuré, comprenant à peine ce qui venait de lui arriver.
— Moins de sang, marmonna Hadès avec un rictus mauvais.
Il s'adressa à lui, s'enivrant d'avance aux mots qu'il allait prononcer :
— Bienvenue en enfer, Stultus, dernier roi de la lignée de Lasiar !
Stultus trembla de frayeur, sa nouvelle apparence spectrale semblant pâlir au plus haut point, puis bégaya :
— Je... vous... moi... fit-il.
En voyant son corps étalé là près de lui, ainsi que le roi des enfers qui le toisait dans l'ombre de son habit noir, Stultus s'effondra. Hadès ne put en éprouver que du dégoût. Ce roi n'avait simplement plus rien d'un roi dans la mort. Ayant récupéré tous les sentiments qu'Althæa lui avait volés de naissance, il se révélait enfin tel qu'il était : un jeune garçon peureux, maladif et fragile, enfin, tel que l'on aurait pu l'imaginer s'il n'avait pas été un spectre en cet instant.
— Tu es pitoyable, lança Hadès.
Il s'agenouilla près de lui.
Comme pour Mythia, ne se souciant même pas de le prévenir, il apposa sa main, et lui fit apparaître un nouveau corps. Ses cheveux dorés devinrent alors blancs et ses yeux bleu ciel d'un clair livide, Sa peau muta pour prendre un teint blanchâtre. Même si cela était à déplorer pour le dieu, tel qu'il avait été prévu depuis bien longtemps, venait d'arriver en enfer le huitième guerrier des ombres. S'il déplorait de n'avoir pas pu offrir de nouveau visage à Mythia, Hadès ne s'en soucia pas pour le petit roi. Mieux valait pour le moment qu'il reste en enfer en même temps que son incompétence. Malgré son apparence cadavérique, Stultus demeurait Stultus.
Tout s'enchaîna très vite pour le jeune roi mort. Sans traîner, Hadès le conduisit au palais des guerriers des ombres dans l'Érèbe. Tandis qu'il lui expliquait sa nouvelle condition, Stultus l'écoutait l'air perdu.
— Pourquoi t'es-tu donné la mort ? demanda Hadès, curieux.
Il répondit, le regard vide, tel le fantôme qu'il était devenu :
— Mythia...
Le dieu lui porta aussitôt tout son attention.
— Pourquoi as-tu prononcé son nom ? questionna-t-il.
Stultus se contenta de répéter le contenu de sa dernière lettre :
— Mythia... elle avait tout compris. Chaque mécanisme... dix étages... pour dix manières de mourir... gravées dans un cercle. Je... je ne voulais pas mourir... pas de ces manières... non... pas de ces manières-là. J'ai... préféré choisir.
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ALTHÆA - T.1 - La Mère des Cendres
FantasyLe jour de sa naissance, les rois du ciel et des enfers murmurèrent son nom, redoutant le retour des cendres. La mère dévastatrice qui avait plongé la Terre plus d'un an dans les ténèbres était à nouveau parmi eux. Cependant, son retour n'était qu'u...