Chapitre 41

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Un bon dans le temps. C'était un bon en arrière que j'avais fait. Un bon de plusieurs années où j'étais encore le William brisé qui allait chez sa psychologue Erika, lui racontant bobard sur bobard.

Demain était la représentation de théâtre. Ces derniers mois, Lise n'avait fait que m'ignorer, m'ignorer et toujours m'ignorer. C'était comme si on ne se connaissait plus. Au fond d'elle, je savais qu'elle redoutait le jour où je l'obligerai à parler.

Mais quelque chose me disait que c'était ce qu'aurait pensé l'ancienne Lise, pas la véritable.

J'avais passé examen sur examen, brevet blanc, oral, brevet. Tout s'était bien passé et je me foutais pas mal des résultats. Une toute autre pensée abritait mon esprit.

Aujourd'hui, j'avais besoin de parler à Erika. On était jeudi soir, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais pas dans le mien.

Aussi vite le numéro entré, la sonnerie me fit très vite déchanter. Je n'avais pas envie de savoir finalement... Pourtant, je tins bon car mon cœur me disait que je l'aurais regretté.

« Allô ?

— C'est moi, William. Alors tu es partie ? Où déjà ?

— Qu'est-ce qui ne va pas ? S'inquiéta-t-elle sans prêter la moindre attention à ce que j'avais dit plus tôt. »

Ce n'était pas ma psy pour rien, elle me connaissait sur le bout des doigts et, bordel, qu'est-ce que ça pouvait m'énerver.

« Je ne me souviens pas avoir toujours vu des couleurs lorsque les gens parlaient. Je ne me souviens pas être né ainsi. Je ne me souviens de rien avant notre premier rendez-vous et je sais que je ne te voyais pas de la même couleur qu'aujourd'hui. Je ne te voyais pas. Et maintenant, je te vois. »

Personne n'aurait compris ce que j'aurais voulu dire par voir. Mais Erika me connaissait et Erika savait.

« Tu as vécu un traumatisme qui t'a fait oublier nombre de choses... Murmura-t-elle finalement, comme si parler était à l'encontre de sa nature.

— Comment ça ?

— Je suis vraiment désolée, William, mais le secret médical me contraint à ne pas te le révéler. Je peux simplement te dire de quel mal tu as été atteint, comment, mais pas pourquoi.

— Pourtant tout va très bien chez moi.

— Vraiment ? Alors pourquoi est-ce que tu vois les sentiments des gens en couleurs ? »

Je réfléchis quelques instants et la réponse me vint naturellement.

« Tu me demandais d'associer mes sentiments aux couleurs auxquelles ils me faisaient penser. Je me souviens que j'avais beaucoup de mal à le faire.

— Parce que tu ne voyais rien. Tu étais devenu aveugle de tes propres sentiments et tu n'arrivais plus à les reconnaître.

— Mais pourquoi ? Bordel, Erika, dis-moi pourquoi... »

Mes mots devenaient sanglotants, désespérés, noirs.

« Pourquoi est-ce que je suis incapable de connaître la couleur de mes propres sentiments si c'était le but premier ? Pourquoi est-ce que vous me cachez tous ce qui m'est arrivé ? Qu'est-ce qui m'est arrivé, merde ?!

— William... Si j'étais en droit de te le dire, je te l'aurais dit. Mais je ne peux pas.

— MAIS POURQUOI ?! POURQUOI ?!

— Tes parents ne veulent pas. »

Elle avait lâché ça comme ça, sans prévenir. Une bombe atomique aurait été moins douloureuse. Mes parents étaient au courant ?! MES PARENTS ÉTAIENT AU COURANT DEPUIS TOUT CE TEMPS ?!

J'avais du mal à respirer, mon cœur battait douloureusement, comme embroché dans une épine particulièrement résistante.

Je veux enlever l'épine que j'ai dans le cœur.

Je raccrochai au nez d'Erika et jetai mon téléphone sur le tapis. Mon corps se laissa tomber sur le lit. Mes forces m'avaient quitté.

Demain était le grand jour et je n'étais pas en état de le supporter.

Je veux enlever le mensonge de ma vie.

≈≈≈

À l'heure où j'écris, l'Art de Mentir est terminé. Il vous reste sept parties :3

Arriverez-vous à deviner ce qui est arrivé à William avant le chapitre pré-épilogue ? 😏

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