Le lendemain, je suis réveillée par des pleurs. Pas des pleurs comme les miens, plus des pleurs d'un gamin qui a faim ou qui vient de tomber sur le carrelage de la cuisine. Je suis chez ma mère. Elle a eu deux autres enfants avec son nouveau mari. Je me dirige vers ma fenêtre. Dehors, ma mère s'active autour de ses deux nouveaux protégés, tous en jetant des coups d'œil à ma fenêtre pour voir si je suis réveillée. J'ai la bonne habitude de ne jamais fermer les volets, et donc, on ne sait jamais quand je dors ou quand je suis réveillée. Je me recule. Si elle me voit, elle voudra encore que je m'occupe des enfants. Ça ne loupe pas. Elle débarque dans ma chambre quelques secondes après.
« Eh bien, je vois que tu es déjà habillée Aude, c'est parfait ! Va donc t'occuper de tes frères, pendant que je prépare le petit-déj'.»
Pas la peine de râler, dans tous les cas, je finirai baby-sitter. Une fois ma mère partie, je range le cahier de Margaux sous mon matelas,et descends dans l'immense jardin, qui me sert à présent de maison,en traînant des pieds. Mon beau-père travaille jusqu'à midi. Je me demande pourquoi il travaille toujours, puisqu'en deux mois, il égale l'ancien salaire semestriel de ma mère. Je l'aimais bien ma famille d'avant. On n'était ni pauvre ni riche. On mangeait à notre faim,on partait chaque été dans un pays étrangé, on faisait les magasins, sans avoir forcément de budget. Bref, pour moi, c'était la belle vie. En plus, je pouvais sortir quand je voulais, avec qui je voulais, et de même pour Margaux. L'année dernière, lorsqu'elle sortait de l'hôpital, enfin, avant qu'elle nous interdise de la voir, elle allait avec son copain. Le plus souvent, elle m'obligeait à aller avec elle. J'étais gênée. Mais au fond j'étais touchée de cette attention et on s'amusait bien tous les trois. Son mec (j'me souviens même plus comment il s'appelle... Non,en fait, je ne veux plus m'en souvenir...), plus âgé, avait genre dix-sept ans. Franchement, il était canon ! Il avait des yeux ! Sans blague, s'il n'était pas déjà avec ma sœur, ça aurait fait un moment que j'aurais été sur lui. On ne s'est jamais revu après la mort de Margaux, sauf si on compte son enterrement. Mais après, plus aucune nouvelle. Je me demande ce qu'il devient aujourd'hui.
Les garçons sont devant la télé. Je m'assois sur un fauteuil. Je déteste ce genre de dessins animés. Ça me rappelle trop les soirs où je bagarrais avec Margaux pour pouvoir regarder les clips, alors qu'elle, voulait soit regarder les infos, ou une de ces télé-réalités débiles. Mais c'était bien parce que je le regardais avec Margaux car avec mes potes, je faisais semblant de rire. Tout ça pour dire,que même dans une maison qui n'est pas la mienne, je retrouve la présence de Margaux. Je me demande si ma mère ou mon père la ressentent aussi. Ça m'étonnerait. Je vis avec des inconnus...
Mes deux demi-frères, Lucien et Victorien, ont respectivement deux et quatre ans : l'âge pénible. Bon, j'avoue, qu'ils aient trois,sept ou vingt-cinq ans, je les trouverai toujours pénibles. Ce n'est pas tellement leurs fautes s'ils ont pris nos places. D'ailleurs, je ne suis pas sûre que ce soit réellement la faute de quelqu'un. Je dirais plus que c'est la vie.
Ils sont tous les deux obnubilés par je ne sais quel dessin animé.Doucement, et le plus discrètement possible, je sors de la pièce. Une fois dans le couloir, je cours jusqu'à ma chambre. Je me jette sous mon matelas, et attrape mon livre. Je m'adosse contre le bois de mon lit,et reprends ma lecture là où je l'avais laissée.
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Et moi, j'ai dû rester...
Teen FictionOn n'a pas tous la chance de survivre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, loin de là. Margaux est partie, et Aude a dû rester. Mais comment faire pour vivre sans sa sœur chérie ? Aude n'a jamais demandé de rester. Sauf qu'elle n'a pas eu le choi...