Un espoir de rédemption

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PDV de Rowan

Je n'ai pas vu Anger ce matin. D'habitude, on se retrouve devant le portail, mais il n'y était pas.
Je décide d'entrer, il est presque neuf heures, et je ne veux pas de problèmes. Notre premier cours de la journée : sciences naturelles.
Je prends mon manuel dans mon casier puis le referme.
Et je l'aperçois.
Arden.

Je cherche vite un moyen pour avoir l'air occupé mais elle arrive devant moi tellement rapidement que je lâche l'affaire. J'espère juste que ça ne va pas être encore ma fête, j'ai eu ma dose, moi.
-Salut Rowan ! me lance-t-elle en souriant.
Plusieurs personnes nous regardent d'un air ahuri. Mon envie de passer une journée loin de toute attention vient de se réduire en miette.
-Salut.
-Désolée de te déranger, hein, mais je venais juste savoir si tout s'était arrangé avec ton copain et Chelsea.
Ha ! Tout a empiré au contraire.
-Tout va bien.
Je suis trop bon, trop con.
-Ah ! C'est génial, alors ! s'extasie Arden.
Je me force à sourire aussi, dépité par le mensonge.
-Au fait, tu l'as pas vue ? Je la cherche depuis ce matin, ajoute-t-elle.
Je secoue la tête, incapable d'en dire plus. Il y'a quelques jours, notre monde était sûr. Pas parfait, mais sûr. Depuis, on se retrouve mêlés à des complots de l'élite, sans avoir rien demandé.
Je sais qu'Arden n'y est pour rien, mais ça me tue.
Et je ne sais pas si je dois voir un lien entre la disparition d'Anger et celle de Chelsea.
-Bon...Et pour info, M. Helmen n'est pas là, m'informe-t-elle.
Puis elle s'en va.

J'inspire profondément. Helmen est notre prof de sciences. Quartier libre jusqu'à dix heures.
Je cherche mes amis. Sandy a la grippe mais je finis par trouver Matt, dans les toilettes du bas.
Ses yeux ne sont plus rouges, mais ils restent accusateurs.
-Ça va ? demandé-je maladroitement.
-À ton avis ?
Il se met à ricaner.
-Je suis obligé de me cacher dans les toilettes pour échapper au regard des autres. Tu trouves que ça ressemble à une vie ? crache Matt.
Je secoue la tête.
-Je sais que c'est dur. Mais il faut pas que tu laisses cette histoire t'empêcher de vivre, lui conseillé-je.
Une illumination le saisit soudain.
-T'as raison, murmure-t-il en regardant dans le vide. Ça doit s'arrêter.

Et il sort des toilettes en claquant la porte. Mon estomac se tord. Que voulait-il dire par là ?

PDV d'Anger

Je suis peut-être sur le point de commettre ma deuxième bêtise de la journée mais cette fois, mon instinct me souffle que c'est la meilleure chose à faire. Je tire sur mon tee-shirt Star Labs, et ouvre la trappe menant au toit du lycée.

Il est strictement interdit de venir ici, c'est pourquoi je pense que Chelsea doit se trouver ici.
Le vent souffle pas mal quand même, mais le soleil tape, équilibrant la température. Heureusement, sinon je choperais un rhume en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Et je n'ai pas besoin de ça en ce moment.

Je me hisse à travers l'ouverture puis referme la trappe.
Je jette un coup d'œil circulaire autour de moi. On n'est pas vraiment sur le toit du lycée, on est sur le toit du bâtiment E, des salles de classe. Ce qui implique qu'il est plat, et qu'on ne risque pas de glisser comme des merdes.
Je la vois, assise au bord, les jambes pendant dans le vide. Évidemment.
Je m'approche doucement, le vent cinglant mon visage, pour m'asseoir par terre, à côté du muret, parce que oui, j'ai le vertige et laisser mes jambes libres, à quinze mètres du sol, ne me m'enchante pas des masses.

Malgré notre proximité, et le fait que je sois sûr à dix mille pour cent qu'elle m'ait vu, Chelsea ne parle pas.
On reste donc murés dans ce silence pendant cinq minutes, parce que j'ai beau me creuser la cervelle, je ne trouve rien à dire. De plus, j'ai la ferme conviction qu'aucune tirade que je sortirai ne pourra l'atteindre.

À moins que...
C'est un pari risqué mais ça vaut le coup d'essayer.

-Je suis sûr que tu sais que je suis le genre de mec à me poser dans des relations durables.
Aucune réaction.
-Eh bien, il y'a environ quatre ans, au collège, j'ai rencontré une fille, Sacha Montgomery, raconté-je. Le feeling passait bien entre nous, donc j'ai pris mon courage à deux mains et je l'ai invitée à sortir.
Toujours aucune réaction. Pas grave, je l'avais prévu.
-C'était ma première copine. On s'entendait vraiment bien, ça ne m'était jamais arrivé avant. Je voulais croire que c'était la grande histoire d'amour comme dans les contes, et qu'on vivrait heureux pour toujours mais c'est pas exactement ce qu'il s'est passé.
-Elle t'a largué ?
Premier signe d'intérêt, on progresse.
-Pire.
Je ferme les yeux et pose mon front contre mon genou. Cette partie-là de l'histoire est la plus difficile.
-Un soir, j'ai voulu l'inviter au cinéma. Elle m'a dit qu'elle me rejoindrait là-bas. Je l'ai attendue une demi-heure. Je crois que j'ai jamais eu l'air aussi con. J'ai fait ce que personne d'autre aurait fait, je suis allé chez elle.
J'inspire fort, pour me donner le courage d'aller jusqu'au bout.
-En bas de son immeuble, il y avait plein de voitures de police. Je ne voulais pas y croire au début, mais c'est bien ce que tu crois : elle était morte.

Le dire ravive mes souvenirs et j'ai soudain envie de disparaître, de n'avoir jamais existé. J'aime toujours Sacha, et je l'aimerai toujours. Rien ne pourra jamais changer ça. Je réalise que je m'en veux toujours, et que le temps n'effacera jamais ma culpabilité. Je ne sais même plus pourquoi je raconte tout ça à Chelsea. Mais je dois terminer.
-Ce qui lui est arrivé est pire qu'horrible, continué-je. Elle...elle s'est fait tabasser à mort. Par une bande de jeunes de notre école.

J'ai terminé. Je réalise qu'après toutes ces années, le temps ne m'a toujours pas guéri, et je ne sais pas si je le serai un jour. Sûrement pas. C'était sûrement mon destin, d'être brisé pour toujours.
-Ils sont tous en prison, précisé-je. Mais je sais pas. J'ai pas l'impression que ça suffise pour réparer ce qu'ils ont fait.
-Rien ne peut réparer la mort.

Je lève les yeux vers elle, tentant de deviner ce qu'elle pense vraiment. Sans y parvenir bien sûr.
-Pourquoi est-ce que tu me racontes tout ça ? demande-t-elle.
-Je sais pas, pour que tu comprenne que je pensais pas à mal tout a l'heure. Je voulais juste savoir pourquoi tu étais comme ça.
-Et dans ton histoire, je dois comprendre que tu m'as défendu parce que tu ne supportes pas qu'on puisse tabasser des filles, déduit Chelsea.
-Je t'interdis de me psychanalyser, m'emporté-je.

Elle se marre. Irrécupérable, celle-là. Je me demande tout à coup ce que je fous ici.
-Bon, c'est bon, je suis pardonné ? m'enquis-je.
-Si je dis oui, tu te casses ?
Je lève les yeux au ciel, exaspéré. Et je me casse, sans attendre la réponse.

Pas si mauvaise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant