Pas si mauvaise...

Les nerfs à vif

PDV d'Anger

  J'ai passé la nuit à ruminer, à ressasser, à me torturer, à me demander le sens de tout ça.
  J'ai pensé à Sacha. A sa mort injuste.
  Et j'ai compris que tout ça n'allait plus avoir aucun sens puisque les brutes qui lui avaient ôté la vie allaient sûrement être réhabilités.

  Je suis terrassé et complètement abattu, alors je n'imagine même pas ce que doit ressentir Mrs.Montgomery. Elle n'a pas pu conserver bonne figure devant moi, elle qui se montrait toujours si forte. Ça m'a terrifié, parce qu'elle a toujours été le pilier qui réconfortait les autres et donnait le maximum pour rassurer et protéger ses semblables.
   Qu'elle se mette à chialer devant moi, comme ça,...Je n'ai pas pu.

  En rentrant chez moi, je n'ai pas accordé un regard à mon frère, ni à Tasha, et encore moins à ma mère, enveloppée dans ses couvertures, éternellement absente de la réalité depuis le début de sa chute dans les abymes du stress postraumatique.
  J'ai filé dans ma chambre et je me suis enterré sous la couette, souhaitant ne plus jamais refaire surface. Je me sentais hyper mal, et j'étais persuadé que personne pouvait m'aider. Ma famille, mes amis,...à ce stade-là, ils ne pouvaient plus comprendre. Essentiellement parce que je ne comprenais pas moi-même.

  Le réveil s'est quand même fait entendre le matin, mais...je l'ai ignoré. Je ne sèche pas souvent, mais à vrai dire, je n'ai pas souvent non plus le moral plus bas que terre, et je n'avais aucune envie de croiser le regard de tas de lycéens heureux de leur vie incroyable alors que je touchais le fond avec mon merdier familial.
  Alors je suis resté au lit.

    Deux heures plus tard, personne n'est venu me tirer de là, à croire que tout le monde s'en foutait. J'avais bien un message de Rowan, mais silence radio de la part des autres. Pas étonnant.
  Même Sylvain n'en a rien à faire. Je sais que le lycée a dû appeler mais le fait que je ne reçoive aucun appel de mon frère, montre son degré de je-m'en-foutisme vis-à-vis de ma situation. Je suppose qu'il en a sa claque d'être responsable de moi.

  Dans ce cas, vivement le 16 avril, que j'ai enfin dix-huit ans, et qu'il me lâche les baskets. On se portera beaucoup mieux sans l'autre, ça, c'est certain.

  En désespoir de cause, je finis par me lever, pour au moins me faire des céréales et me brosser les dents. Je ne compte pas rester cloîtré dans ma chambre toute la journée ; je ne suis pas totalement dépressif (du moins pas encore).
  Alors que je mange mes Crunch devant une rediffusion de la saison 4 de Bones, mon téléphone se met à sonner, signe que finalement, peut-être, quelqu'un se soucie de moi dans ce monde.
Je ne regarde pas le numéro et décroche.
-Allô ?
-Anger ?
  Ah, surprise. C'est Rowan.
-Ouais ?
-Qu'est ce qui t'arrive ? T'es malade ?
  Bah, difficile à dire. Je choisis de dire la vérité.
-Non, je me sentais pas de venir, c'est tout.
-Pourquoi tu veux pas me dire ce qui se passe ?
Excellente question.
-Je..
Mes yeux se mettent soudainement à me piquer. Ah non, putain ! Il manquerait plus que je pleure au téléphone ! Je masque le tremblement de ma voix.
-Je peux pas Rowan.

  Je sens qu'il soupire. Il doit se demander quoi faire de moi.
-Le seul truc que je peux te conseiller, c'est de pas rester seul. Si t'es pas bien et que t'es tout seul, tu risques de faire une connerie.

-Je vais pas me suicider, imbécile.
   Rowan se décide à rire.
-Bah, comment je le saurais ? Tu me dis rien du tout. Si ça se trouve, t'es sur le pont de Brooklyn, et tu te prépares à faire le saut de l'ange.
-Non, c'est trop loin New York, plaisanté-je. Je crois que je préférerais passer sous les roues du Gold Rush.
-À Sea World ?
-Pourquoi pas, c'est pas loin. Et en plus, ce serait rapide, shlac ! Coupé en deux sur les rails.
-Bah, ça serait quand même pas sympa pour les agents de maintenance, ta grosse carcasse à nettoyer, fait remarquer Rowan.