Chapitre 15

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J'aimerai rester des heures dans ce bon bain chaud, mais le passé m'appelle... J'actionne le levier pour faire couler l'eau. Le niveau descend doucement. Je frisonne. Évitons d'attraper froid, ce serait mieux. Je tords le bras dans le but de toucher ma serviette, que j'avais bêtement oublié de poser plus près. Après quelques contorsions, je finis par l'avoir. Je m'y enveloppe. Le contact avec le coton est doux. J'ai horreur des serviettes qui, certes absorbent plus vite, (ce qui évite que la serviette soit encore plus mouillée que vous,) mais qui vous brûle la peau. Moi, je veux un tissu doux, agréable sur la peau, et pas je en sais quel synthétique à la noix ! Je dois donner l'image d'une fille exigeante histoire de l'être et pourrie-gâtée Je frictionne ma peau, sans forcément l'irriter. Je file me chercher des vêtements. Il risque de faire encore chaud aujourd'hui. Je prends le premier short qui me tombe sous la main, et le premier t-shirt à bretelle. Je ne me soucis pas de trop de mon look. Non, en fait, je m'en moque royalement. Pendant un temps, toujours avant que Margaux tombe malade, je suivais toutes les modes. En quatrième, j'ai été élue « Miss mode ». Pour traduire, ça voulait dire que j'étais la fille la mieux habillée du collège. Sur le coup, j'ai été bouleversée, mais maintenant que j'y repense, j'ai honte d'avoir pu pleurer de joie à cause de ce foutu prix ! Chaque année d'ailleurs, j'ai reçu un prix... En sixième et en cinquième, celui de « la fille la plus souriante », et l'année dernière, lors de la remise des diplômes du brevet, la « fille qui a le plus de chances de réussir ». Quand je me remémore ce moment, c'est vrai que je suis toujours touchée. Mes professeurs m'avaient tous prise dans leurs bras, en me demandant de leur donner des nouvelles régulièrement. C'est ce que j'ai fait cette année... Je glissais un petit mot dans l'enveloppe de mon bulletin, puisque lors de la première année, le nouvel établissement reste en contact avec l'ancien, comme la procédure le dit. Ils se sont fait tous beaucoup de soucis pour moi, quand Margaux est partie. Mais personne n'a trop remarqué le changement qui s'est produit en moi. Au lycée, c'est plus simple de montrer sa vraie figure, car personne ne te connaît, donc personne ne te saute dessus pour savoir ce que tu as. Non, c'est mieux comme ça. Ils restent tout de même les élèves de mon collège, qui sont dans mon lycée. Et manque de chance pour moi, c'est ceux qui me connaissent le plus. Nous sommes un groupe de trois : un mec, mon « meilleur », et ma « confidente ». Je ne les supporte plus. Heureusement qu'ils sont ensembles sinon, ce serait tout bonnement impossible à vivre ! C'est simple de me débarrasser d'eux. Je prétends leur laisser un moment d'intimité entre amoureux, et hop, je file au CDI, me réfugier avec les bouquins. Margaux était aussi dans ce lycée. Elle voulait faire un bac littéraire. Tout le monde l'encourageait d'ailleurs à aller dans cette filière. Parfois, je promène dans chaque rayon, imaginant ma sœur chercher un livre pour son devoir de français, son interro d'anglais... C'est presque rassurant. J'aimerai pourvoir dire que je sens sa présence, que son âme hante toujours les lieux, mais, je ne suis pas si sûre que ça... Il reste bien une trace d'elle, dans les archives, où son excellent dossier est rangé. Elle a toujours été la meilleure. Au collège, elle a obtenu trois prix : en cinquième, celui de « la fille la plus timide », en quatrième « la plus littéraire de tous les élèves », et en troisième « la meilleure élève depuis la création du collège ». Elle explosait de bonheur. Je m'en souviendrai de ce jour. Toutes les deux, on était fière de notre prix. Il y a une photo, que mes parents avaient prise pour l'occasion... Nous sommes toutes les deux, accrochées l'une à l'autre, Margaux en tenue officielle car elle venait d'avoir son brevet, et moi, vêtue d'une jolie robe prune. Nous avons le sourire jusqu'aux oreilles. J'aime beaucoup cette photo. Elle est rangée dans mon album, bien au chaud. À côté d'elle, il y en a une autre, prise le même jour... On y voit tous les lauréats du brevet, mais aussi, tous ceux qui ont reçu un prix. On doit être au moins une centaine (notre collège était tout petit). Je suis entourée de toutes mes amies. Mais, si on s'approche, on aperçoit que je tiens la main de Margaux. Elle a toujours ses cheveux longs. Étonnant... Elle a du les couper peu après. Oui, je me souviens, c'était pendant les vacances d'été. Moi, j'étais sortie... je crois, faire un bowling avec des amis. Sans me le dire, elle était allée chez le coiffeur, accompagnée de ma mère. Le soir, lorsque je suis rentrée, elle m'a demandé de la rejoindre dans sa chambre. J'ai soupiré car j'étais très fatiguée. Ma fatigue s'est envolée quand je l'ai aperçue, avec sa nouvelle coupe. Pour le coup, je lui ai sauté au cou. Ça lui allait vraiment bien. Une vraie top model ma sister. Elle m'a toujours dit que j'étais plus belle qu'elle. Je ne vais pas dire oui car ce serait prétentieux de ma part, mais je ne vais pas dire non, non plus. Je me suis déjà décrite au début, et je n'aime pas parler tout le temps de moi ! Margaux me disait souvent que j'étais un peu égocentrique. Au début, ne sachant pas véritablement ce que ça voulait dire, je lui avais répondu que oui. Lorsque j'avais trouvé la définition, j'étais partie en furie ! À cette époque là, je devais être en sixième et donc Margaux en cinquième, j'étais, oui c'est vrai, égocentrique. Depuis que je suit tombée sur cette définition, je fais tout pour éviter de parler de moi tout le temps. Margaux a toujours su taper dans mon point faible : celui de vouloir être parfaite. C'est en m'inventant, parfois des défauts, que je me reprenais, me corrigeais. Un jour, elle m'a avoué que ça la faisait tellement rire de me voir tétanisée après la découverte d'un nouveau point noir. Au début, je lui en ai voulu, mais ensuite, je l'ai remerciée, car, ça n'a fait que de m'apporter de la modestie. Je me souviens qu'elle avait été surprise de ce remerciement. Une grande preuve de maturité, avait-elle soufflée. Mais depuis, mon but n'a toujours pas changé : je veux être parfaite. Je ne peux pas dire pourquoi, mais ça en devient presqu'un rêve. Personne ne ferait attention à moi si j'étais parfaite. Tout serait comme je le souhaite. C'est impossible, je le sais bien, mais, quand même, je veux essayer un maximum d'atteindre la perfection. Personne ne me fâcherait, ne me ferait de reproches, enfin, je serai tranquille. C'est ce que je veux aussi. J'aimerai me fondre dans la masse.

« C'est compliqué avec la chevelure que tu as, me dirait Margaux.

- Je me peux toujours la couper, je répondrai.

Je t'interdis ! C'est l'une de tes plus grandes fiertés ! Ne va pas tout gâcher pour un truc aussi débile !

Mais je ne veux plus que l'on fasse attention à moi !

Dans ces cas là, fais quelque chose pour tes petites fesses !

Pardon ?

Tu sais, tout comme moi, que tu as un postérieur magnifique ! Ni trop gros, ni trop maigre, bien musclé...

- Et, je te rappelle que tu es ma sœur !

Et alors ?

C'est gênant comme conversation ! Et depuis quand tu me regardes sous toutes les coutures ?

Moi ? Jamais bien sûr ! Mais tous les gars, qui se font un plaisir de te regarder passer devant eux !

Margauuuuuux ! »

Cette discussion tournerait au rire. Je lui lancerai un oreiller dans la tête, elle me le renverrait, et nous terminerions par terre, avec des abdos en compote, tellement nous aurons rit. J'adorais ces moments avec Margaux. Je me sentais inférieure à elle, mais en même temps, elle me tarissait des éloges... Avec elle, je me sentais bien, je me sentais moi... Il n'y a qu'elle qui me connaissait si bien ! Pas parce que je me cachais, non, c'est parce que nous nous ressemblions tellement, que nous nous comprenions ! Bon, nous avions quand même quelques divergences... Dans les dernières années, nous avons été terriblement proches, mais c'est à ce moment là aussi que les vraies premières disputes sont apparues. J'étais en pleine crise d'adolescence, et elle, aussi, sauf qu'elle était plus proche de la fin que moi. Il n'y avait pas un jour où une de nos discussions tournaient mal. Non, et là plus part du temps, c'était à cause de moi. Mais, il faut me comprendre. Nos visions de la vie étaient totalement différentes. Physiquement, oui, on se ressemblait fortement. J'étais la Margaux plus petite, plus ouvertes, plus sociable quoi. Je passais mes journées dehors, à traîner avec des gens du même genre que moi. Quand je les ai perdu de vu, après tous les drames, car je me suis rendue compte, qu'au fond de moi, je ne les aimais pas vraiment. Et ça devait être réciproque. Certes, je me sentais bien avec eux, bien sûr, mais parce qu'ils étaient comme moi : populaires et un peu cons. Je ne suis qu'une conne. Margaux le disait à chaque fois que l'on se disputait, mais elle finissait toujours par me dire qu'elle ne le pensait pas vraiment. Un jour où nous venions de nous hurler des horreurs, elle s'est excusée en disant : « Lorsqu'on est en colère, on dit souvent des choses qui dépassent nos pensées. Ça nous permet de faire du mal à l'autre car c'est le seul moyen que l'on a pour le faire souffrir. »

Et moi, j'ai dû rester...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant