Chapitre 13

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Les rayons du soleil caressent mon visage. Lentement, la lumière du jour me sort du sommeil. Mon réveil indique neuf heures douze. C'est raisonnable. Je regarde par la fenêtre. J'ai encore oublié de fermer les volets. Je m'avance. Dehors, ma mère et mon beau-père prennent les petits-déjeuner. Les garçons doivent être devant la télé, ou encore couchés. Je décide de descendre, à cause de mon ventre qui gargouille. Je risque de sauter sur la première chose comestible que je croise. Je sors de ma chambre le plus discrètement possible. Je ne tiens pas à réveiller les petits. Je traverse le salon. Il est parfaitement rangé, nettoyé, comme si une tornade de propreté était passée par là. Sûrement une des nombreuses employées qui a du faire face à ma colère. Je me sens encore plus coupable. Ce n'est pas ma mère que je punis en salissant sa maison, mais les employées qui y travaillent, et qui préféreraient être avec leur famille, plutôt que de nettoyer les caprices d'une ados. Je suis tellement impulsive, que je ne fais pas attention à ce que je fais. La prochaine fois, j'essaierai de réfléchir avant de passer à l'acte. Dans la cuisine, j'attrape mon bol qui m'attend sur le bar. Un bol que j'avais acheté pendant notre voyage au Canada. D'ailleurs, je ne devais pas être bien vielle... six ans peut-être. Je me souviens que Margaux et moi avions piqué une crise pour aller dans ce magasin pleins de couleurs. C'était un jeune couple d'artisans qui nous avaient accueilli. Je me souviendrai toujours du sourire de la jeune femme, lorsqu'elle avait nous avait montré ses créations. Et c'est là que mes parents nous avait acheté chacune le bol de notre choix. Ce bol, je l'ai chéri comme la prunelle de mes yeux. Je le caresse. Encore ce matin, et comme chaque matin, il me fait repenser au bon vieux temps. Celui où tout allait bien. Où nous menions une existence calme et agitée en même temps. Je regrette tellement cette période. En fait, c'est mon enfance que je regrette. J'ai grandi dans une naïveté, une insouciance, une innocence, que je paye maintenant. La vérité de la vie a été trop brutale. Je n'ai pas eu le temps m'y préparer. Et cette cruauté, ce côté de la vie que l'on essaye de cacher, et bien, je l'ai pris en pleine figure. Elle m'a mise K.O.

Je le remplis de céréales, y ajoute un fond de lait, et sors dehors, toujours en sous-vêtements. Je n'ai pas honte de me cacher. Je suis toujours en maillot de bain, alors, ça ne change pas de la petite culotte et du soutien-gorge. Dans le jardin, l'eau de la piscine reflète les rayons timides du soleil. Je pose mon bol rempli, sur la table en bois, et m'approche de l'étendu bleue. Cette couleur azure m'attire. Je prends mon élan, et saute dans l'eau chaude. Dès le réveil, une baignade improvisée a le mérite de vous mettre les idées au clair. Je fais une petite longueur. Sur la terrasse, ma mère sourit, son portable à la main. Je lui rends son sourire. Toutes les deux, dans nos regards, une étincelle de nostalgie, mais aussi de compréhension mutuelle, s'allume. Elle détourne la tête et le charme est rompu. Je la vois rentrer à l'intérieur. Tant pis. Je plonge la tête sous l'eau. J'ai toujours adorée la sensation de pression contre mon corps. L'eau veut à tous prix me remonter à la surface, tandis que je lutte pour rester dans ses profondeurs, où tout est calme, sans soucis. J'aime être dans l'eau ; j'aime être sous l'eau. J'appuie mes pieds contre le mur et pousse de toutes mes forces. Mon corps est lancé à vive allure. Mon but, rejoindre le plus vite possible l'autre bout de la piscine. Margaux me disait tout le temps :

« Toujours plus, toujours plus vite, encore plus ! Quand est-ce que tu t'arrêteras ma p'tite Aude ? en souriant et m'ébouriffant les cheveux.

- Quand j'aurais réussi, je lui répondais à chaque fois, en enlevant sa main. 

- Tu es déterminée, alors tu y arriveras. » rajoutait-elle.

Mais parfois, ça l'agaçait :

« T'as pas fini Aude de faire ta prétentieuse ? Tu m'énerves sérieusement avec tes petites manies ! soufflait-elle en levant les yeux.

- Garde ta jalousie pour toi. » je lui répondais, excédée qu'elle ne comprenne pas ma philosophie de vouloir tout réussir.

