Dix minutes plus tard, nous voici parties, toutes les deux, en direction du centre de la ville. J'ai toujours adoré faire les courses de rentrée. S'imaginer nos affaires, l'agenda qu'on traînera toute l'année, avec pleins de mots qui gâche un peu le charme, les cahiers et les classeurs qui ne ressembleront plus à rien au bout de quelques mois.
Nous allons dans un nouveau magasin. L'année dernière, pour ma rentrée en seconde, nous habitions toujours dans notre ancienne maison. Mes parents étaient ensembles, et même si la maladie de Margaux avait déjà du commencé, elle n'avait pas été détectée, nous étions heureux tous les quatre. Je me souviens encore de la montagne d'affaires que je devais changer. Margaux se moquait de moi, car je ne savais pas où donner de la tête. Finalement, j'étais sortie souriante et rassurée du magasin, portant fièrement mes sacs d'achats.
Cette année, c'est différent. Je suis en première scientifique, en classe européenne, pour avoir la chance de partir en Angleterre. Margaux était en filière littéraire. Ça a sûrement joué un rôle dans mon choix : je ne voulais surtout pas suivre la même ligne qu'elle. Et puis, mes profs ne m'auraient jamais pardonné de partir en littéraire. Mes parents n'ont plus. Pour eux, je suis une scientifique. Oui, j'aime énormément les sciences, mais aussi l'histoire, le français, la philo. Mais bon, je ne regrette pas vraiment mon choix. Je peux toujours faire une scientifique, et me réorienter après vers quelque chose de plus littéraire.
« Alors, tu trouves ce que tu veux ? »
Ma mère est comme dans un poisson dans l'eau.
« Oui, je réponds, en cherchant ma marque de stylo habituelle.
- Je n'en réalise toujours pas que tu entres en première. » soupire t-elle.
Je souris. Moi non plus. L'année dernière, Margaux m'avait donné tous les tuyaux pour faire bonne impression, pour plaire aux profs. Elle me décrivait chacun des profs. J'ai tout de suite reconnu un prof de chimie qui est entré dans la salle. Il était la définition même du mot barbant. Au fil de l'année, on a fini par l'adorer. Sous ses airs de professeur qui suit bien le règlement, il y avait un homme passionné et complètement pourri sur le sujet de l'humour. Espérons que j'ai aussi de bons profs cette année... Et surtout, des profs qui n'ont jamais eu Margaux...
Nous sortons, les mains pleines d'affaires de cours, et le sourire aux lèvres. La seule chose qui n'a pas contribué à mon bonheur, c'est bien les cris incessants des enfants, les énervements des parents, qui vous lancent des regards plein de désespoir. Et vous, vous vous dépêchez de partir, trop gêné. Ce qui n'est pas très agréable aussi, c'est le prix que tout ça coûte. Ma mère s'est bien sûr proposée de payer à ma place. La caissière me regardait d'un air moqueur. Elle devait se dire « La mère qui aide sa fille, car la petite ne peut pas se payer ses affaires toute seule.» J'ai donc payé les trois quart et ma mère le reste. Je déteste qu'on me prenne de haut. Après le divorce, mes parents m'ont comme qui dirait, pourrie gâtée. Ma mère a doublé mon argent de poche. Mon père l'a mal pris, et l'a triplé. Une guerre d'argent a donc commencé. À chaque fois que l'un de mes parents m'offrait quelque chose, l'autre faisait mieux. Au début, je pensais qu'ils faisaient ça pour me faire rire, pour blaguer un peu, sauf, que ça dure toujours, et c'est vraiment insupportable. Tout ça pour dire que je peux très bien payer mes affaires de cours toute seule.
Quand nous sommes arrivées à la « maison », je vais boire un verre d'eau pour me rafraîchir, puis je m'écroule sur mon lit, toute habillée, sans prendre le temps de ranger mes sacs. Le dernier point négatif, c'est que faire les courses de rentrée, c'est comme le shopping en ville, ça crève grave ! Je déteste le shopping, et je crois que les courses de rentrées aussi...
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Et moi, j'ai dû rester...
Teen FictionOn n'a pas tous la chance de survivre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, loin de là. Margaux est partie, et Aude a dû rester. Mais comment faire pour vivre sans sa sœur chérie ? Aude n'a jamais demandé de rester. Sauf qu'elle n'a pas eu le choi...