Ice King

7) Cricket Club

Je grimaçai en atterrissant mal le quad Salchow, mon dos heurtant douloureusement la surface gelée. Au fil des années j’avais appris à tomber “correctement”, histoire d’éviter au maximum les blessures, mais c’était tout de même douloureux…
Alors que j’allais me relever, je vis une main tendue vers moi. Je levai les yeux vers Javier qui s’était apparemment téléporté à mes côtés et le scannai du regard. La pitié ou la compassion était la dernière chose dont j’avais besoin mais je n’en vis aucune dans ses yeux, simplement de la compréhension et de la détermination. J’acceptai donc sa main avec un soupir résigné.

-C’est un problème de rotation ?, s’enquit-il sur un ton de conversation.

-D’angle de quart à l'atterrissage, répondis-je en espérant qu’il ne voudrait pas commencer à discuter en plein milieu d’un entraînement.

Heureusement, il se contenta de hocher la tête avant de repartir patiner de son côté.

Ne voulant pas finir cette séance sur une chute, je continuai à sauter le quad encore et encore, jusqu’à ce que Brian me stoppe et me renvoit aux vestiaires.
Mon corps avait probablement pris une teinte bleue maintenant, vu le nombre de chutes amassées…

Je massai mon épaule qui avait rencontré le mur de la patinoire de façon relativement violente et fis craquer mon cou, réfléchissant à ce quad récalcitrant.

-A quel point es-tu obsédé par le Salchow pour que tu en oublies Pooh-san ? Quel ingratitude…

Je me retournai à temps pour attraper la peluche que Javier venait de me lancer et la serrai contre moi avec culpabilité.

-J’ai envie d’ajouter dans mon programme. Les triples…

Je secouai la tête, incapable de trouver le mot.

-Ne te suffisent plus, proposa l’espagnol.

-Plus pour l’or, acquiesçai-je.

Javier hocha la tête et me tendit un espèce de tube.

-Tracy m’a donné ça il y a quelques temps pour soulager les hématomes. Ça fait des miracles, tu verras.

J’acceptai avec gratitude, ma propre pommade étant bien rangée dans un tiroir chez moi. Quand je voulus lui rendre, il secoua cependant la tête.

-Garde le, il est presque vide et il fallait que j’en rachète de toute façon.

-Tu es sûr, demandai-je avec réticence.

Il acquiesça et sortit en premier, me laissant essuyer les lames de mes patins. Je réfléchissai en même temps à ce que je pourrais lui rendre en retour, mais abandonnai rapidement, incapable de trouver une idée…

Le lendemain, je vis Javier tomber sur un quad et je sautai sur l’occasion, me matérialisant près de lui pour l’aider. Au moins mon action eut le don de l’étonner, mais il accepta ma main sans hésitation. Lorsque je trébuchai sur une séquence, il s’approcha également avec cette fois-ci avec un grand sourire, ce qui m’obliga à faire de même pour sa chute suivante et ainsi de suite. Cette habitude finit par devenir un jeu compétitif, c’était à celui qui avait la réaction la plus rapide et si l’autre ne voyait pas la chute ou n’était pas suffisamment réactif, c’était presque un sentiment de fierté de se relever tout seul… Brian avait très bien cerné notre manège mais se contentait de lever les yeux au ciel en souriant, après tout tant que ça n’affectait pas l’entraînement, ça ne pouvait être mauvais…

Finalement, l’entraînement à deux n’était pas si horrible que ça, on pouvait même y trouver des avantages si on cherchait bien : la motivation, l’entraide, les conseils… J’avais récemment réussi à demander à Javier de m’aider pour le quad Salchow et sans faire des miracles, je progressais de façon satisfaisante.