Et là, la plus part du temps, je quittais la pièce, la laissant seule avec ses remords et me renfermais dans ma chambre. Quelques minutes plus tard, elle poussait doucement la porte. Elle jetait un coup d'œil pour être sûre que je ne l'attaque pas. Alors, quand je voyais sa crinière blonde, je souriais et prenais le premier oreiller qui me venait et lui lançais à la figure. Elle se mettait à rire, rattrapait l'oreiller, et venait s'asseoir avec moi, sur mon lit. Elle s'excusait de s'être énervée. Elle m'expliquait à chaque fois qu'elle avait l'impression que je réussissais tout ce que j'entreprenais. Alors, je lui répondais qu'elle aussi. Et nous étions parties pour une longue discussion, des plus sérieuses.

Ma main finit par toucher le bord. Je refais lentement surface, laissant mon corps remonté à sa vitesse. Je pose les deux mains, à plat sur le béton. Et avec la seule force de mes bras, je me sors de l'eau. Sur le transat, ma mère, je suppose, a déposé une serviette. Je la prends. Avec rapidité, je m'essuie le corps. J'ai horreur de me sentir trempée. C'est bien là le seul côté négatif de la piscine. J'enroule la serviette autour de mes cheveux, et me dirige sur la terrasse, où mon beau-père me regarde amusé.

« Alors, cette petite baignade matinale ? sourit-il lorsque je suis à sa hauteur.

- Disons que ça réveille, je réponds.

- Je crois que je vais t'imiter » rigole t-il.

Il rentre à l'intérieur, déposant son bol et son verre dans l'évier. Il ressort. Et d'une manière la plus naturelle au monde, enlève son t-shirt, qui laisse apparaître ses abdos bien marqués. Bien sûr, il en fait trop. Enfin, c'est mon avis. Par contre, ma mère, elle, derrière la bée vitrée, semble admirer le spectacle. Ça me désespère. Je trouve ça débile. Ma mère et mon beau-père ressemblent plus à deux ados qu'à des adultes responsables. Même en général, je trouve ça stupide l'amour. Je n'ai jamais été réellement amoureuse, mais de ce que je vois ça vous rend complètement mou, incapable de réfléchir, ça vous fait rougir, transpirer... Bref, beurk ! Pas pour moi l'amour. Sauf dans les livres. Dans ceux que je lis, l'amour c'est beau. Une passion qui dévore les personnages, qui hantent leurs nuits, mais qui finissent toujours bien. Dans la réalité, ce n'est pas forcément le cas. C'est ça le problème : dans les livres, tout se passe souvent pour le mieux (enfin à quelques choses près), et ça finit toujours bien, ou sinon, c'est qu'il faut attendre le tome deux pour la happy end. Dans la vraie vie, tout ne se déroule pas comme ça... Ce serait trop beau. Je comprends Margaux à présent. Elle qui s'enfermait des journées entières avec ses livres... Finalement, elle avait bien raison...
Quand Margaux m'a présenté son copain, lors de notre week-end passé à trois, j'ai compris que ce n'était pas qu'une simple amourette de gamins. Elle était vraiment amoureuse. Même Margaux. Je me suis sentie nulle. Ma sœur, qui avait critiqué mille et une fois ce sentiment débile, était maintenant à sa merci. Malgré tout, elle restait toujours la même. Elle ne m'oubliait pas. Et puis, son Théo (même si je croyais que c'était Maxence) était fort sympathique.

Je m'assois sur une chaise, rapproche mon bol, et commence à manger machinalement, perdue dans mes pensées. Margaux était amie, sans ambiguïté avec un garçon à l'hôpital qui s'appelait Théo. En même temps, elle sortait avec Maxence. Mais, lors du week-end qu'on a passé tous les trois, j'étais censée être avec Maxence et Margaux. En réalité, ce n'était pas Maxence mais Théo. Et vu qu'ils se sont clairement affichés ensemble, ça veut dire que Margaux sortait avec deux garçons à la fois ! Eh bien, elle devait avoir une sacrée vie ! Dans les derniers mois, je la harcelait de messages, mais, jamais elle ne me répondait. Un jour, j'ai eu le bonheur immense de voir qu'elle avait enfin remarqué mes appels de détresse : elle m'a simplement conseillé de profiter un maximum de notre vie éphémère. Je comprends mieux quand elle me disait ça ! Petite coquine va ! N'empêche, je ne comprends pourquoi elle a agi comme ça,? Et aussi pourquoi elle ne me l'a pas dit. Quand on parle du loup... peut-être a t-il répondu au message peu chaleureux que je lui ai envoyé hier ?

Et moi, j'ai dû rester...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant