Peur d'aimer 🔪

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PDV d'Arden

La retransmission de ce qui se passait à cinq mètres de moi sur l'écran géant surplombant les gradins d'en face m'a pris de court.
Ce baiser. Ce stupide baiser.

De l'extérieur, ça ressemble vachement à une super fin heureuse, comme dans les contes de fée. Ce doit être la raison qui pousse tous ces spectateurs à applaudir comme des truites sans cervelle. Mais moi, j'en ai une, et cette démonstration d'affection hyper chelou me fait peur.

Elle l'a eu. Mon dieu, elle l'a eu. Comment a-t-elle pu le convaincre de revenir avec elle après toutes les crasses dont elle est responsable ? Je ne sais pas, et je ne veux pas le savoir.
Je m'éloigne à toute vitesse de cette scène improbable puis je me rue dans les vestiaires, à bout de souffle.
L'enchainement m'a épuisée.

Chelsea aussi, en fait.
Je ne devrais pas me mêler de leurs histoires, je m'étais promis de ne plus le faire. Malheureusement, j'ai du mal à tenir mes promesses, en ce moment, surtout envers mes parents.
Ce qui me fait penser...
J'avais rendez-vous aujourd'hui.

Mince, Rowan. Je ressors sec du vestiaire, où le reste des filles commencent à affluer, en parlant de la romance magique qui s'est déroulée sous leurs yeux.
-Putain, j'aimerais trop avoir un mec comme ça, entendis-je.

Je roule des yeux et ne prête pas attention à ces hypocrites, qui au grand jamais, n'accepteraient de sortir avec un non-populaire.
Une fois dehors, a l'extérieur du complexe, je le cherche des yeux dans la foule, vers la sortie Ouest, la plus proche des gradins où il devait être. Mais je ne le vois pas.

Oh mais quelle poisse. Il ne manquerait plus qu'il soit parti en ne me voyant pas arriver. Je soupire longuement devant un scénario avec une fin aussi humiliante.

Mais une main s'abat soudainement sur mon épaule, me faisant sursauter. Je manque de lui envoyer un spectaculaire coup de sac à dos.
-Mais t'es malade ? s'exclame-t-il après une esquive insensée de ma tentative de l'assommer.
-Désolée, grimacé-je en rajustant les bretelles de mon sac sur mon épaule.
Le silence qui s'ensuit n'a rien de pesant pour moi, car je suis beaucoup trop occupée à regarder son visage -ses yeux surtout- avec quand même un minimum de discrétion car je n'ai pas envie qu'il me prenne pour une obsédée totalement folle.
Même si c'est le cas.

-Alors ? Qu'est-ce que tu as de si important à me dire qui nécessite de me faire venir jusqu'à Woodlands ? finit par dire Rowan.
Ma requête ne me paraît plus aussi importante qu'hier, et ça me fout la frousse. Et merde, il va vraiment finir par penser que je suis une obsédée.
-C'est...une question...importante oui, mais pas vitale, enfin, tu vois, quoi.
Et je recommence encore à perdre les pédales. Comment se fait-il que mon élocution naturelle ne me soit d'aucun recours ? Il est bien connu qu'Arden Wayans ne perd jamais ses mots en public.
-Si ça peut t'aider, ajoute Rowan en faisant la moue, moi aussi j'ai quelque chose à te dire. Enfin à te donner.
Intriguée, je sens immédiatement mon début d'angoisse retomber.
-Et c'est quoi ?

Il se mord la joue, sûrement amusé par mon empressement soudain, et glisse la main dans la poche de son jean pour en sortir un objet, qu'il tient fermement dans son poing.
Mon sentiment d'intrigue se transforme lentement en impatience mal contenue.
Rowan le remarque et se met à se moquer de moi.
-Imbécile, murmuré-je entre mes dents.
-Bon, allez, ne me juge pas comme ça et ferme les yeux, m'ordonne-t-il.
-Tu ne vas quand même pas me faire ce coup-là ! C'est niais à en crever !

En réalité, je suis hyper touchée qu'il m'ait fait un cadeau. Même s'il s'agit d'un sachet de thé, je serais hyper contente.
Non pas que mes parents ne m'offrent jamais rien, mais mes amis ont tendance à se montrer beaucoup moins généreux.
J'obéis et ferme finalement les yeux. J'hésite à tricher mais je lâche l'éponge, essayant de jouer de la surprise jusqu'au bout, même si c'est énervant.

Rowan saisit ma main gauche, pour y placer un petit objet métallique, pourvu d'une espèce de cordelette fine. Je crois que je devine immédiatement. J'ai suffisamment eu d'objets de ce genre pour les reconnaître au toucher.
-Un collier ? fais-je dubitative.
-Tu triches, me soupçonne injustement Rowan.
J'ouvre les yeux puis affiche un sourire supérieur.
-Mais je suis une fille, je te rappelle. Tu aurais dû le prendre en compte.

Je jette un coup d'œil au cadeau au creux de ma paume. Une fine chaînette argentée, fixée à un pendentif représentant un muffin magnifiquement décoré/appétissant, avec des pépites de chocolat, des cristaux de sucre, plusieurs glaçages ainsi que de la chantilly finement travaillée. Incroyable.
Curieuse, je le retourne et y trouve une inscription en lettres cursives.

Vis pour manger.

Je me mets à rire. Rowan m'a toujours reprochée de me sous-nourrir et de ne pas profiter assez de sa ''gastronomie". Je ne peux pas m'empêcher de trouver ça complètement absurde et complètement adorable.

En un instant, je me retrouve à le serrer dans mes bras, en constatant que je n'ai toujours pas arrêté de rire sottement.
-Merci, lui chuchoté-je à l'oreille une fois lassée de rigoler toute seule. Il est magnifique. Mais ne va pas croire que je vais changer mon régime alimentaire pour ça.
-Le contraire m'aurait étonné.

En me détachant de lui, je me rappelle soudainement la raison pour laquelle je l'ai fait se déplacer et les mots se bloquent dans ma gorge.
Mais je passe outre, et me décide à déballer ce que j'ai sur le cœur. Qui aurait cru qu'une simple question serait aussi difficile à sortir ?
Je mets environ une demi-minute à me décider. Et malheureusement, mon ton se fait désespéré, contrairement à l'assurance dont je pensais faire preuve.
-Rowan... On est quoi l'un pour l'autre ?
J'ignore ce que je veux qu'il réponde. Il est clair que mes sentiments à son égard n'ont rien à voir avec ceux que j'avais pour les garçons que je fréquentais avant. Mais je ne suis pas non plus prête à avoir de relations sérieuses, vu mes précédents. Rien que le mot me fait peur.

Alors je suis morte de trouille. Quelle que soit sa réponse, il va me blesser.
-Je t'avoue que je m'attendais à cette question, me répond-il prudemment.
Merde, on y est. Soit il me dit qu'il est amoureux de moi et je tombe dans les pommes, soit il ne l'est pas, et je n'ai plus qu'à me suicider.
Dans les deux cas, je suis morte, morte, morte,...
Rowan inspire un grand coup.

-Je n'en ai aucune idée.

Pas si mauvaise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant