Chapitre 30

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Une jeune femme grande et élancée aux cheveux bruns coupés courts et deux yeux gris foncés tirant sur le bleu.

Elle affichait un sourire peu assuré sur ses lèvres fines, en retrait, récupérant le stylo qu'elle avait derrière son oreille droite.

Elle le faisait tourner entre ses doigts.

Elle faisait toujours ça lorsqu'elle était mal à l'aise et qu'elle ne savait pas vraiment où était sa place.

Cela faisait quoi...cinq ou six ans que je ne l'avais plus vu ?

Elle devait maintenant avoir quelque chose comme plus de trente-cinq ans, peut-être même quarante... Elle paraissait toujours aussi jeune que la dernière fois que je l'avais vue.

« Qu'est-ce que tu fous là ?! »

La question m'avait échappé.

En sa présence, je n'arrivais plus à afficher le masque du grand, détaché de la situation. C'était comme si au lieu de passer au-dessus, tout pouvait m'atteindre.

En sa présence, j'étais fragile.

Parce que je voulais savoir ce qu'elle faisait là, dans ma maison, avec mes parents et ma sœur.

« Tu n'as pas le droit de me prendre mon identité... Marmonnai-je en serrant les dents, sans qu'elle ne m'entende. »

Erika baissa la tête, un sourire triste aux lèvres.

« Je suis revenue pour voir comment tu allais.

— Parfaitement bien. Souris-je de la façon la plus fausse et forcée que je connaissais. Grâce à toi. »

Je ne pus m'empêcher de rajouter ces derniers mots comme pour être sûr qu'elle souffre autant que j'avais souffert.

« Écoute, William... Commença-t-elle d'un ton hésitant avant de l'effacer par une mine sévère. Tu es assez grand maintenant pour cesser tes caprices et aller de l'avant... »

Pardon ? C'était elle qui disait ça alors qu'elle m'avait appris à mentir ?!

« Mais c'est toi qui devrais arrêter tes conneries ! À cause de qui est-ce que je suis dans cet état à ton avis ?! Hein ?! »

Erika se mordit la lèvre, fuyant mon regard.

« J'étais jeune et ignorante... Murmura-t-elle. »

Du mouvement se fit ressentir de l'autre côté de la porte qui faisait office de bureau. Mon père sortit, furax, les sourcils froncés.

« William maintenant ça suffit, tu as assez crié pour aujourd'hui ! »

S'il ne me demande pas de m'excuser c'est bien parce qu'il y a une part de vrai dans ce que je dis, non ?

J'ai besoin de me raccrocher à cette pensée.

« Pourquoi est-ce que tu la laisses encore foutre les pieds ici après qu'elle met obliger à vous mentir toute ma putain de vie ?! Hurlai-je sans me soucier du fait que mes parents ne savaient pas de quoi je parlais. »

Comprenant que les larmes me montaient aux yeux, je franchis rapidement les escaliers pour me cloîtrer dans ma chambre sans rien dire de plus, claquant la porte au passage.

Je déteste faire ce genre de scène...

Mais à chaque fois que je vois Erika, j'ai l'impression de redevenir un pauvre gamin perdu, seul et sans personne sur qui compter.

Un bocal vide parmi tous les patients qu'elle a pu examiner.

« Tu sais, ce que je vais te dire n'a rien de professionnel. Je ne devrais pas, mais je vais te donner un conseil d'ami à ami, d'accord ?

L'Art de Mentir ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant