Une seconde à l'échelle subatomique

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PDV d'Arden

  Je sais que c'est cette journée, ou plutôt cette soirée que j'appréhende, depuis longtemps, mais ça y'est, on est y est.
  C'est le bal de printemps. Qui se trouve aussi être le bal de fin d'année.
  À ma grande surprise, ma mère s'est chargée elle-même de m'acheter ma robe. Je l'ai vue tout à l'heure, sur un mannequin. Elle est tout simplement splendide. En même temps, sept mille dollars, elle était obligée d'être à couper le souffle.

 En même temps, sept mille dollars, elle était obligée d'être à couper le souffle

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  Rose, avec des volants à paillette, en deux pièces détachées. Oksa m'a aidée à la revêtir. J'ai mis des ballerines simples en dessous. Le poids du tissu n'était pas un problème, mais je doutais de pouvoir marcher avec des talons.
  Même s'il n'y a aucun doute quant au fait qu'aucune fille ne m'arrivera à la cheville ce soir, je n'ai toujours pas de cavalier. Mais je me choque moi-même en constatant que je ne veux pas m'afficher avec quelqu'un si je n'en ai pas vraiment envie.
-Tu es magnifique, me dit Oksa.
Son compliment me prend de cours. Elle n'en fait pas souvent. Elle est trop jeune pour participer à la soirée, mais je vois qu'elle m'envie.
-Peut-être qu'un jour, tu m'arriveras à la cheville, dis-je en lui pinçant la joue.

  Ma mère me brosse les cheveux et se porte même volontaire pour me maquiller. Je ne peux qu'avouer qu'elle fait de gros efforts.
  Elle demande ensuite à son chauffeur personnel de me conduire au lycée. Puis elle me caresse le menton.
-Tu es sensationnelle, ma puce.
  Je souris.
-Merci, maman.
-Passe une bonne soirée, tu l'as mérité.
   Je n'étais pas certaine de l'avoir mérité, mais je hoche néanmoins la tête.

  Je laisse ma mère et Oksa à la maison, pour me rendre à ma dernière soirée à Wirginia Lake. Ce lycée va me manquer. Enfin, en être la reine va me manquer. Il y'a peut-être eu une rivalité entre Mel et moi, et plein d'histoires qui ont amenuisé ma réputation, mais je m'en suis toujours sortie.
 
  J'arrive au gymnase, où l'ambiance bat déjà son plein. La musique est assourdissante, et les ballons qui servent à décorer, pour l'occasion, ont déjà été réquisitionnés par les tapageurs du moment. Les  projecteurs projettent des lumières de toutes les couleurs.
  Tout le monde s'amuse, danse et rit. Je reste un moment à côté de l'entrée, guettant le moment où on fera l'annonce de la reine du printemps. Ça a vraiment l'air superficiel, mais je n'espère rien de plus que remporter ce titre une dernière fois avant de partir pour de bon du lycée.
  Rien que ça.

  Malheureusement, je ne peux rester seule très longtemps car je me fais rejoindre par Lydie et quelques autres cheerleaders. Elles ont toutes des robes magnifiques, mais qui ne sont rien en comparaison de la mienne. Ce n'est pas pour me vanter, hein.

  Mon téléphone se met tout à coup à vibrer. Je ne veux pas le prendre, parce que je sens que c'est bientôt l'heure de l'annonce. Mais les filles autour de loi commencent fortement à m'ennuyer alors la curiosité l'emporte.
  Je l'allume, et constate que j'ai deux messages, en provenance de Rowan.

21h34/  J'espère que tu as ton téléphone.

21h35/Est-ce qu'on peut parler tous les deux ? Je suis dehors.

  Je ne peux pas m'empêcher de soupirer. De surprise et d'exaspération. J'ai attendu toute la semaine qu'il m'envoie un texto, et il décide de ne le faire que maintenant, au pire timing possible.
  Alors je reste là et j'attends l'annonce, ou je vais voir ce qu'il a à me dire ?

