Et moi, j'ai dû rester...

Chapitre 35

Trois jours plus tard, je me réveille de bonne heure, avec une boule dans la gorge. Le bon vieux stress de la rentrée. Les vacances d'été se finissent aujourd'hui. J'ai du mal à croire que c'est déjà la fin. Je mettais habituer à faire ce qui me plaisait. Reprendre le rythme, ne va pas être simple. Une année entière de cours, qui rien qu'à la liste de fournitures, ne semble pas hyper amusante. Pendant deux mois, j'ai plutôt bien réussi à éviter les remarques et les regards remplis de pitié, sauf lors de ma fameuse journée à la plage. Au lycée, impossible. Je fais faire ce que je sais le mieux faire : me réfugier derrière mes « amis». C'est devenu tellement difficile d'être moi-même. Au fond, Théo a raison : c'est moi, et seulement moi qui me suis attribuée l'étiquette de la « sœur de Margaux », pour ne pas l'oublier, pour oui, ne pas rire car elle n'est plus là. Je ne peux ni rire ni sourire à pleine dents, alors que je n'ai pas de raisons d'être contente. Je ne suis pas contente qu'elle soit partie, alors, voilà. Peut-être que vous trouvez ce raisonnement débile, mais, moi je vois ça comme ça...

« Aude, tu sais, faut savoir avancer, me dirait-elle.

- Je sais Margaux, mais tu ne te rends pas compte comme c'est difficile pour moi... Je n'arrive pas à tout oublier...

- Pourtant, quand tu changeais de mecs toutes les semaines, tu tournais vite la page, elle rirait en me donnait un coup de coude.

- C'est différent, je lui répondrai, en essayant de me défendre, un mec qui ne s'intéresse qu'à ton cul, ce n'est pas la même chose qu'une sœur adorée avec qui tu as vécu quinze ans.

- Pourquoi faut-il que tu es toujours raison ?! »

« Margaux, jamais au grand jamais je ne pourrais t'oublier. Tu représentes bien plus que le total des sentiments que j'ai pu ressentir en sortant avec tous ces garçons. » J'aimerai qu'elle me parle, même pour me dire une simple parole. La voir quelques secondes, juste pour qu'elle ait le temps de me dire qu'elle m'aime, et qu'elle croit en moi. Ça me suffirait. Certes, je serai contrainte de m'en contenter, mais, on fait avec ce qu'on a. Comment faire pour remplir le trou qu'elle a laissé ? Comment faire pour pourvoir contenir cet univers d'amour fraternel que je lui porte ? Que dois-je en faire ?

« Aude, ton père au téléphone !» crie mon beau-père depuis le bas de l'escalier.

Je soupire, mais bon, je n'ai pas vu, ni entendu mon père depuis deux mois, donc, je cours en bas. Mon beau-père m'adresse un sourire encourageant. Il sait que j'aime beaucoup mon père malgré tout.

« Aude ? demande la voix mûre de mon père.

- Oui, je réponds avec difficulté, un peu stressée.

- Alors ma puce, comment vas-tu ?

- Mmh, bah, c'est la rentrée demain donc...

- Je sais, mais ne t'inquiète pas. Je t'ai appelé pour ça, pour te dire que je sais d'avance que tu vas tous les impressionner. Tu vas revenir au lycée, certes plus fragile qu'à l'année dernière, mais, ne te laisse pas abattre ! Je sais que tu en es capable !

- Papa..., je lâche, avant de sortir tout ce qui me tient à cœur. J'ai revu Théo... J'ai appris qu'elle m'avait menti... Qu'elle et Théo n'était plus ensemble lorsqu'elle est partie, que c'est un peu de ma faute, car Théo m'a avoué qu'il m'aimait, mais moi aussi, et je veux pas faire de peine à Margaux, elle mérite mieux que moi... Je suis une traîtresse ! Comment on peut tomber amoureuse d'un garçon qui est sorti avec sa sœur qui est morte ? D'ailleurs, je ne sais même pas ce que c'est que l'amour, j'ai toujours fait semblant. Mais à force, c'est devenu énervant de se faire toucher le cul juste pour le plaisir d'un ou deux excités. Je sais, enfin, j'espère que Théo m'aime vraiment, mais, j'aurai l'impression d'être le lot de consolation. Mais lui et maman, ils m'ont dit que je m'empêchais de vivre, qu'il fallait que j'arrête de me cacher derrière l'identité de la sœur de Margaux, alors que je suis Aude, mais, moi, je m'en veux, j'aimerais tellement qu'elle soit là papa... Elle me connaissait par cœur, si bien, que j'avais l'impression qu'elle lisait dans mes pensées. Je...

- Aude... me coupe t-il, je sais tout ça ma puce, mais pour Théo, écoute, moi aussi j'étais au courant. Ta mère et moi, on a suivi les consignes de ta sœur. Elle ne voulait pas te faire de mal, en te disant que son couple avait plus au moins explosé à cause de toi, alors, elle nous a mis dans le secret. Je ne savais pas que toi aussi il te plaisait... Enfin, tout ça pour te dire, que tu n'es ni une traîtresse, ni coupable de quoique ce soit ! Alors, s'il te plaît, arrête de te morfondre sur ton sort. Tu sais très bien que moi je déteste broyer du noir, je préfère agir.

- Quitter Maman c'était une manière d'agir ?

- Aude, écoute...

- Non, c'est bon, j'ai compris... C'est la vie, hein...?

- Changeons de sujet, tu veux bien ?

- Oui... Tu voudras que je t'appelle demain pour te raconter ma journée ou pas ?

 - Je veux bien que tu me racontes ta journée, mais vu que c'est moi qui paye ton forfait, je préfère que ce soit moi qui appelle ma puce.

- Tout ça parce que c'est toi qui paye mon forfait ?

- Non bien sûr que non, mais comme ça, tu pourras me raconter tout dans les moindres détails, et on reparlera de cette conversation ma puce, je pense qu'il y a encore plein de choses que tu ne sais pas...

- Merci Papa en tous cas... Faut que je te laisse, bisous, et à demain.

- A demain ma puce, et moi je crois en toi, fais ce que tu sais faire de mieux et tout se passera bien !

- Qu'est ce que je sais faire de mieux ?

- Être parfaite Aude. Aller, bonne nuit et à demain.

- À demain Papa. »