Je me sens mal... Je n'ai plus de mots pour dire que ce que je ressens même si je crois que déjà fait le tour de toutes les expressions de souffrance. Mais c'est tellement difficile de mettre des mots sur ses émotions. Je suis conscience que j'ai besoin d'aide, mais, je n'ai pas envie de parler de tout ça avec quelqu'un, je n'ai pas envie de faire ressortir tout ce que j'enfouis en moi pendant tout ce temps. Ce serait trop long, trop douloureux à extirper. Alors je garde tout pour moi. Je sais que je ne suis pas la seule à souffrir de cette perte, mais, j'ai l'impression d'être la seule à y accorder de l'importance. Même si tout le monde se souvient d'elle, on croirait que toutes ces personnes n'y font plus attention, que bah, c'est la vie et qu'il faut avancer sans. Ça ne marche pas comme ça ! Mon deuil, certes, dure longtemps, mais au moins, moi je le fais ! Il a commencé le lendemain, c'est à dire le vingt-cinq avril. Je me souviendrai de ce jour... Je n'y croyais pas...
Lorsque mes parents sont rentrés à la maison ce soir là, j'étais en train d'écouter de la musique dans ma chambre tout en faisant mes devoirs pour le lendemain. Ma mère a frappé à ma porte, avant de rentrer, accompagnée de mon père. Il avait les larmes aux yeux et j'ai vite remarqué que ma mère avait dû verser une bonne dose de larmes elle aussi. Je n'ai pas envisagé une seule seconde ce qui avait pu se passer pour mettre mes parents dans un tel état. J'ai juste relevé que pour une fois, mes parents étaient rentrés en avance et que donc je n'aurais pas à me taper un dîner tout seule avec la télé et mon portable.
« Aude, ma chérie, il faut qu'on te parle.»
Ma mère avait pris le ton tremblant qu'elle utilise très, très, très rarement. Mon père a étouffé, sans succès, un sanglot.
« Éteins ta musique Aude, a-t-elle essayé de m'ordonner sans y parvenir à cause de sa voix tremblotante. S'il te plaît.
- Oh Maman, ça va ! Pourquoi vous venez m'emmerder là ? J'essaie de faire mes devoirs
- Écoute ta mère Aude, c'est important.
- Bah j'espère que c'est important hein, parce que je n'ai pas que ça à faire !»
Pour en finir plus rapidement avec cette conversation, je me suis finalement tournée vers mes parents. Ce que j'ai vu m'a profondément marqué. Je me souviendrais toujours de ma mère, assise sur mon lit, qui se tordait les mains dans tous les sens, en essayant de retenir ses pleurs et mon père se tenant aussi droit que ma porte de chambre. Mon regard passait de ma mère à mon père. Aucun ne parlait. J'attendais. J'attendais sans avoir de réponse. Mes pensées se sont bousculées dans ma tête. Une s'est imposée, plus forte, plus douloureuse que les autres. Mais, je n'y croyais pas. Alors, j'ai continué de regarder mes parents en espérant que l'un deux se décide enfin à m'expliquer leur présence dans ma chambre.
« Je suis désolée. » a fini par lâcher ma mère, en baissant ses yeux tous mouillés.
Je me souviens d'avoir écarquillé les yeux. J'ai attendu... une minute, ainsi. Et puis, je l'ai sentie... J'ai senti la douleur, que je ne pensais jamais connaître, m'envahir. Je me suis levée de ma chaise, en faisant crisser les pieds sur mon parquet. J'ai contenu de toutes mes forces le cri qui montait dans ma gorge. Au passage, j'ai bousculé mon père en sortant de ma chambre. Et j'ai couru. Encore et encore sans jamais m'arrêter. Je devais aller à l'hôpital, je devais aller voir Margaux car on me mentait, ce n'était pas possible. C'était même carrément impossible. Au bout d'une petite heure de course effrénée, j'ai trébuché de fatigue et me suis lourdement écroulée sur le goudron, en m'écorchant les genoux ainsi que les paumes des mains. Et j'ai hurlé. Hurlé à ne plus avoir de voix. Puis, j'ai attendu qu'on vienne me chercher en me disant que tout cela était bien évidemment faux. Mais j'ai beau eu pincer des dizaines et des dizaines de fois mes mains meurtries, personne n'est venu me chercher et je ne me suis pas réveillée d'un horrible cauchemar. Alors, j'ai imaginé attendre sur les railles que le prochain train passe. Mais j'ai pensé à mes parents. Donc, je suis rentrée en traînant la lourde réalité de mon présent derrière moi : ma sœur venait de mourir...
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Et moi, j'ai dû rester...
Teen FictionOn n'a pas tous la chance de survivre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, loin de là. Margaux est partie, et Aude a dû rester. Mais comment faire pour vivre sans sa sœur chérie ? Aude n'a jamais demandé de rester. Sauf qu'elle n'a pas eu le choi...