Très intriguée, je monte dans ma chambre, en passant part la cuisine, pour poser mon bol dans l'évier. Je gravis les escaliers au pas de course. Arrivée, je saute sur mon portable.
« Et merde ! »
Plus de batterie évidemment. Je fouille de fond en comble ma chambre, à la recherche de mon chargeur. Résultat, le bazar règne, je n'aime pas ça et je n'ai toujours pas mon chargeur. J'entends la belle voix de Margaux qui me dit :
« Ça t'apprendra à ne pas ranger tes affaires correctement petite sœur ! »
Elle sait parfaitement que j'ai horreur du désordre, mais, rien n'est jamais à sa place. Je finis par le trouver, dans un tiroir de mon bureau, réservé à mes cours. On peut se demander comment il a pu atterrir ici. Je saisis mon portable, branche le câble à la prise et essaye de l'allumer. Peine perdue. Je ne suis pas accro à mon portable. Je l'ai été, ça c'est sûr, et ce n'est pas Margaux qui dirait le contraire. En même temps, je trouvais toujours une personne avec qui parler. Enfin, souvent, ce n'était pas qu'une seule personne. Mes parents ont râlé au début, mais ensuite, m'ont laissé faire. Après tout, la plupart des ados passent par là. Et puis, quand Margaux est tombée malade, ça m'a permis d'échanger avec elle. Ça n'a pas duré très longtemps, car très vite, elle est devenue bien trop faible pour taper sur son clavier. Et là, je crois que j'ai commencé à être dégoûtée de cette chose ! Ok, c'est bien de pouvoir parler avec des gens, mais à la base, c'est quand même pour avoir des nouvelles des personnes que l'on ne peut pas voir, comme Margaux. Mais ce foutu truc ne me permettait même pas de garder contact avec elle. Alors, je n'y ai plus vu aucune utilité. Au collège, on me demandait pourquoi je ne répondais plus sur Facebook, ou pourquoi je n'avais pas envoyé de snap, tout ça. J'ai prétendu ne plus avoir de portable... Le mensonge n'a pas tenu longtemps, mais au moins, on m'a foutu la paix.
Je soupire. Pour tuer le temps, je me dirige vers la salle de bain. Quoi de mieux que de se détendre dans un bon bain moussant ? Dans cette villa, chaque chambre a sa salle de bain et un dressing intégrés. Je ne me sens pas tellement à ma place ici. Mais bon, j'y vois les côtés positifs quand même. Je fais couler de l'eau bien tiède, verse du produit à bulle. Je fais glisser le long de mon corps mes sous-vêtements, qui ressemblent plus à présent à un maillot de bain. Tant pis. Je me laisse tomber dans cette eau, plus chaude que prévue. J'y resterai plus longtemps. Je pose la tête contre la faïence crème et ferme les yeux. Pour une fois, mon esprit vagabonde librement. Et pour une fois, ce n'est pas à Margaux que je pense... Et moi, un jour, est-ce que je trouverai aussi ce garçon qui me fera rougir ? Le vrai, celui qui fera parti de mon livre ? J'aimerai y croire. Si seulement je pouvais contrôler ma vie, que tout se passe comme je le souhaite. Ma vie, ça fait longtemps que je n'en tiens plus les commendes. Je laisse mon petit bateau glisser sur la mer, sans aucun but, aucune destination. Déjà, il reste sur l'eau, et pour ça, je peux le féliciter. Les tempêtes s'accumulent, mais il résiste. Sur la coque, on voit quelques impacts. Le résultat d'une trop forte tempête. Il ne vogue pas forcément très droit, mais il tient le coup. Il ne veut pas arriver le premier, juste arriver, sans trop de fracture. Son capitaine, enfin, sa capitaine, est seule. Pas d'équipage, ni de compagnon. Non, elle est seule. Assise sur le pond, elle observe l'horizon, sans chercher à diriger son voiler. Elle a confiance en lui, même si elle a été tentée plus d'une fois de sauter par dessus bord. Mais elle a tenu. Pendant les jours de tempête, l'existence est encore plus dur pour elle. Elle se réfugie dans sa cabine, s'enferme à double tour. Le bateau tangue dangereusement. Elle croit que c'est la fin, mais non... Quand d'autres bateaux les doublent, plus forts et plus rapides, elle les regarde s'éloigner, sans les envier. Et parfois, certains lui proposent de l'aide. Elle les fixe, et va se cacher. Non, elle peut se débrouiller seule. Les autres bateaux, qui sont toujours en compétition, haussent les épaules, et filent sous le vent. Elle, et son petit voiler, ne sont plus en course. Ils ont perdu la compétition. C'est vrai, pourquoi continuent-ils à naviguer ? Personne ne sera là pour les féliciter. Et ce n'est pas l'orgueil qui les animent. Non, ils veulent simplement montrer à tous ces connards qu'ils en sont capables.
VOUS LISEZ
Et moi, j'ai dû rester...
Teen FictionOn n'a pas tous la chance de survivre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, loin de là. Margaux est partie, et Aude a dû rester. Mais comment faire pour vivre sans sa sœur chérie ? Aude n'a jamais demandé de rester. Sauf qu'elle n'a pas eu le choi...