  Je me mets à courir. Franchement, je le déteste. Je dois relever les pans de ma robe pour ne pas trébucher et garder l'équilibre. Je finis par arriver au portail. Il est fermé.
Mais de l'autre côté se trouve Rowan, affublé d'un costume et aggripé aux barreaux.
  Je me rappelle immédiatement que nous ne sommes pas en si bons termes que ça et croise les bras en haussant un sourcil.
-Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je prudemment.
-Un changement.
  Je suis directement plongée en pleine confusion. Un changement ? Mais de quoi il parle ?
-De quoi ?
-Je ne veux plus être le Dix.
   Je finis par me rappeler notre stupide allusion au jeu de cartes. Comme quoi j'étais l'As, et lui le Dix.
-Et ?
-Je veux être le King.
  Malgré l'étrangeté de sa formulation, je ne peux m'empêcher d'être particulièrement touchée. Ce n'est pas hyper hyper officiel, mais c'est quand même sympa à entendre. Mais Rowan n'a pas l'air convaincu. Et il fait soudain ce dont je ne l'aurais jamais cru capable : il escalade le portail, avec une agilité déconcertante, l'enjambe et se laisse tomber à côté de moi.
-Bon, laisse tomber les métaphores de merde. Je veux sortir avec toi, Arden.
  Sa demande me prend de court. Je crois bien afficher un air béat particulièrement offusquant, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il le dise ainsi.
-On ne peut pas se permettre de dire qu'on a le temps, continue-t-il. On ne peut pas se permettre de compter les jours, les heures, les secondes qui passent. Parce qu'on a tellement de choses à vivre, à découvrir, et qu'on ne sait pas quand la vie se termine.
Donc, il faut profiter de chaque seconde. Parce qu'une seconde...
-Une seconde, à l'échelle de l'univers, ça peut paraître tellement peu, mais c'est plus qu'une éternité à l'échelle subatomique.
   Rowan parait surpris que je sorte une répartie aussi intelligente.
-Je te rappelle que j'ai choisi physique-chimie comme option, me vanté-je.
  Il jette un coup d'œil au gymnase.
-Tu ferais mieux d'y retourner. Ils vont bientôt annoncer qui sera la nouvelle reine du bal cette année.
  J'avais complètement oublié.
Je fais un distrait signe de la main.
-Oh, laisse tomber. Je sais déjà que je suis la Reine de ton foutu jeu de cartes, ça me suffit.
-Pas que du jeu de cartes, dit-il avec un demi-sourire, derrière lequel je perçois une touche de...timidité.
  Ça me fait pratiquement fondre le cœur. Rowan. Comment ai-je pu penser une seule seconde qu'il était égoïste ? Il est trop chou.
-Roooh. T'allais quand même pas sortir que je suis la reine de ton cœur ? fais-je en riant.
-N'importe quoi, soupire-t-il en levant les yeux au ciel.

  Mais je ris toujours, pour une fois sereine, dans cette nuit de printemps, où le ciel étoilé et le gymnase pleins de gens hypocrites ne m'intéressent plus.
  Je le regarde de nouveau. Il est en train de baisser les yeux, ses magnifiques yeux marrons, indécis.
-Arden...je suis désolé. J'ai vraiment déconné avec cette histoire de téléphone, et je n'aurais jamais dû aller aussi loin. Tu ne mérites pas que...
  Je le fais taire par un baiser.
Franchement, je veux juste qu'il arrête de s'excuser, et qu'il m'embrasse, comme il le fait maintenant. Je veux juste continuer à sentir son parfum, et cesser de m'imaginer que je n'ai pas droit au bonheur.
  Il place ses mains sur mes joues, m'attirant plus près de lui et continue à m'embrasser, sur le menton et sur la bouche, à tour de rôle, d'une tendresse dont personne n'avait jamais fait preuve pour moi.
  Je ne veux pas qu'il arrête. Je ne veux pas qu'il s'en aille. Je veux juste qu'il reste avec moi, pour toujours.
 

Pas si mauvaise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant