Épilogue

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William n'a pas poursuivi ses études au lycée et ne vit plus avec ses parents adoptifs depuis qu'il a 16 ans. Ils n'ont opposé aucune résistance. Ils ont beaucoup pleuré mais l'ont laissé partir.

Le jour où il est rentré de cette représentation de théâtre, il s'est isolé dans sa chambre et a écrit nuit et jour. Il a beaucoup écrit et a gardé ces textes ci-joint, sans titre. Ceci est son roman autobiographique. Certains textes ont été rajoutés et ne sont que fiction. Fiction inventée de ses cauchemars.

Lorsquil a annoncé qu'il connaissait son véritable prénom. Il n'a demandé aucune explication. Il a écouté ce que ses parents avaient à lui dire. J'ai été la première personne au courant parmi son cercle maintenant restreint de "connaissances". Il voulait savoir si tout était vrai. Je lui ai avoué que je me suis débarrassée de mon carnet après l'incident qui était le suivant : Lise avait lu l'intégralité de mes notes sur le patient Aidan Rispal. Ces notes ayant été écrites le jour-même de l'accident en étant basées sur des dessins du garçon, de simples mots avant l'oubli le plus total, du témoignage de madame Valtais ainsi que des faits connus après l'incident.

J'étais vraiment désolée mais j'ai été honnête et lui ai tout raconté. Du moins, j'ai évité de rentrer dans les détails de l'état des corps carbonisés de ses parents une fois retrouvés et je n'ai pas mentionné une seule fois l'existence de cette bougie comme étant déclencheur de l'incendie. Oui j'ai parlé de ce qu'il s'était passé pendant, mais jamais avant ou après.

Je suis retournée immédiatement à la maison. J'ai envoyé Lise a un psychologue pour qu'il la soigne de son mal être et de ses idées noires. Cela n'a pas donné grand chose car elle sait ne pas écouter et est le genre de personne têtue impossible à influencer. Ça a été très dur pour son père mais nous ne pouvions faire autrement. La mort de sa mère avait affecté Lise plus qu'elle ne l'avait jamais laissé paraître et elle s'était empoisonnée de ses envies insatiables de vengeance.

William a disparu de la surface de la terre aux yeux de tous. À vrai dire, c'est parce qu'il a élu domicile chez moi. Je sais qu'il est assez fort pour surmonter ça même si j'évite de le laisser seul plus de deux jours et le garde éloigné des objets coupants. Il n'est pas du genre à avoir des pensées suicidaires mais rien n'est plus sûr maintenant qu'il a perdu son identité.

J'ai été étonné de son sourire, la première fois qu'il a sonné à ma porte.

« Erika, c'était moi. Je me suis toujours défini comme un menteur égoïste qui trompait les autres en disant Oui à la question Ça va. Mais je pense que la plus grosse victime de mes mensonges, c'est moi. J'avais sept ans, putain, mes souvenirs marchaient très biens et je n'ai jamais vraiment oublié. J'ai juste voulu oublier. Au fond, tout est de ma faute. Tout a toujours été de ma faute. »

Je l'ai allongé sur le canapé et il m'a longuement parlé. Je crois qu'il avait oublié qui se tenait à côté de lui. C'était très dur pour moi car j'avais l'impression de revoir l'enfant de sept ans que j'avais accueilli dans mon cabinet la première fois.

« Je comprends pourquoi j'étais tellement obsédé par le mensonge et que j'étais tant persuadé que je mentais aux autres. Toutes les fois où j'ai dit que j'étais William Valtais. Toutes les fois où j'ai dit que j'allais bien. Toutes les fois où j'ai dit que rien ne pourrait jamais être pire. Toutes ces fois-là, je mentais. Je ne voulais pas l'entendre mais je mentais. Ça sonnait complètement faux, bordel, et pourtant je continuais de les dire, ces mots. "Je m'appelle William Valtais et toi ?" "Oui tout va bien, pourquoi ?" Pourquoi ? Mais parce que tout allait mal, William... Tu faisais des cauchemars de plus en plus répétés. Tu as toujours eu peur du feu et tu ne t'es jamais senti à ta place ! Oh qu'est-ce que j'ai été con... QU'EST-CE QUE J'AI ÉTÉ CON ! »

Il continuait de sourire dans ses larmes. Il avait l'expression de quelqu'un qui avait touché le fond mais qui gardait la tête froide en se disant qu'il ne pourrait de toute manière pas tomber plus bas. Une résignation atroce à mes yeux. Il n'avait rien accepté, il s'était juste résigné au fait qu'il souffrirait toute sa vie et que plus rien ne serait jamais normal. Il n'avait plus personne autre que moi et je n'étais même pas sûre qu'il me considérait comme ne serait-ce qu'une connaissance.

Ça me brisait le cœur et mon moral était un peu dans mes chaussettes. William le sentait et restait fidèle à lui-même : inexpressif, mort de l'intérieur, éternellement blessé en amour, seul.

William était de retour sur les bancs de l'école. William était ce Aidan qui avait assisté à la mort de ses parents et qui s'était retrouvé sans famille du jour au lendemain jusqu'à ce que ses nouveaux parents lui rentrent dans la tête qu'ils étaient liés par le sang.

William a évolué. Je sais qu'il s'en remettra un jour.

Et quand ce jour sera arrivé, il pourra enfin devenir la personne honnête qu'il a toujours rêvé d'être.

Seulement, j'ai beau être optimiste. Je crains qu'il ne puisse plus jamais accorder sa confiance aux autres.

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Ne partez pas, l'histoire n'est pas encore finie x) il reste trois parties :3

L'Art de Mentir ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant