Chapitre 47

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J'expire longuement. Bon, il faudra quand même que je pleure un bon coup lorsque je serais seule, mais je pense pouvoir tenir encore un peu. Je rouvre les yeux. Mon regard croise celui d'un Théo, inquiet. Je me relève. Théo bondit sur ses pieds, sans me quitter du regard. Je rassemble mes affaires en cherchant le meilleur moyen de lui expliquer de manière cohérente les pensées qui tourbillonnent dans ma tête à la vitesse de la lumière. Mais pas besoin. Il comprend de lui-même que je vais partir et à la gentillesse de ne pas demander de me justifier.

«Je n'ai plus rien à faire à cette fête débile, j'explique pour toute excuse.

- Je sais.

- Toi tu vas rester ?

- Oui, histoire d'oublier tout ça.

- Tu auras une mauvaise tête pour la rentrée.

- Baahh, ça peut toujours qu'être mieux que l'année dernière. »

Je souris, d'un sourire franc.

«Merci Théo de m'avoir dit tout ça. Merci de m'avoir supporté.

- C'est plutôt moi qui devrait te remercier. »

Il me rend mon sourire. Il s'approche de moi, réduisant davantage le peu d'espace qui nous sépare. Il tend la main pour prendre la mienne. Je le laisse faire avec plaisir.

Ses yeux bleus ont perdu un peu de leur éclat, mais je dirais qu'il paraît un peu plus léger.

«C'est la première fois que je parlais de tout ça. Mes parents évitent d'évoquer ces deux dernières années. Ils font comme si rien ne s'était passé, ce que j'approuve, et tous mes amis qui m'ont connu lorsque j'étais malade, me regardent comme un fantôme, et n'osent plus m'approcher de peur que je leur refile le cancer. Mais je peux pas leur en vouloir de réagir comme ça.

- Tu parles des gens que j'ai vu sur la jeté ?

- Non, eux, ils sont au courant de rien. Enfin si, ils savent juste pour Margaux.. euh, bah parce que j'ai tendance à un peu trop parler quand je suis bourré.

- J'ai bien vu.

- Ils ne l'ont jamais vue, sinon, ils t'auraient reconnu.

- Sûrement, mais ça m'arrive aussi de pourvoir passer inaperçue tu sais.

- Je n'en doute pas une seconde. »

Je le prends dans mes bras.

«Aude ? demande t-il, après m'avoir serrer longuement contre lui.

- Oui ? 

- Est-ce que je dois laisser tomber l'idée qu'il se passera un truc entre nous ou pas...? »

Je soupire, pour retenir un petit rire nerveux.

«Je pense que je suis trop... euh fatiguée pour répondre, mais oui, oublie cette idée. J'aurais trop peur de te raviver son souvenir douloureux et de toutes façons, je ne pense pas être capable de combler le vide qu'elle a laissé.

 - Si Aude, je...

- Écoute Théo, je ne dis pas que je ne t'aime pas, c'est juste que pour l'instant c'est trop tôt pour nous deux. J'ai besoin de me reconstruire, de retrouver ce qui me reste.

- Je comprends Aude, je respecte ce choix.»

Jehoche la tête pour le remercier, la gorge nouée. J'ajoute enserrant sa main :

«Et toi aussi, je pense que tu en as besoin, de temps je parle. Il faut surtout que tu prennes soin de toi. C'est très important pour moi comme pour Margaux.

- Ne t'inquiète pas pour moi, je suis sorti d'affaire.

- Je ne parlais pas que de la maladie... 

- Ne t'inquiète pas pour moi Aude je t'ai dit.  

- Très bien, si tu le dis, je te crois.»

Il m'attire contre lui et me chuchote à l'oreille :

« Tu es courageuse tu sais ma Aude, je t'admire beaucoup. Surtout, n'oublie pas qu'elle t'aimait plus que tout. »

Je reconnais ces paroles : c'est celles qu'il m'a dites le jour de l'enterrement. Je le serre une dernière fois contre moi, le repousse doucement et sors de la chambre, avec l'impression d'avoir changé quelque chose. Je pense avoir développer l'extraordinaire capacité de remonter le temps car je sens à nouveau comme Aude, la populaire, la souriante, la déterminée, la joyeuse. Ou sinon, à quelques larmes près au bord des yeux, je suis simplement sur le chemin pour redevenir moi-même.

Et moi, j'ai dû rester...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant