« On part dans trois quart d'heures, me prévient ma mère » en rentrant à l'intérieur, sûrement pour aller se préparer.
Je soupire bruyamment. Je n'ai pas dit que je les accompagnais. Un peu trop bruyamment. Mon beau-père me jette un coup d'œil interrogatif. Je hausse les épaules, et rentre à mon tour, sans avoir mangé la moitié de mes céréales. Au pire, on risque de bien manger ce midi, alors, bon, je ne me fait pas trop de soucis pour mon estomac. Je traverse le couloir. J'ai l''impression que quelqu'un chantonne. Je m'approche. J'aperçois ma mère, devant un miroir, qui enfile un tailleur chic. À son sourire, on voit qu'elle est heureuse. J'aimerai tellement savoir comment elle fait pour tout mettre de côté, pour oublier que dans cette maison, il manque deux personnes de notre famille. Comment a t-elle fait pour retomber amoureuse aussi vite ? Trop de questions dans ma tête. Sans qu'elle m'ait vu, je remonte dans ma chambre. Dans la salle de jeu, j'entends les garçons se chamailler. Parfois, ils me rappellent moi et Margaux, lorsque nous étions petites et innocentes. J'ouvre la porte de ma chambre, la tête dans mes souvenirs. Je me dirige dans mon dressing. Je suppose que je dois plutôt bien m'habiller vu la tenue de ma mère. Je crois que dans cette famille, on ne connaît pas le mot « décontracté ». Je sors une jolie robe rose poudrée, que j'aime beaucoup. Je me sens bien à l'intérieur. Je l'enfile. Quand je me regarde dans le miroir, ce qui est rare, je me trouve belle. Non, je trouve cette robe belle. La robe fait de moi une belle jeune fille. Mais est-ce que sans la robe suis-je belle ? C'est une autre histoire qui demande trop de réflexion et de remise en question. Je souffle. Pourquoi tout est-ce aussi compliqué ?
« Et si tu arrêtais de te poser des questions débiles, me suggérerait Margaux.
- Parce que tu ne te posais pas de questions toi par hasard ? je lui demanderai, tout en sachant que oui.
- Mes questions avaient une utilité !
- C'est-à-dire ?
- Et bien, je ne passais pas les trois quart de mon temps à me remettre en question. Aude, pourquoi tu demandes si tu es belle ? Pendant un temps, tu le savais, sans qu'on est besoin de te le dire !
- J'étais trop narcissique, trop prétentieuse, je soupirerai.
- Non, tu avais juste confiance en toi... »
J'ai réellement l'impression de l'entendre. Je lève la tête vers le plafond.
« Pourquoi est-ce que tu as toujours raison ? » je demande à haute voix, comme si elle allait me répondre.
Je garde les yeux rivés vers le haut, sans doute dans l'attente d'un signe. Bien sûr, il ne se passe rien. Personne ne me répond. L'esprit de Margaux ne m'apparaît pas comme par magie, et je me sens encore plus débile, de parler toute seule, avec un fantôme pas décidé à se manifester.
Je file dans la salle de bain, pour une rapide séance de maquillage. J'essaie d'effacer mes cernes, et je noircis un peu mes yeux. Rien de plus. Je démêle rapidement mes cheveux. Ils sont vraiment longs. Comme ils n'ont pas l'air décidé de ressembler à quelque chose, je les tresse.
« Aude, tu es prête ? crie ma mère, depuis le bas de l'escalier.
- Deux s'condes, je réponds, les doigts emmêlés dans un élastique.
- Active ! » termine t-elle, avec une pointe d'impatiente dans la voix.
Ils ont du réserver une table dans un restaurant de luxe, et ne souhaitent pas être en retard, pour faire bonne impression. Je saisis une petite pochette au passage. J'y mets mon portable, mon stick à lèvres, et je sors de ma chambre, en prenant soin de faire la porte. Je dévale les escaliers le plus vite possible. Effectivement, j'avais raison de bien m'habiller. On se croirait partis à un mariage. Ma mère m'adresse un sourire, en m'examinant. J'ai envie de lui dire que je ne suis pas une poupée, mais, ça ne sert à rien de gâcher ce moment, elle qui aime tellement les repas de famille, et tout ce qui va avec. Je trouve ça hyper ennuyant, mais bon, si ça peut m'éviter de pleurer toute la journée. On s'entasse tous dans la Range Rover blanche de ma mère. Je me sens mal à l'aise car je suis entre mes deux demis-frères, et que cette voiture me met la honte. J'ai horreur de me faire repérer, comme vous avez déjà du le remarquer. Alors, avec cette chose... Pff, pas la peine de se cacher...
Nous arrivons un petit peu avant dix heures.
« Bon, alors, que voulez-vous faire ? demande mon beau-père. On a le temps avant de manger. »
Je ne réponds rien. Voilà, ça servait vraiment à quelque chose de me presser. On descend sur la plage, déjà bondée. Je fixe la mer. Les garçons commencent déjà à s'énerver.
« On peut aller se baigner ? propose Victorien, les yeux brillants.
- Moi ze veux aller dans l'eau ! » s'écrit son petit frère.
Les parents se regardent attendris. Bien sûr qu'ils vont dire oui.
« D'accord, mais je vous mets de la crème solaire alors. » conditionne ma mère, en sortant le flacon de son sac.
Les garçons ont tout de suite moins envie d'aller dans l'eau, ce qui fait bien rire ma mère et mon beau-père. Heureusement pour moi, j'ai mon maillot de bain en sous-vêtements. Comme toujours. Je peux aller me baigner sur un coup de tête, sans forcer me mordre les doigts car mon soutien-gorge est trop sexy, ou que ma culotte moche. Non, je suis en maillot, alors pas de soucis. Nous nous avançons sur la plage. J'aperçois un groupe de jeunes que je connais assez bien. Ils me voient, et certains se précipitent sur moi, en criant. Donnez moi la recette de l'invisibilité !
« Tu peux aller rejoindre tes amis si tu veux. » propose ma mère, en remarquant qu'une dizaine de jeunes foncent sur moi.
J'aurais préféré qu'elle refuse, qu'elle me reproche d'être trop souvent sortie, mais, ça n'arrivera sans doute plus jamais. Je hoche la tête pour la remercier. Deux filles, Maud et Sacha, se jettent sur moi. Elles ont de la chance que je les aime bien, sinon, je les aurais renvoyées se coucher.
« Alors Aude, comment ça va ? me demande Sacha, enthousiaste.
- Bien et toi, je réponds, sur la défensive.
- Il y a du soleil, et des beaux mecs, alors, tout de suite, elle va bien, s'esclaffe Maud à la place de son amie.
- Et c'est pas vrai ! » riposte l'autre.
Je les regarde se disputer au sujet d'un certain Morgan. Je lève les yeux au ciel. Ces deux filles sont complètement accro aux garçons. Désespérant.
« Bref, c'est mon numéro qu'il a demandé, alors, tu n'as rien à dire, conclus Sacha en croisant les bras sur sa poitrine généreuse.
- Mais oui c'est ça, soupire Maud. Bon, laissons ça de côté ! Tu viens avec nous ? »
Je la regarde, et je comprends qu'elle s'adresse à moi. Je jette un regard derrière moi. Ma « famille » est en train de construire un château de sable. Mouais, mieux vaut que j'aille avec elles, pour éviter d'être de corvée d'aller chercher de l'eau pour le sable mouillé.
« Ça marche. » j'acquiesce, avant de le regretter deux secondes après.
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Et moi, j'ai dû rester...
Teen FictionOn n'a pas tous la chance de survivre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, loin de là. Margaux est partie, et Aude a dû rester. Mais comment faire pour vivre sans sa sœur chérie ? Aude n'a jamais demandé de rester. Sauf qu'elle n'a pas eu le choi...