Pas si mauvaise...

Rhésus

PDV de Rowan

Je fais les cent pas dans la salle d'attente capitonnée. Que puis-je faire d'autre ? Je suis l'unique responsable dans l'accident qui vient de se produire ; je serai probablement traumatisé à vie.
Ma mère, elle, est assise sur un des sièges contre le mur, et emploie toute son énergie à ne pas fondre en larmes.

Moi je n'ai aucune envie de pleurer. Je suis plutôt en colère, contre moi-même, d'avoir pu laisser une telle chose se produire. J'ai envie de me donner des claques. Mais ça n'arrangera rien.
Bordel de merde.

Mon père arrive dix minutes plus tard, l'air inquiet, totalement désemparé. Il nous prend dans ses bras en murmurant que tout va rentrer dans l'ordre, et j'ai envie de le croire, désespérément. Mais Hillary s'est fait renverser brutalement, et la flaque de sang qui s'élargissait alors que les secours mettaient un temps fou à arriver me donne la fâcheuse impression que tout est perdu.

Je n'avais jamais vu autant de sang de toute ma vie, ce qui m'a fait flipper. J'en avais même sur les doigts, mais j'ai été incapable de bouger. Le conducteur est sorti de son véhicule, totalement indemne, pour voir ce qui se passait, et je lui ai hurlé dessus.
Je me rappelle avoir dit des trucs pas très gentils comme :"Vous n'êtes qu'un salaud !" ou "Vous ne méritez que la mort !''
En vérité, c'était à moi que j'avais envie de dire ces obscénités, puisque j'étais l'unique responsable. Enfin, pas complètement, mais sans moi, rien de tout ça ne serait arrivé. Putain, ça fait mal.

Le docteur surgit de la salle de consultation pour marcher droit vers nous. C'est le moment où on va savoir si on va perdre un membre de notre famille. Je me crispe.
Le médecin retire ses lunettes et commence à radoter.
-Nous l'avons recousue du mieux possible et on l'a passée sous morphine.
-Elle va s'en sortir ? demande ma mère d'une voix étranglée.
-J'y viens, répond le médecin, agacé. Elle devrait s'en tirer, cependant, elle a besoin de plusieurs transfusions, compte tenu des litres de sang qu'elle a perdus. Elle est très très faible et en a besoin le plus rapidement possible.
-Alors, transfusez-la, bordel ! je lui aboie.
-Rowan ! m'avertit mon père.
-Non, ça va, fait le médecin. En fait, le problème se situe au niveau de son groupe sanguin. Elle est B-, ce qui est un rhésus très très rare. Nous n'en avons malheureusement pas assez dans l'hôpital.
Je baisse les yeux. Puis me tourne vers ma mère.
-Maman ?
Mais elle comprend direct là où je veux en venir.
-Je suis désolée, mon chéri, dit-elle en secouant la tête. Mais je suis AB+, comme toi.
Puis je me tourne vers mon père, avant de me rappeler qu'il est B+, lui.
Je me couvre le visage avec mes mains. Mon Dieu. Hillary est-elle vraiment condamnée ?
Mon père pose la question qui nous hante tous.
-Elle en a..pour combien de temps ?
-Avec la quantité d'O- qu'on a, peut-être dix, douze heures, déclare sincèrement le doc.
Attendez, là, j'ai pas tout compris.
-Comment ça, O- ? demandé-je.
-Le groupe sanguin O- est compatible avec tous les autres. Les personnes de ce type sont des donneurs universels.
Je reprends espoir.
-Et...si on vous trouve une personne de type O-, vous pourrez sauver ma sœur ?
-Oui, mais il vous faudrait en trouver une en moins de douze heures. Au delà, ça ne servira plus à rien.

PDV d'Anger

Terrifié.
Assis sur le canapé, l'ordinateur portable ouvert sur les genoux, je n'arrive plus du tout à respirer.
D'où sort cette vidéo ?

OK, je vous refais la chronologie de l'histoire.
En arrivant à la maison, Chelsea s'est directement écroulée sur le sol. Malgré son état, je l'ai laissée là, parce qu'il fallait que je vérifie comment allait ma mère. Heureusement pour moi, Sylvain n'était pas là, et ma mère dormait.
Je venais très rarement dans sa chambre, mais j'ai décidé d'y faire un peu de rangement tant qu'à faire. Et c'est là que j'ai déniché son vieil ordinateur.
Ça m'a intrigué, qu'elle l'ait gardé, parce qu'elle avait horreur de ce genre d'appareil avant. Aujourd'hui, il est hors de question de lui en laisser un entre les mains. Elle pourrait se tuer en se l'éclatant sur la tête.